Le système du néolibre-échange, sa fin inévitable

2018/09/05 | Par Guy Roy

Le problème important de ce système, c'est qu'il a toute une alliance militaire pour le protéger : l'OTAN. Vous me direz que c'est le politique qui conditionne le militaire, mais je pense qu'il faut tout de même être conscient des atouts et des faiblesses d'un système pour l'affronter, le faire reculer ou le transformer politiquement même à l'échelle du monde.

De toute manière, comme le constate monsieur Gélinas, ce système a déjà des rivaux. Trump l'a admis dernièrement sans que cela ne fasse les manchettes. Ses tweets quotidiens «olé olé» semblent attirer l'attention des journalistes plus que les implications géopolitiques de ses déclarations. Et c'est ce Radio-Canada servile qui prétend «nous faire comprendre» le rôle des États-Unis dans le monde ou au Canada selon ses «informations-commérages» sur Trump !

Ainsi donc le grand scandale provoqué dans le monde médiatique occidental et étasunien par sa sympathie pour la Russie, ou tout au moins par son envie de ne pas provoquer ce pays, montre jusqu'à quel point le système politique américain, tant chez les démocrates que chez les républicains peut diverger, ou s'entendre globalement, sur la manière d'assurer aux États-Unis leur hégémonie traditionnelle sur ce système du néolibre-échange mondialisé. Les supposées affinités de Trump avec les dictateurs sont des fantasmes d'opposants médiatiques ou autres. Ce scandale montre aussi comment se comporte l'Occident face au déclin du libre-échange annoncé par la fragilité de ses assises populaires, malgré les tentatives d'y associer la population et les requêtes en ce sens lors de la signature des traités. Combien de propagande politique habile, non-démocratique, mais tous à fait inutile pour faire passer le libre-échange ? Et encore, l'ALENA s'insinue dans la campagne électorale québécoise !

Devant les rivaux appréhendés et réels des États-Unis, Trump tente de trouver une manière de tirer l'épingle du jeu pour son pays. Qu'il lève parfois la menace militaire (y compris dans l'espace comme boulet militariste fort coûteux en gaspillage technologique) ne devrait pas nous empêcher de constater qu'il y va aussi parfois de négociations qui sont en droite ligne avec sa volonté de ne plus jouer au gendarme du monde sinon par une alliance occidentale qu'il met lui-même à mal. Devant tant de nouveaux rivaux, qui mettraient en péril les capacités militaires des 800 bases américaines dans le monde ou dans l'espace si les États-Unis déclenchaient une nouvelle guerre mondiale, ont-ils vraiment le choix de négocier ou non ? «Make America Great Again» implique désormais de compter avec d'autres puissances que l'Europe et le Japon.

C'est donc dire toute la latitude qui reste aux anciennes colonies, ces pays du Sud qui tentent par leurs indépendances acquises au cours des luttes anti-coloniales, de trouver une voie pacifique à leur développement. Certains y sont arrivés plus vite que d'autres par différents moyens originaux de gauche et on les appelle des «pays émergents». On n'a pas ce qualificatif pour la Chine qui a des prétentions socialistes à une hégémonie mondiale rapide mais «douce», sans la décimation des peuples qu'ont été les conquêtes coloniales européennes ou américaines. La diplomatie, le «pouvoir doux», la non-ingérence, un commerce qui s'efforce de respecter, comme le dit monsieur Gélinas, les indépendances nationales et les règles internes des pays alliés, voilà les atouts les plus précieux de la Chine qui inspireront sans doute un monde diplomatique plus avisé pour une planète plus sure. Et peut-être sans plus d'impérialismes, au grand désespoir de ceux qui, à gauche et à droite, affublent encore la Chine du qualificatif «d'impérialisme nouveau et agressif» comme le prétendaient les gauchistes des années 70 du pseudo «social-impérialisme russe» qui s'est effrondré comme chateau de carte sous la pression des Reagan et Thacher avec la complicité de Gorbachev.

Mais qu'en est-il donc de la super-puissance américaine maintenant? Elle brandi facilement la menace d'intervention dans différents points du globe. Ainsi faut-il voir la volonté farouche d'indépendance manifestée par les peuples ou leur État comme une contribution non négligeable au recul du pouvoir du système néolibre-échange. Plus ce système sera confiné à ses terres par des gestes audacieux d'indépendance, moins la faveur des peuples ne lui sera acquise et son hégémonie fondra au soleil de la liberté et du courage des États souverains.

Les transnationales, ces créatures et bras économiques du système, sont de plus en plus la cible de plaintes et d'une saine méfiance des peuples. Qu'on pense à Monsanto qui, multipliant les poursuites aux opposants, multiplie les adversaires de ses méthodes. Et même à l'ONU, sous la pression des pays du Tiers-Monde, on se demande comment soumettre les activités de ces compagnies privées gigantesques à certaines règles. Les grandes compagnies du monde, après avoir tiré profit temporairement du libre-échange, pourraient bien être mises sur la défensive de manière à devoir se réformer, payer mieux leurs salariés dans les pays où les travailleurs se syndiquent ou se conformer aux volontés d'une consommation responsable ou respectueuse de l'environnement chez différents peuples comme dans nos propres pays. Les États mêmes peuvent être mis à contribution, comme l'exemple de la Colombie-Britannique, qui poursuit les pharmaceutiques fabriquant les opioïdes. Les poursuites que permet l'article 11 de l'ALENA peuvent donc aussi aller dans l'autre sens si les abus des transnationales sont dans la mire des politiques, dirigeants ou non, et les guident dans leur recherche du bien commun et de la survie de la planète. Il faut dépasser les dénonciations passives du libre-échange, car elles ouvrent la porte au protectionnisme qui a les mêmes buts d'assurer pour les bourgeoisies nationales la survie du système mondialisé entrant en contradiction avec les indépendances nationales.

