L’équité et la dignité des femmes dans l’angle mort de l’identité de genre

2024/01/05 | Par Michèle Sirois - Véronique Fournier - Lysanne Couture - Marie Wright

Les autrices sont membres de Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)
 

La dignité et les droits des femmes sont souvent ignorés quand l’identité de genre est abordée. Tel fut encore une fois le cas lors de la présentation de la composition et du mandat du Comité des sages dévoilés le 5 décembre 2023 par la responsable de ce comité, la ministre de la Famille, Suzanne Roy. Cette dernière affirme : « Une chose est certaine : il n'est pas question de faire reculer les droits des personnes trans et non binaires. » Et énumérant les principaux éléments du mandat du Comité, on peut lire : « Collaborer étroitement avec le Conseil québécois LGBTi. »

PDF Québec est rassuré quant au respect des droits des personnes LGBT : il est important de combattre la stigmatisation et la discrimination contre les personnes non-binaires et trans, même si ces personnes représentent une très petite minorité, soit un tiers de 1% de la population (recensement 2021).

Cependant, à nul endroit la ministre Roy n’a rassuré les femmes sur le respect de leurs droits, alors qu’elles représentent plus de la moitié de la population. Est-on conscient au gouvernement que plusieurs des droits réclamés par les personnes trans sont en nette contradiction avec les droits défendus par les femmes?

Donnons quelques exemples du conflit de droits entre les femmes et les revendications d’une certaine frange des groupes LGBT. Dans les épreuves sportives féminines, l’équité et la sécurité physique des femmes peuvent être menacées par l’inclusion de personnes de sexe biologique masculin, mais à l’identité de genre féminine, comme ce fut le cas récemment de la boxeuse québécoise Katia Bissonnette et l’haltérophile April Hutchinson. De même, la sécurité des femmes est menacée dans les abris mixtes pour femmes vulnérables, itinérantes ou victimes de violence ou d’agressions sexuelles.

Danger dans les prisons pour femmes

Depuis l’adoption en 2017 du projet de loi C-16 qui a modifié la Loi canadienne sur les droits de la personne, faisant de l'identité et de l'expression de genre un motif de discrimination prohibé et un facteur aggravant dans le Code criminel, le gouvernement fédéral a ouvert la porte à l’inclusion d’hommes qui s’autodéclarent femmes dans les prisons pour femmes.

« Les criminels qui purgent une peine fédérale au Canada peuvent désormais être incarcérés dans la prison qui correspond à l’identité de genre de leur choix, sans même devoir entreprendre une thérapie hormonale ou d’opération transformatrice. Une douzaine de détenus, au passé souvent très violent, ont ainsi pu être transférés dans des prisons pour femmes après s’être déclarés transgenres. Certains y ont semé la terreurii. »

Depuis plusieurs années, les groupes de pression pour personnes trans réclament ces transferts. Encore une fois, la protection de l’intégrité physique et psychologique des femmes prisonnières est menacée, comme l’a rappelé le Haut-Commissariat des Nations Unies sur les droits de l’homme, rejetant la mixité des prisons parce que dangereuse pour les femmes incarcéréesiii.
 

Et aussi dans les écoles…

La non-mixité a pour but de protéger les femmes et les filles qui, statistiquement, sont davantage à risque dans des espaces intimes (toilettes, vestiaires) que leurs pairs masculins. Cela est d’autant plus vrai à l’adolescence, alors que les contours de l’intimité changent. Nos jeunes filles ont le droit de vouloir préserver des espaces non mixtes sans se faire accuser d’exclure d’autres personnes. L’école doit veiller au bien-être de tout le monde et, en ce sens, devrait être à l’écoute des besoins de ces jeunes filles.

Par ailleurs, permettre les transitions sociales à l’école, soit les changements de noms et de pronoms, sans en aviser les parents, n’est pas sans conséquence pour le développement psychologique des jeunes. C’est d’ailleurs en raison de cela que Le National Health Service, en Grande-Bretagne, a récemment mis en garde les cliniciens contre cette pratique.

Cela a pour effet de fixer la dysphorie de genre et augmente ainsi les probabilités de faire une transition médicale qui comporte des risques irréversibles. Alors qu’il faut avoir 21 ans pour acheter du cannabis, au Québec des adolescentes peuvent réclamer des mastectomies à partir de 16 ans.

L’augmentation fulgurante des cas de transidentités chez les adolescentes depuis une dizaine d’années laisse croire que ce phénomène, dans le cas de plusieurs jeunes, s’inscrit dans des dynamiques sociales dont l’école fait potentiellement partie.
 

Des enjeux qui dépassent les personnes trans

Les enjeux sur lesquels le Comité des sages doit se pencher touchent la société dans son ensemble, mais au premier chef les enfants, les filles et les femmes. Si la ministre veut se faire rassurante en affirmant qu’aucun droit des trans ne sera enlevé, il faudrait aussi considérer que ceux des femmes, qui composent la moitié de la population, sont aussi importants à préserver.

Les sages nommés par le gouvernement doivent se positionner clairement au-dessus de la mêlée et s’assurer que l’inclusion des personnes trans ne se fasse pas au détriment des droits des filles et des femmes. Voilà pourquoi nous demandons à la ministre de la Famille et à la ministre responsable de la Condition féminine de modifier le mandat du Comité de sages sur l’identité de genre en introduisant la nécessaire défense des droits des filles et des femmes.

i Cabinet de la ministre de la Famille, Mise sur pied du Comité de sages sur l’identité de genre, 5 décembre 2023, https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/mise-sur-pied-du-comite-de-sages-sur-lidentite-de-genre-52578

ii Tristan Péloquin, « Transgenres emprisonnées avec des femmes – Cohabitation controversée », 1er octobre 2022, https://www.lapresse.ca/actualites/enquetes/2022-10-01/transgenres-emprisonnees-avec-des-femmes/cohabitation-controversee.php

iii Haut-Commissariat des Nations Unies sur les droits de l’homme LES DROITS DE L’HOMME ET LES PRISONS Manuel de formation aux droits de l’homme à l’intention du personnel pénitentiaire, 2004, http://www.ohchr.org/Documents/Publications/training11fr.pdf, p. 171 et 174.