Retrait de l’œuvre Milieu humide de l’Île-des-Soeurs

2009/10/13 | Par Nadège Fortier

La ville de Montréal se vante d’être une ville culturelle.  Les festivals internationaux, qu’ils soient musicaux, humoristiques ou cinématographiques, y abondent.  On y bâtit présentement un quartier des spectacles brillant par sa modernité.  On souhaite rattraper le retard pris quant aux œuvres d’art public.  On quintuplera même les budgets d’entretien des 300 œuvres existantes qui représentent, pour une grande partie de la population, un premier contact avec l’art contemporain.

Néanmoins, un arrondissement de cette ville culturelle a décidé de rayer de sa surface un Milieu Humide artistique, une installation cinétique et écologique de l’Atelier In-Situ dont les derniers rodages n’étaient pas encore effectués, et ce sans consultation ou demande aux artistes de corriger la situation.

Les raisons évoquées touchent la sécurité publique, notamment parce que les bâtons réfléchissants risquaient d’éblouir les automobilistes.  Pourtant, il est évident que les raisons sont purement esthétiques.

 

Les commentaires sur un groupe Facebook dénonçant une autre œuvre de l’Île-des-Sœurs sont clairs en ce sens : Milieu Humide ressemble à de la construction, les œuvres « donnent le goût d'emprunter un bulldozer pour quelques minutes »…  Certains commentaires sont encore plus crus.  On regrette, par ailleurs, que les œuvres ne reflètent pas l’esprit du quartier, voire son histoire.

Cependant, l’œuvre de l’Atelier In-Situ est parfaitement en continuité avec le passé de l’Île-des-Sœurs dont les habitants ont déjà oublié l’apport architectural de Mies Van der Rohe.  Avec sa station service et ses tours d’habitation, cette banlieue chic était prédestinée à devenir une vitrine de l’avant-garde.

Milieu Humide rappelle des roseaux ou des quenouilles, d’où son titre.  Savent-ils seulement que leur joli lac fut créé à même un marécage il y a 20 ans? 

En alliant culture – art – et nature – par la forme, la symbolique, le fait qu’elle se transforme au gré des saisons et du temps comme n’importe quel végétal –, l’œuvre rappelle justement cette équilibre réussi entre nature et urbanisation qui fait leur fierté.  Elle constituait donc, mieux que n’importe quelle fontaine « champêtre » que semblent réclamer ses détracteurs, une valeur ajoutée à l’ensemble urbain.

Puisque les œuvres publiques sont une vitrine des savoir-faire de nos artistes et un investissement dans la culture aussi indispensable que la salle de spectacles qui vient d’avoir le feu vert dans l’arrondissement, nous sommes extrêmement déçues de la mise à mort – non nécessaire – de Milieu Humide, qui advient par ailleurs en pleine campagne électorale.

Si le motif véritable du démantèlement est la sécurité publique, nous attendons avec impatience le retrait des larges panneaux publicitaires lumineux qui polluent la vue urbaine et distraient l’œil des conducteurs sur les autoroutes de la métropole par leur clarté exagérée.


Nadège Fortier

Au nom des membres de l’exécutif de l’Association facultaire des étudiant(e)s en art de l’UQAM