Du choix entre démocratie syndicale et démocratie libérale

2023/12/13 | Par Guy Roy

Dans le débat actuel sur la volonté de faire respecter strictement les conventions collectives, que l’on qualifie facilement de rigidité des syndicats, on oublie aussi facilement que les syndicats sont des instances démocratiques et que les dirigeants y sont élus. Ainsi donc, si les membres sont insatisfaits de la manière d’agir de leurs dirigeants, ils peuvent les remplacer, pour ne pas dire simplement les révoquer. Ce serait donc une erreur que de croire que les dirigeants syndicaux ont le choix de faire n’importe quoi ou qu’ils sont parfaitement libres de manœuvrer comme le gouvernement le voudrait. Leur pouvoir est limité par une certaine volonté de leurs membres. 

Legault a beau jeu de jeter le blâme sur les appareils syndicaux, mais il feint d’ignorer que les dirigeants ont à répondre, comme lui devant la population, de leurs gestes devant les membres même des syndicats.

Et dans l’état actuel du débat, les gens ont plus confiance dans cette représentativité des dirigeants syndicaux que dans celle de Legault. En tout cas, les dirigeants syndicaux ont mieux préparé l’opinion publique qu’un Legault, qui devant la réponse qu’il donne à l‘amélioration des services publics, perd des plumes lui dans cette opinion.

La population n’a donc pas tort de considérer les syndicats et leurs membres comme les remparts des services publics. Et c’est un choix démocratique tout aussi légitime sinon plus que celui d’une population ayant donné son appui majoritaire à la CAQ lors d’élections que les membres à la base des syndicats donnent leur appui à des dirigeants qu’ils souhaitent maintenant intransigeants sur le respect de leur convention collectives.

Le blâme ne revient donc pas aux syndicats, ou aux membres à la base qui exigent le respect de leur convention sous peine de remplacer leurs dirigeants par d’autres tout aussi intransigeants, mais à ceux qui veulent obtenir de la souplesse au détriment des conventions issues du passé. Et il reviendra aux membres eux-mêmes de décider si quelques concessions que ce soient sont acceptable dans un vote que les dirigeants décideront de soumettre aux membres.

C’est une démocratie qui en vaut bien une autre puisqu’on a accepté que le droit d’association soit inclus dans nos constitutions et que celle des travailleurs soit moralement au-dessus de celle de la démocratie libérale, qui a élu un Legault, car, comme le prouve l’accointance entre les travailleurs et une population elle-même travailleuse, l’appui de la population a un caractère de classe indéniablement supérieur à la légitimité éméchée de Legault. Il ne peut s’attaquer présentement aux syndicats, dans la conjoncture actuelle, sans se discréditer aux yeux même de la population.

Si maintenant les syndicats représentent mieux la population que Legault, il n’a que lui-même à blâmer puisqu’il a renoncé à se battre au nom de la nation pour des transferts en santé à la hauteur des besoins et qu’il a accordé, selon les dire des syndicats eux-mêmes, des baisses d’impôt irresponsables. Il était prévisible que son imprévoyance lui retombe dessus car la population a plus de sagesse dans son jugement politique du comportement de Legault et la valeur qu’elle accorde aux luttes des travailleurs a plus de poids que les accusations de Legault.