Casque anti-bruit pour une fillette et hidjab pour une gardienne de prison

2012/01/24 | Par Louise Mailloux

Juste avant Noël, deux cas d’accommodement ont provoqué le mécontentement dans la population. D’abord, une entente à l’amiable qui est intervenue entre le ministère de la Sécurité publique et la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) autorisant le port du hidjab pour les agentes correctionnelles et l’autre cas, celui concédé par une direction d’école publique, à des parents talibans, exigeant la privation auditive pour leur fillette en classe de maternelle, à chaque fois que ses petits amis entonnent la chanson de «Mimi la fourmi» ou la très populaire «Danse des canards, couac! couac! couac! couac!».

La chose semble complètement loufoque mais nous devons néanmoins la considérer avec beaucoup de sérieux en ce qu’elle révèle des avancées indéniables d’un islam fort sympathique..., l’affaiblissement de notre culture, en même temps que l’érosion progressive de notre laïcité.

Suite à ces événements, nombreux furent les gens qui reprochèrent au gouvernement son laxisme, son incurie et son manque de courage, le blâmant une fois de plus pour son habituelle inaction dans cet épineux dossier.

C’est d‘ailleurs la perception générale de l’ensemble de la population que de penser que ce gouvernement ne fait absolument rien pour régler la question des accommodements raisonnables et que la commission Bouchard-Taylor fut en définitive une perte de temps et d’argent puisque le gouvernement n’a jamais suivi ses recommandations.

Et si c’était le contraire qui se passe, là sous nos yeux, et que ce que nous percevons comme de la négligence ne soit en fait qu’une habile stratégie pour appliquer les recommandations les plus décisives et nous imposer en catimini la laïcité ouverte?

A-t-on oublié que le premier ministre et certains de ses ministres ont affirmé à plus d’une reprise avoir choisi la laïcité ouverte? N’était-ce pas aussi ce que recommandaient les commissaires?


La méthode du disque brisé 

Protestez tant que vous voulez, présentez des mémoires, écrivez des livres, des articles, signez des pétitions, bloguez, twittez, re-bloguez et re-twittez. Rien n’y fait. On se heurte à un mur de Lamentations. Comme pour la demande d’enquête sur la construction, ce gouvernement fait la sourde oreille et demeure insensible à nos requêtes, n’affichant qu’arrogance et mépris vis-à-vis la population qui l’a élu.

Nous sommes pourtant nombreux au Québec à demander une Charte de la laïcité, nombreux à vouloir un débat sur la laïcité, mais la réponse est invariablement la même. Que ce soit la ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Kathleen Weil ou Christine Saint-Pierre de la Condition féminine ou encore Lyne Beauchamp de l’Éducation, c’est toujours le même refrain que l’on nous sert: «Nous n’avons pas le choix, on ne peut aller à l’encontre de la Charte. Nous devons respecter l’article10 de la Charte québécoise des droits de la personne qui garantit la liberté de religion». Voilà tout est dit. Ce n’est pas nous qui décidons, c’est Dieu la Charte. La nôtre en plus!

De leur côté, les représentants de la CDPDJ qui donnent leur avis urbi et orbi tiennent exactement le même discours que nos ministres lorsqu’ils affirment que dans une situation de discrimination, l’obligation d’accommodement raisonnable découle du droit à l’égalité reconnu à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Ainsi, la gardienne de prison portant un hidjab serait privée de son droit au travail à cause de sa religion, ce qui constitue une discrimination selon l’article 10, d’où l’obligation de l’accommoder si cela ne comporte pas de contrainte excessive.

Cette dernière pose des limites à l’accommodement et constitue la ligne rouge au-delà de laquelle les demandes sont considérées comme déraisonnables.

Et pour l’évaluer, nous dit la CDPDJ, on tient compte des coûts, de l’impact de la mesure dans l’organisation, de l’atteinte aux droits d’autrui et du niveau de sécurité à préserver. Si une demande contrevient à l’un de ces critères, alors la CDPJ fera tout son possible pour trouver un accommodement qui la rendra raisonnable.

Dans le cas du hidjab, par exemple, le gouvernement l’interdisait dans les prisons pour des raisons de sécurité. Il aura suffi d’ajouter deux pouces de velcro pour que la «chose» passe de déraisonnable à raisonnable. Deux pouces de velcro garantissant dorénavant la sécurité des agentes et l’affaire est bingo! Fallait y penser! Moins coûteuse que les services des avocats, une couturière aurait pu trouver la solution.

