Stephen Harper nous déteste.ca

2012/09/14 | Par Maude Messier

« Stephen Harper nous déteste. » Avec les mises à pied massives dans la fonction publiques fédérale, c’est certainement ce que doivent ressentir des milliers de travailleurs et de travailleuses.

L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a d’ailleurs choisi de l’écrire dans le ciel. Enfin, sur une bannière flottante tirée par un avion, que vous pourrez apercevoir dans différents événements publics ciblés par l’organisation syndicale. Au sol, des militants distribuent du matériel promotionnel, discutent avec les gens et répondent aux questions.

« On cherchait quelque chose d’accrocheur, qui intrigue », explique Magali Picard, vice-présidente exécutive de l’AFPC pour le Québec. Le slogan fait aussi référence au site Internet mis en ligne par le syndicat.

Rappelons que le dernier budget conservateur prévoit 19 200 coupures de postes d’ici 2015, qui s’ajoutent, précise Mme Picard, aux plans de restructuration déjà mis en branle dans plusieurs ministères avant l’adoption du budget.

Ce jeudi, 1631 employés ont reçu un avis de poste excédentaire. Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) est le principal ministère ciblé, représentant à lui seul 91% des coupes de cette dernière vague.

«C’est faux de dire que les coupures n’affecteront pas les services directs à la population » déclare Magali Picard en expliquant que ce ministère, déjà largement touché par les coupures précédentes, assure justement la plus grande part des services directs à la population : assurance-emploi, pension de vieillesse, supplément de revenu garanti et Service Canada.

Service Canada est un guichet de services, une porte d’entrée pour tous les services et programmes du gouvernement, établi dans toutes les régions du pays. Aujourd’hui, Service Canada centralise ses points de services dans les grands centres, réduit ses effectifs et ses services.

En ce qui concerne les services à la population, elle cite en exemple le fait que le délai raisonnable accepté pour un retour d’appel par un agent de Service Canada est passé de 48 heures à 6 jours ouvrables en quelques années. « Ils disent que c’est correct parce qu’ils savent qu’ils n’ont pas assez de personnel. »

L’AFPC déplore également que le délai pour le versement d’un premier paiement de pension de vieillesse soit actuellement de 4 à 6 mois et de 4 mois pour l’assurance-emploi. « Ce sont les plus démunis qui font les frais de ces coupes. C’est indécent! »

Elle en rajoute, soulignant au passage que le centre d’appel de Service Canada a été complètement privatisé. « Savez-vous d’ailleurs que lorsque vous appelez au 1-800-O-CANADA, ce n’est pas un fonctionnaire qui vous répond, mais un employé de Quantum? »

Cette semaine, Le Devoir révélait que la Défense nationale envisage d’octroyer un contrat en sous-traitance de 100 millions $ au privé pour compenser les coupes dans l’administration, les postes de concierges, les employés de cuisine ou encore les techniciens en armement ou en munitions.


La sécurité, c’est aussi une question alimentaire

L’AFPC fait le pari qu’en ciblant les bons éléments, ils réussiront à soulever le doute chez la population. « Au-delà des conditions de travail, en tant qu’organisation syndicale, on a aussi un devoir de justice sociale. On ne sera pas des témoins silencieux de ce ravage aveugle », de déclarer Magali Picard.

« Il y a tellement de choses dont on pourrait parler, l’aviation civile, l’environnement, la recherche scientifique, etc., mais l’alimentation, ça touche vraiment tout le monde. »

La crise de la listériose a répandu une inquiétude profonde dans la population, à un point tel que le gouvernement avait alors embauché cent inspecteurs alimentaires supplémentaires. Mme Picard indique que pourtant, bien plus d’une centaine d’inspecteurs ont été mis à pied à ce jour. Les normes et les pratiques de l’industrie ont-elles évolué à ce point en si peu de temps?

