La mystérieuse disparition de barres d’uranium du Congo a coïncidé avec une importante réunion, tenue du 5 au 8 mars dernier, du conseil supérieur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne ayant pour objet le programme nucléaire de l’Iran.
Selon le journal de Le Phare de Kinshasa du 7 mars, plus de 100 barres d’uranium ainsi qu’une quantité inconnue d’uranium contenue dans des boîtes en forme de casques ont disparu du centre nucléaire de Kinshasa dans le cadre d’un vaste trafic .
Le Commissaire à l’énergie atomique de la République démocratique du Congo (RDC), le professeur Fortunat Lumu et son associé ont été arrêtés sur la base d’allégations de contrebande d’uranium.
Bien que les noms des acheteurs présumés n’aient pas été indiqués, un consensus semble régner dans les médias occidentaux sur la base d’un rapport d’août 2006 du Sunday Times, qui est cité abondamment dans les compte-rendus de la presse internationale, selon lequel Téhéran pourrait être derrière l’opération de contrebande d’uranium.
Ironie du sort, le professeur Lumu était arrêté le jour même où l’ancien directeur de cabinet de Dick Cheney, I. Lewis Scooter Libby, était condamné par un grand jury fédéral pour des accusations multiples de parjure et d’obstruction à la justice en liaison avec l’opération Yellow Cake (uranium) du Niger.
Le procès a confirmé que l’histoire du Yellow Cake était une fabrication déclenchée à partir de documents falsifiés prétendant que Saddam Hussein aurait acheté de l’uranium au Niger pour fabriquer sa bombe atomique.
Sommes-nous aujourd’hui devant une autre opération de manipulation psychologique pouvant être utilisée comme prétexte pour une guerre contre l’Iran ?
Au mois d’août dernier, le Sunday Times britannique, citant une source de l’ONU datée du 18 juillet 2006, signalait que de l’uranium 238 avait été sorti en contrebande des mines de Lubumbashi au Congo. Selon les douaniers tanzaniens cités par le Sunday Times, le chargement était destiné au port iranien de Bandar Abbas . La cargaison radioactive aurait été interceptée à Dar Es Salaam en octobre 2005 lors d’un contrôle de routine .
Selon l’article du Sunday Times intitulé Conspiration iranienne pour obtenir de l’uranium en Afrique , il ne fait aucun doute que des quantités énormes d’uranium 238 sont sorties en contrebande du Congo.
Dans le même article, le Sunday Times affirme, sans preuves à l’appui, que l’Iran a soutenu des cellules terroristes au Royaume-Uni qui pourraient préparer des attaques contre des centrales nucléaires en Grande-Bretagne. Les renseignements circulant à Whitehall suggèrent que les cellules dormantes liées à Téhéran auraient effectué des reconnaissances sur plusieurs sites nucléaires en vue d’une attaque possible.
L’article du Sunday Times poursuit : Le douanier [ tanzanien ], qui a parlé au Sunday Times sous conditions d’anonymat, a ajouté : Le conteneur [ de barres d’uranium passées en contrebande ] a été mis dans une partie sécurisée du port et pour être ensuite été enlevé, par les Américains, je pense, ou au moins avec leur aide. On nous dit à tous de ne parler à personne de cette affaire.
Le rapport de l’équipe d’enquête de l’ONU a été soumis au Président du comité de sanctions de l’ONU, Oswaldo de Rivero, fin juillet et sera bientôt examiné par le Conseil de sécurité. La mine a été officiellement fermée depuis 1961, avant l’indépendance du pays, mais les enquêteurs de l’ONU ont déclaré au Conseil de sécurité qu’ils ont trouvé des preuves que l’exploitation illégale de la mine se poursuivait.
En 1999, des informations circulaient selon lesquelles les autorités congolaises avaient essayé de rouvrir la mine avec l’aide de la Corée du Nord. Ces dernières années, on a dit que des mineurs avaient cassé les couvercles et extrait du minerai extrait des puits, alors que la police et les autorités locales fermaient les yeux.
En juin, une commission parlementaire a averti que la Grande-Bretagne pourrait être visée par des terroristes iraniens si les tensions augmentaient. Une source ayant accès aux évaluations du MI5 a indiqué : Il y a une grande inquiétude sur des cellules dormantes iraniennes dans ce pays [ la RDC ]. Les services de renseignement prennent cette menace très au sérieux.
