Contre Couillard, Labeaume et Coderre : défendre le droit à la libre négociation

2016/04/07 | Par Pierre Dubuc

Saluons le courage du maire Marc Demers de Laval qui s’est opposé à ces dispositions du Pacte fiscal

S’il réussit à se dépatouiller de l’affaire Hamad, le gouvernement Couillard devrait déposer au cours des prochaines semaines un projet de loi qui permettrait aux municipalités de décréter, au terme d’une négociation factice, les conditions de travail de leurs employés.

Le projet de loi est une promesse du ministre Pierre Moreau faite à l’Union des municipalités, et plus particulièrement aux maires de Montréal et Québec, le 29 septembre 2015, dans le cadre des négociations d’un Pacte fiscal.

En échange d’un éventuel pouvoir de décider arbitrairement les conditions de travail de leurs employés, les municipalités ont accepté, dans le cadre d’un pacte fiscal de 3,2 milliards $ sur une période de quatre ans, des compressions de 320 millions $, qu’elles comptent, bien entendu, récupérer sur le dos de leurs employés, privés de tout pouvoir de négociation.

 

Saluons le courage du maire Marc Demers de Laval

Un cinquième des maires membres de l’UMQ ont voté contre cette entente, dont le maire Marc Demers de la Ville de Laval.

Le maire de Laval a déploré un aspect central du pacte, soit l'attribution du pouvoir de décréter les conditions de travail ou les termes d'une convention collective si les négociations achoppent.

Le maire Demers s’y est opposé pour des raisons pratiques et de principe. Il a déclaré aux journalistes : « Je privilégie les vertus de la négociation. Il y a un dicton qui dit que la pire des ententes vaut mieux que la meilleure des sentences. J'y crois, parce qu'en général, il y a de la bonne volonté de part et d'autre ».

Il a aussi ajouté : « On s'attaque à certains grands principes qui sont régis par la Charte canadienne et la Charte québécoise ».

Finalement, le maire Demers a menacé de quitter l'UMQ, en raison de son adoption de cet élément du pacte fiscal proposé par Québec. La Ville de Laval donne annuellement environ un quart de million en cotisation à l'Union des municipalités.

 

Que concocte Québec?

Quelle sera la teneur exacte du projet de loi à venir? Le ministre Moreau avait laissé entendre que les parties syndicale et patronale pourraient continuer à « négocier », mais qu’au terme d’une période de négociation, les maires pourront décréter unilatéralement les conditions de travail.

Le gouvernement devra faire des acrobaties juridiques pour légitimer sa loi, car un récent jugement de la Cour suprême du Canada (Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan (2015 CSC 4)), a statué que l’interdiction faite aux salariés du secteur public de cette province de faire la grève entravait substantiellement leur droit à un processus véritable de négociation collective, portant ainsi atteinte à leur liberté d’association reconnue par la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour suprême, par l’entremise de la juge Abella, rédactrice du jugement pour la majorité, a consacré pour la première fois le droit de grève comme droit constitutionnel.

La Cour suprême avait posé les jalons de sa récente décision dans l’arrêt préalable Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique ([2007] 2 R.C.S. 391), dans lequel elle avait conclut que la Charte protégeait le droit à un processus véritable de négociation collective.

Selon la Cour suprême, c’est parce que le droit de grève est une composante indispensable de ce droit à un processus véritable de négociation collective qu’il est également protégé constitutionnellement.  « Sans le droit de grève, le droit constitutionnel de négocier collectivement perd tout son sens » (par.24).

C’est sans doute à ces deux jugements que faisait référence le maire Marc Demers de Laval.

 

Signer la pétition

C’est au terme de nombreuses manifestations, de multiples grèves illégales et la menace d’une grève générale que le gouvernement Lesage adoptera le 22 juillet 1964 un nouveau Code du travail qui reconnait, entre autres, le droit de grève aux employés des hôpitaux, des commissions scolaires et des municipalités.

Devrons-nous à nouveau passer par là?!

Le plus simple serait d’exprimer dès maintenant, comme le maire Marc Demers de Laval l’a fait, notre désapprobation du Pacte fiscal conclu entre le gouvernement Couillard, les maires Coderre et Labeaume et l’Union des municipalités, en signant la pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale par la députée péquiste Martine Ouellet qui demande au gouvernement du Québec :

  • De refuser de donner aux élus municipaux le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs propres employés, puisque même par l’intermédiaire d’un médiateur, la Ville serait juge et partie;

  • De s’assurer que ce pouvoir exceptionnel demeure la prérogative exclusive du gouvernement du Québec.

Nous vous invitons donc fortement à vous rendre sur le site de l’Assemblée nationale et signer la pétition à l’adresse suivante :

https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-5901/index.html


 

Photo : CP/Ryan Remiorz