« Il n’y a plus d’inspecteurs qui vérifient si les normes d’emballage dans les épiceries sont respectées. Les abattoirs s’auto-évaluent maintenant, puis obtiennent leur certification du gouvernement par des inspecteurs dans les bureaux qui ne font plus d’inspection sur le terrain parce que trop débordés. Il n’y a plus d’inspecteurs alimentaires aux frontières pour vérifier si les cargaisons des camions qui entrent au Canada en provenance d’autres pays respectent nos normes sanitaires entre autres. Ce les douaniers, déjà débordés qui assument ces tâches. »

Selon l’AFPC, le gouvernement a même déréglementé les normes d’inspection pour l’abattage des bêtes destinées à la consommation humaine, faisant en sorte que même une bête morte, soit tôt avant le transport pour l’abattoir, soit pendant le transport, sera incorporée à la chaîne alimentaire.

« C’est franchement inquiétant! Auparavant, on retirait la bête et mettait le troupeau en quarantaine le temps de faire des analyses, ce qui créait des délais. Maintenant, il n’y a plus de pertes!, ironise Mme Picard. Le système d’inspection en place n’était pas là par hasard! C’est la même chose qui se produit dans pleins d’autres secteurs, c’est carrément risqué pour la population. »

Elle affirme que les coupures réalisées dans les années 1990 avaient déjà ébranlé passablement les structures, et que cette fois, il est illusoire de penser pouvoir sauver des milliards de dollars sans affecter les services.

« Le gouvernement se plait à dire qu’il coupe dans l’administration, mais la paperasse, comme on dit, il y a toujours bien quelqu’un qui la fait. Avec moins de fonctionnaires pour plus de travail, c’est évident que la première chose qui arrive, c’est une réduction des services. Il n’y en a plus de gras dans la fonction publique fédérale, ce n’est pas compliqué! C’est sûr que pour des motifs idéologiques et électoraux, c’est payant de manger du fonctionnaire au déjeuner. »



Un climat qui n’a rien à voir avec la « saine compétition »

L’AFPC déplore également la façon de procéder aux mises à pied. Tous les employés ayant reçu une lettre les avisant que leur poste est excédentaire doivent participer au processus de rétention national.

Il faut souligner qu’il n’y a pas d’ancienneté au fédéral et que cela implique que tous les employés doivent concourir pour « gagner » leur emploi. Mme Picard précise aussi que le processus de sélection prend pour acquis que tous maîtrisent les connaissances liées à leur poste. Ce sont plutôt les évaluations au rendement, les qualités interpersonnelles, les aptitudes au travail, etc. qui servent de critères de sélection.

« C’est complètement discrétionnaire. Vous imaginez le stress énorme que ça représente pour nombre de travailleurs et travailleuses plus âgés? J’entends des histoires d’horreur. Le climat de travail est horrible en ce moment alors que tout devient matière à compétition et à dénigrer son voisin. Le climat de compétitivité est à son paroxysme. Les boss sont morts de rire. »

Mais au-delà des frustrations liées aux chamboulements, au climat de travail et aux injustices, les membres de l’AFPC tiennent à faire connaître la face cachée des actions du gouvernement Harper, l’envers de la médaille. C’est de cette volonté qu’est née la campagne « Stephen Harper nous déteste.ca », « parce nous, c’est toute la population. Il faut avoir confiance à l’intelligence des gens. »

Mme Picard affirme que l’AFPC reçoit beaucoup de commentaires, très positifs, sur la campagne en cours. Ils reçoivent même des demandes pour du matériel promotionnel dans des milieux de travail non syndiqués.

« On dit aux gens, qui nous demandent quoi faire, de parler à leur député, de poser des questions, d’exiger des réponses. Il faut rendre le gouvernement responsable de ses décisions. »

Parions qu’avec un gouvernement qui cherche par tous les moyens à contrer l’action politique des syndicats (lire à ce sujet l’articleProjet de loi C-377 : Coup fourré des conservateurs contre l’action syndicale, cette campagne de visibilité n’a pas fini de faire jaser dans les coulisses du pouvoir.


Crédit photo: AFPC-Québec

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