« Trente ou 40 ans sans bon gouvernement responsable ! » Vraiment?

2012/02/06 | Par Robin Philpot

On sait depuis longtemps que François Legault ne se prend pas pour une quantité négligeable, mais là, le jupon dépasse. En entrevue aux Francs tireurs, M. Legault a déclaré que tout ce que les Québécois veulent, c’est d’avoir un bon gouvernement responsable, « ce qu’ils n’ont pas eu depuis 30 ou 40 ans. » Vraiment ?

Quarante ans, ça englobe beaucoup : les gouvernements de Robert Bourassa, première mouture, les deux mandats de René Lévesque, les deux mandats de Bourassa, deuxième mouture, le gouvernement de Jacques Parizeau et de son successeur Lucien Bouchard, dont faisait partie M. Legault, ainsi que les gouvernements de Bernard Landry et de Jean Charest.

Attendez qu’on se rappelle : Robert Bourassa, première mouture, c’était la Baie James, la Convention du même nom, la Charte des droits et libertés, pour ne nommer que les plus marquants.

René Lévesque, c’était la Charte de la langue française, l’entente Cullen-Couture sur l’immigration, loi anti-scab, l’expansion fulgurante de la Caisse de dépôt, le zonage agricole, les RÉA, le Fonds de solidarité (FTQ). Pas trop pire ! Et la liste s’allonge !

S’il faut le croire, en termes de réalisations, François Legault les battra tous. Que propose-t-il pour y arriver ? Rien de plus qu’un plan de gestion : « abolir » les commissions scolaires, « abolir » 4000 postes à Hydro-Québec, « ré-ouvrir (sic) » les conventions collectives des enseignants, « ré-ouvrir (sic) » celles des médecins.

Quand même ! Comparer son plan de gestion à des réalisations de l’envergure de la Baie-James ou de la Charte de la langue française, relève de l’enflure verbale si ce n’est de l’enflure de la tête.

Il a également a parlé de la langue, mais surtout pour illustrer son incompréhension de la question. Il ne semble pas saisir que le projet de souveraineté du Québec, qu’il renie entièrement, est le souffle qui a porté le développement du français au Québec depuis les années 1960. C’est à partir du premier référendum, et surtout après celui volé en 1995, que le français a commencé à dégringoler au Québec.

Ainsi en reniant le projet d’indépendance, François Legault ratatine la langue française, la faisant passer du statut de langue nationale d’un pays en devenir à celui de langue de la plus importante minorité au Canada. Comment veut-on que le français devienne la langue pour tout, pour tous et partout, si on accepte d’emblée ce statut de minoritaire éternel ?

Il a répété sa foi de ni fédéraliste, ni souverainiste, ni de gauche ni de droite. Mais comment le croire ? Dès qu’on lui a pose une question sur le Parti Québécois, il a identifié deux « gros problèmes » : 1) l’article 1 du programme, la souveraineté du Québec, et 2) la présence d’une gauche « proche des syndicats ». Pour un « ni ni » qui refuse les étiquettes, il a puisé son discours directement des fédéralistes de droite.

Finalement, François Legault s’en est pris, vertement, à des groupes de pression qu’il entend mettre au pas. Or, là, il pêche  par omission. Les plus importants groupes de pression, ceux qui embauchent les lobbyistes ou encore ceux qui n’en ont pas besoin à cause de la promiscuité de l’élite économique et politique québécoise, sont drôlement absents de sa critique.

En faisant l’éloge et en vantant sans la moindre retenue son préjugé favorable pour l’entreprise privée et des ses amis entrepreneurs, seuls créateurs de la richesse selon lui – et les travailleurs et travailleuses dans tout ça? – on se demande comment il va mettre un frein à leur appétit et leur dire non si jamais il devenait premier ministre ?

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