Selon le Sunday Times, ces révélations augmenteront les craintes occidentales au sujet de l’ampleur du programme présumé d’armes nucléaires de l’Iran et des implications stratégiques de la poursuite de l’appui de l’Iran au Hezbollah pendant la guerre avec Israël.
Dans le même article, on retrouve tous les ingrédients essentiels pour concocter le scénario de l’infâme complot iranien. Le script comprend de l’uranium 238 sorti en contrebande à destination de l’Iran, l’implication de l’Iran et de la Corée du Nord, les cellules terroristes et dormantes iraniennes au Congo, les terroristes iraniens en Grande-Bretagne, le comité de sanctions de l’ONU qui prend note de la contrebande d’uranium passé en contrebande, la commission parlementaire britannique avertissant le gouvernement de Tony Blair qu’une attaque terroriste commanditée par l’Iran pourrait avoir lieu en Grande-Bretagne.
La Iran connection inventée par le Sunday Times s’appuyait sur une lettre du 18 juillet 2006 du Président du Comité du Conseil de sécurité de l’ONU, volontairement citée de manière incorrecte et tordue. Le document de l’ONU et le rapport du groupe d’experts sur la RDC cités analysent bien la contrebande d’uranium, mais ne mentionnent même pas l’Iran.
La lettre signale des incidents de contrebande sur une période de six ans dans et autour de Kinshasa aussi bien qu’en liaison avec des saisies d’expéditions par les autorités tanzaniennes, mais ne contient aucune information concernant les quantités en cause.
En ce qui concerne la prétendue connexion nord-coréenne, il y a bien eu en 1999 une délégation d’ingénieurs nord-coréens au Congo. Mais elle n’a pas eu de suite à cause des pressions exercées sur Kinshasa par Washington comme le confirme le London Times du 27 mars 2004.
L’exploitation d’uranium en RDC est, en pratique, sous le contrôle d’entreprises capitalistes occidentales. La principale d’entre elles, loin d’être iranienne, est anglo-sud-africaine et enregistrée en Grande-Bretagne. C’est la Brinkley Mining PCL.
L’accord établi avec l’autorité de l’énergie atomique du pays, le Commissariat général à l’Énergie atomique (CGEA), incluait la création de la Brinkley Africa Ltd, chargée de superviser la gestion domestique des ressources nucléaires en République démocratique du Congo. Les droits exclusifs de la future exploration et production d’uranium revenaient à la Brinkley Africa Ltd, filiale à 70 % de Brinkley Mining, elle-même filiale de Lonrho Africa.
La Brinkley Mining PLC a publié le 7 mars 2007 un rapport annonçant des pertes de 2747 millions de £ en 2006 et une réduction de 20 % des estimés de ses stocks initiaux. Cependant, malgré ce rapport financier, paru en même temps que Fortunat Lumu était arrêté à Kinshasa, la valeur des actions de Brinkley à la Bourse de Londres a fait un bond de 50 % du 7 au 8 mars.
Au même moment, Paul Wolfowitz, président de la Banque mondiale, arrivait à Kinshasa. Après une réunion avec le Président de la RDC, Joseph Kabila, Wolfowitz annonçait 1,4 milliard de $ d’aide financière à la reconstruction d’après-guerre de la RDC. Même si formellement, elle est destinée à soulager la pauvreté au Congo, une partie de cet argent servira à soutenir les intérêts miniers africains anglo-américains et sud-africains au Congo.
Le vendredi 9 mars, en pleine visite officielle de Paul Wolfowitz, le gouvernement de RDC, sans se référer explicitement à la Brinkley Mining PLC, annonce avoir démantelé un réseau clandestin qui essayait de vendre illégalement l’uranium à des sociétés enregistrées en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud et aux Seychelles (Associated Press, 9 mars).
Le ministre congolais de la Recherche scientifique, Sylvanus Mushi Bonane, a accusé le professeur Fortunat Lumu et son associé de créer des sociétés fictives pour vendre de l’uranium et affirmé les avoir pris la main dans le sac.
Il n’y avait aucune mention de l’Iran dans le communiqué officiel. En fait, tout le contraire ! Le gouvernement pointait du doigt un conglomérat anglo-sud-africain. Selon Le Phare, l’arrestation de Fortunat Lumu était en lien avec les trafics de la Brinkley Mining.
