Barrick Gold vs Écosociété

2009/04/24 | Par L’aut’journal 

Ce premier jugement dans l’affaire Barrick Gold c. auteurs et éditeur de Noir Canada survient un an après le début de l’affaire.  En effet, Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher faisaient paraître le 15 avril dernier l’ouvrage Noir Canada : Pillage, corruption et criminalité en Afrique chez Écosociété, en dépit des menaces de poursuites judiciaires de la multinationale canadienne Barrick Gold.

S’en sont suivis deux poursuites en diffamation totalisant 11 millions de $ par les minières canadiennes Barrick Gold et Banro, des amendements à celles-ci, de multiples et lourdes procédures judiciaires (requêtes, demandes et production de documents, interminables journées d’interrogatoires, etc.), la préparation de volumineux dossiers de défense sous deux juridictions différentes, des déplacements fréquents à Toronto, le rejet de la demande de transfert de la poursuite de Banro au Québec, l’appel de cette décision, etc. Sans parler évidemment du déboursement de frais considérables que supposent de pareilles procédures et de l'épuisement psychologique et moral qu’entraîne une telle mise sous pression.

Après s'être déjà vu concéder en mars dernier le droit d'interroger Sylvie Lapointe, une documentariste de métier s'étant trouvée à filmer un des auteurs lors d'une conférence, Barrick Gold a récemment déposé une requête devant la Cour Supérieure du Québec afin d'interroger un nouveau témoin, M. Paul York, qu’elle estime « impliqué dans la commission préjudiciable à l’origine de son recours contre les défendeurs ».  Paul York a participé à deux évènements tenus à Toronto, que Barrick qualifie dans sa requête d'Anti-Barrick meeting et de Munk Center Ambush, et durant lesquels William Sacher, auteur de Noir Canada, est intervenu pour traiter du contenu de l’ouvrage. Les procureurs de Barrick Gold ont plaidé la « nécessité » de cet interrogatoire pour la poursuite de leur dossier. 

Dans un jugement qui fait honneur au principe de l'accessibilité à la justice, la Cour supérieure du Québec a rejeté la requête de Barrick Gold le 6 avril dernier, estimant que « le critère de la nécessité du témoignage de M. York n’a pas été établi ». Dans son jugement, la juge Guylène Beaugé a rappelé que « le Code de procédure civile ne permet pas d’interroger à l’infini jusqu’à ce qu’une partie obtienne toutes les informations qui lui semblent utiles pour préparer son procès. En outre, un tel procédé enfreindrait le principe de proportionnalité édicté à l’article 4.2. du Code de procédure civile, qui vise à assurer que la justice civile demeure un service accessible par la raisonnabilité des coûts et des délais ».

Une première décision juridique où l'on reconnaît donc le déséquilibre entre les parties, une note encourageante pour la suite...

Pendant ce temps « le pillage canadien en Afrique se poursuit », nous rappellent les auteurEs de Noir Canada (<http://www.alternatives.ca/IMG/pdf/Vol.15No7-ok.pdf),> tandis que « tant le gouvernement canadien que l’opposition libérale viennent de consacrer le Canada comme paradis judiciaire des sociétés extractives mondiales » (voir communiqué du collectif Ressources d’Afrique : <http://slapp.ecosociete.org/fr/node/15687> ).

Les auteurs et l’éditeur de Noir Canada craignent que les poursuites intentées par Barrick Gold et Banro n’aient pour effet d’occulter le débat nécessaire quant au rôle des entreprises et institutions canadiennes dans la souffrance de tant d’Africains. Un enjeu d'autant plus crucial pour la démocratie que les fonds de pension, fonds commun, REERs et autres actifs canadiens financent en grande partie l'activité de cette industrie sur laquelle circulent à travers le monde tant d'inquiétantes allégations.

Source : Éditions Écosociété