On ne peut donc pas concevoir le système du néolibre-échange sans la géopolitique qui lui assure son succès ou sa faiblesse. Le déclin de l'empire américain est manifeste. Plusieurs sont d'avis que Trump et tout le complexe militaro-industriel, ainsi que la grande presse, les compagnies transnationales et les institutions conservatrices des USA elles-mêmes, y participent en décuplant l'hostilité face à de nouveaux adversaires sans considération pour leur «sécurité nationale» : la Russie, la Chine, plusieurs pays d'Amérique du Sud encore gouvernés à gauche ou le BRIC qui vient de se détacher de la monnaie américaine pour son commerce extérieur.

Qu'on le rappelle, le peuple américain lui-même et ses composantes, les afro-américains, les femmes, les latinos, et même les travailleurs de la base auxquels on attribue l'élection de Trump par manque d'une politique indépendante pour eux-mêmes (où est la gauche ?) ... sont périodiquement mobilisé-e-s sans interruption notable depuis les années soixante malgré les déprimes idéologiques successives de la gauche. La population interne et externe monte à l'assaut de ce système quotidiennement le taraudant par tous les côtés. Il faut suivre les nouvelles avec un regard d'ensemble critique des mesures que le capitalisme mondialisé libéral impose aux populations. Les considérations habituelles sur le «grand soir» ou l'attente messianique d'un cataclysme révolutionnaire escamotent trop facilement la contribution que les communistes amènent patiemment dans leurs analyses. On ne peut prévoir une révolution fracassante à court terme. Mais on peut observer, en scientifiques, avec les communistes ou les autres analystes, comment ce système planétaire se désagrège sous nos yeux pour annoncer un futur fondamentalement différent.

Il n'y a donc pas de fatalité à la domination du système néolibre-échange, comme le constate monsieur Gélinas, mais il faut aussi mettre dans la balance, en dehors des facteurs strictement économiques, politiques et sociaux, les agents de changement évidents qui marquent l'ère post-coloniale : des armées comme celle du Venezuela aux aguets devant l'ingérence étasunienne en Amérique du Sud, la Corée du Nord et sa ferme volonté de résister aux exercices militaires prêt de chez elle, l'Iran qui ne «négociera pas, mais n'engagera pas de bras de fer militaire » avec les USA, la petite Syrie martyre encore au prise avec le terrorisme mais dont l'allié russe assure la garde, la Palestine qu'on emprisonne à Gaza sans la soumettre, la Chine elle-même et sa prestance mondiale sans jamais confronter directement et militairement les USA dans sa volonté de ce que le mouvement communiste appelle «la coexistence pacifique», ... Et combien d'autres velléités d'indépendance partout dans le monde qui «encerclent» ni plus ni moins l'impérialisme étasunien, pour le nommer par son nom. Si les guérillas des années soixante se sont tuent, les peuples et les États n'en sont pas moins vigilants dans leurs aspirations à la liberté qui confrontent directement le système mondial.

Et le Québec dans tout ça ? Indépendant et hors de l'OTAN, ne ferait-il pas partie intégrante de ce monde en évolution rapide, multipolaire, que les Libéraux malhabiles tentent de suivre à la queue-leu-leu avec un néolibre-échange vacillant, mais dont les règles changeantes pourraient bien avoir plus d'affinités avec des pays indépendants qu'avec des néo-colonies du Canada ou des États-Unis ? L'indépendance, sous toutes ses formes, est plus que jamais utile pour ne pas nous retrouver au sein d'un Canada en faillite pour ne pas avoir envisagé un avenir en face sans la dépendance aux États-Unis.

Au Québec de diversifier et multiplier, dès maintenant et jusqu'à son indépendance, les nouveaux et les plus constants alliés dans ce monde qui se prépare. En Amérique du Sud notamment. En Afrique. En Asie. Partout. Nul besoin de la soumission au Canada ou à ses alliés traditionnels qui nous bloqueraient la route ! N'est-ce pas parmi l'héritage de Gérin-Lajoie «dans nos domaines de compétence» avec l'Afrique, par exemple, en éducation ? Et ces compétences elles se sont élargies depuis sans que les Trudeau n'y puissent rien : technologies environnementales, santé communautaire, réseaux de recherche universitaires, énergies alternatives, agriculture biologique, ingénierie électrique, industrie navale, ... et j'en passe. Des secteurs de paix et d'avenir où nous excellons. Il s'agit somme toute pour tous les aspirants au pouvoir d'en user pour rompre avec un fédéralisme sclérosant, militariste, englué dans ses traditions, comme d'autres ont rompu courageusement avec le colonialisme et l'impérialisme ... et le font encore tous les jours. Et cela bien avant d'avoir devant nous toutes les promesses remplies de la liberté conquise comme le propose la CAQ. Le nationalisme économique de Lisée est à encourager de son vote malgré les élans populistes de gauche ou de droite qui accablent cette campagne sans vision d'ensemble du monde contemporain et truffée de «promesses» à renier à l'épreuve du pouvoir.

Pour l'avenir du monde, votons PQ, le seul à offrir une alternative viable, accessible au pouvoir dès maintenant, pour un Québec à l'aulne des grands bouleversements annoncés sans cesse pour la planète par la volonté d'indépendance indéfectible des pays et des peuples dont nous sommes.