La recherche universitaire : une priorité sans lendemain

2013/02/04 | Par Syndicat des employé(e)s de la recherche de l’UdeM

Alors qu’un certain consensus semblait avoir été atteint à l’égard du sous-financement de nos universités, voici qu’aujourd’hui nous assistons à un spectaculaire retournement de situation comme en témoigne l’amputation sauvage de 124 M$ pour l’année en cours.

Cette mauvaise nouvelle, bien sûr dramatique pour la gestion des institutions, est tout simplement alarmante pour le milieu de la recherche universitaire qui voit ici s’allonger la liste des frappes à son endroit; compressions dans les subventions fédérales, réorientations vers des cibles industrielles puis coupes annoncées dans les Fonds Québécois de la Recherche (FRQ) allant de 13 % (Santé, Société et Culture) à 30 % (Sciences Naturelles et Génie).

À l'approche du sommet sur l'éducation, il nous semble important d’expliciter les incidences qu’auront de telles politiques sur la recherche universitaire, et tout particulièrement sur les milliers d’emplois qui s’y rattachent. Il ne s’agit pas ici de professeurs protégés par une permanence, mais bien d’employés à statut précaire, travaillant au sein d’équipes de recherche.

Prenant l’Université de Montréal à titre d’exemple, institution pour laquelle les données existent, ce sont environ 800 techniciens et professionnels de recherche hautement spécialisés qui œuvrent au sein de laboratoires et équipes universitaires de pointe.

De par leurs fonctions, ils veillent au quotidien des activités en assurant le suivi des travaux de recherche et offrent soutien et encadrement aux étudiants des cycles supérieurs et stagiaires postdoctoraux. La qualité de l’éducation supérieure en est entièrement tributaire et la négliger menace du coup la valeur de la formation et la diplomation.

On accole volontiers l’épithète de tour d’ivoire à tout ce qui grenouille à l’université : permanence d’emploi, conditions salariales élevées, avantages sociaux sans pareil et retraites alléchantes. Pourtant, il suffit de regarder les conditions de travail des employés de la recherche pour constater que tous ne vivent pas dans la même tour d’ivoire.

Contrairement aux autres employés universitaires, tous payés sur fonds courants issus d’enveloppes budgétaires récurrentes, les employés de la recherche sont quant à eux rémunérés à même les subventions de recherche, soit des enveloppes aléatoires attribuées par concours et sujettes à renouvellements (2 à 5 ans).

Avec un taux de succès inférieur à 20 % aux concours généraux, nul besoin de souligner l’état financier désastreux qui prévaut aujourd’hui dans les laboratoires de recherche ; les impacts profonds qu’ont de telles conditions sur les équipes en place sont évidents, à commencer par l’extrême précarité d’emploi qui caractérise le milieu.

De fait, les pertes y sont si courantes que la majorité de nos collègues ne cumulent pas plus de cinq années d’ancienneté avant de se retrouver à la rue. Inutile donc de parler d’une quelconque permanence dans de telles conditions. Et, bien sûr, une telle précarité s’associe à des conditions salariales inférieures.

À titre indicatif, la rémunération moyenne d’un professionnel sur fond de recherche à l’Université de Montréal est 25,6% inférieure à celle d’un professionnel du secteur public. Cette iniquité existe dans la plupart des Universités québécoises.

Bien sûr, nul ne peut se targuer d’avoir une gestion sans failles qui ne puisse être améliorée. L’optimisation des dépenses est une exigence constante, qui plus est lorsqu’intervient un financement public.

Pourtant, la détérioration du milieu de la recherche universitaire est déjà une évidence pour quiconque côtoie le milieu.

Aujourd’hui, nous coupons non seulement la main gauche par des ponctions générales aux universités, mais aussi la main droite par les frappes directes sur les subventions de recherche via les organismes subventionnaires.

Alors que 80 % des dépenses en recherches sont d’ordre salarial, il est évident que les coupes annoncées auront un impact dévastateur sur la pérennité des emplois, avant même de parler de la qualité de la recherche.

La recherche universitaire est un investissement collectif dont les visées sont à moyen et long termes, et mettre ainsi à mal son financement menace directement nos espoirs de prospérité pour les années à venir. Son importance sociale comme économique est indéniable. Elle influe, oriente et alimente le développement de notre société en agissant sur toutes les sphères de l’activité humaine. Elle est instigatrice de remarquables avancées industrielles qui donneront naissance aux fleurons de demain, les fruits de cette économie du savoir.

Or, la prospérité de notre recherche universitaire dépend directement du travail collectif des milliers de personnes qui la soutiennent, ce que semble oublier le présent gouvernement. Fondamentalement, ce qui est en jeu ici, ce ne sont pas seulement des emplois, mais aussi des expertises uniques sans compter la qualité de l’éducation au cycle supérieur ; c’est le rôle même des universités au sein de notre société qui est menacé.

À l’aube du sommet sur l’éducation supérieure, c’est à se demander si le gouvernement de Mme Marois réalise l’impact de ces coupes sauvages.