Maintenant, amusez-vous à tester la «contrainte excessive» avec les nombreux cas d’accommodements connus et vous verrez que la plupart d’entre eux passe le test du raisonnable, sauf le refus de transfusion sanguine pour l’enfant dont les parents sont Témoins de Jéhovah, la lapidation pour adultère et l’amputation des mains pour les voleurs chez les musulmans de même que la prière dans les conseils municipaux qui sont considérés comme une atteinte aux droits d’autrui.

En 2006, la Cour suprême a même jugé que le kirpan des sikhs placé dans un fourreau cousu dans une bandoulière était... raisonnable. Deux pouces de velcro et l’affaire est bingo!

Des critères pour évaluer le coût d’une rampe d’accès pour fauteuils roulants dans le cas d’une personne handicapée ou encore l’impact de la grossesse d’une employée dans l’organisation du travail que l’on applique pareillement au foulard islamique.

Le summum de la bêtise qui se prend pour le nombril du monde. Une véritable farce qui se drape dans la toge des juges et qui permet au religieux de s’immiscer allègrement dans nos institutions publiques.

Ces critères relatifs à la contrainte excessive serviront également de balises à tous les intervenants en interculturalisme dans le milieu de l’éducation, de la santé et ailleurs, disant appuyer leur réflexion et leur intervention sur le travail de la CDPDJ qui, vous le devinez, nous enjoint de respecter les Chartes.

Et c’est ainsi que des déclarations de nos ministres jusqu’aux premières lignes d’intervention de ces médiateurs du religieux, tout est orchestré dans la plus grande cohérence pour converger vers la CDPDJ qui protège avec des critères bons pour les handicapés, la liberté de religion.

Étonnamment, de tout ce beau monde, personne ne parle de la nécessité de corriger ces aberrations pas plus que d’inscrire dans notre Charte une affirmation officielle de laïcité. Comme c’est curieux, comme c’est étrange, dirait Ionesco.

Le rapport Bouchard-Taylor souhaitait que l’on privilégie la voie citoyenne plutôt que la voie judiciaire qui doit en être une de dernier recours. Mais c’était sans dire qu’il suffit à nos experts en interculturalisme de travailler en amont et de brandir les Chartes pour que les gens deviennent très accommodants.

Car quel directeur veut emmener son école, son collège ou son hôpital en cour? Et quel chef d’entreprise souhaite une telle publicité pour sa compagnie? Fallait y penser, mon cher Watson!

Et c’est ainsi que la religion se faufile et fait tranquillement son lit dans nos institutions publiques pendant que nous assistons impuissants à ses manifestations les plus délirantes du genre l’amputation... des oreilles par l’usage d’un casque d’écoute anti-bruit pour la fillette musulmane. J’espère au moins que les intervenants en interculturalisme ont pris soin de bien vérifier l’étanchéité du casque!

Sans nous demander notre avis, ce gouvernement a fait le choix de la laïcité ouverte. Et, contrairement à ce que plusieurs pensent, il n’est ni laxiste, ni frileux mais bien déterminé à nous imposer coûte que coûte et d’une manière sournoise, une ouverture maximale aux religions; celles des minorités ethniques, qui bien que minorités savent tout de même voter majoritairement pour le Parti libéral.

Quand un gouvernement fait entrer mille immigrants par semaine au Québec, il serait bien naïf de croire que celui-ci ne songe pas à les courtiser. C’est aussi évident que le nez dans le milieu du visage.

À la page 21 du rapport Bouchard-Taylor, il est écrit : «Au nom de la finalité du système d’éducation, des élèves ne doivent pas être exemptés de cours obligatoires. Cependant, un élève peut être autorisé à abandonner un cours de musique pour suivre un cours équivalent s’il s’agit d’une activité optionnelle.»

Le temps presse pour qu’un débat se fasse à travers tout le Québec sur la place de la religion dans nos institutions publiques avant que nous ne puissions plus revenir en arrière et que ce que l’on trouve déraisonnable aujourd’hui devienne une norme raisonnable dans le futur.

Les petits anges que l’on collait dans nos cahiers d’école peuvent bien continuer à jouer de la harpe, si nous ne mettons pas un frein à ces idioties, bientôt il n’y aura plus personne pour les entendre...

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