Alors que les médias occidentaux insistent sur une prétendue Iranian connection , le réseau clandestin décrit par les autorités de RDC se rapporte à des ventes illégales à des sociétés enregistrées en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud et aux Seychelles . Or, la Brinkley Mining est enregistrée au Royaume-Uni avec des filiales en Afrique du Sud et aux Seychelles.
La couverture par le Daily Telegraph du scandale de l’uranium congolais suit un cours familier. Alors qu’il n’existe aucune espèce de preuve que l’Iran y soit mêlé, on a eu droit à une série d’allégations selon lesquelles l’Iran serait impliqué !
Traduit de l’anglais par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique, et revu par l’aut’journal.
|Sommes-nous devant une autre opération de manipulation psychologique, prétexte pour une guerre contre l'Iran?
13|20|Économie|La proportion de l'impôt des entreprises en baisse constante|2007-04-20 16:17:43|Léo-Paul Lauzon|
L’étude intitulée La défiscalisation des entreprises au Québec est un mythe réalisée par Pierre Fortin, professeur à l’UQAM, et deux fiscalistes de l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout et Suzie St-Cerny, se voulait une réplique à notre recherche titrée L’autre déséquilibre fiscal : le déplacement du fardeau fiscal des compagnies vers les particuliers au cours des dernières décennies réalisée par l’équipe de la Chaire d’études socio-économiques.
Dans cette étude, on mentionne qu’en 2001, la taxe sur le capital versée au Québec par les sociétés était de 2 milliards $ alors qu’en 2004, cette même taxe était rendue à 1,5 milliard $. Cette taxe sur le capital versée par les sociétés du Québec comprend toutefois les sociétés d’État, comme Hydro-Québec par exemple, qui à elle seule a payé une taxe sur le capital au Québec de 325 millions $ en 2004, soit 22 % du total.
Imaginez si on ajoutait toutes les sociétés d’État provinciales et fédérales. Les défiscalistes ont pris l’année 2001, sachant fort bien que, depuis, le gouvernement libéral du Québec a réduit substantiellement la taxe sur le capital depuis 2004. Silence total aussi sur les importantes baisses d’impôts sur le revenu des compagnies décrétées ces dernières années tant au fédéral qu’au provincial.
De plus, ces messieurs-dame calculent le taux d’imposition effectif des compagnies au Québec en prenant les impôts sur le revenu, les taxes sur le capital et les taxes sur la masse salariale payées par le privé et le public à partir du revenu imposable et non sur le bénéfice net selon les états financiers, comme cela devrait être le cas.
Grâce à toutes sortes d’abris fiscaux octroyés aux entreprises, le revenu imposable total des compagnies faisant affaires au Québec était en 2001 de seulement 52 milliards $ alors que le bénéfice net affiché à leur états financiers était de 77 milliards $.
Faut les excuser de cette petite coquille de rien du tout car les économistes (Luc Godbout était l’étudiant au baccalauréat en économie de Pierre Fortin à l’UQAM) ne connaissent pas grand chose aux principes comptables généralement reconnus et à la détermination du bénéfice comptable de l’état des résultats.
J’oubliais : Pierre Fortin & Co ont omis de signaler dans leur document de travail que la taxe sur le capital et toutes les taxes sur la masse salariale constituent des dépenses déductibles de l’impôt sur le revenu des compagnies.
Nos amis prennent pour du cash le revenu déclaré au fisc par les compagnies sans tenir compte de l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux (88 milliards $ en 2003 selon Statistique Canada, contre 11 milliards $ en 1990), de l’évitement fiscal réalisé par les compagnies grâce aux prix de cession interne entre compagnies affiliées, des compagnies qui se sont transformées en fiducies de revenu pour ne pas payer d’impôts sur le revenu.
En parlant d’évitement fiscal, La Presse du 19 octobre 2006 nous signale que Revenu Canada vient de faire parvenir à la multinationale pharmaceutique Merck une facture de 2 milliards $ pour avoir détourné des revenus dans les paradis fiscaux par le biais des prix de transfert inter-compagnies. C’étaient des revenus non déclarés et donc non inclus dans les statistiques fiscales du Québec et du Canada.
Dans le document des défiscalistes, il est mentionné que : Au préalable, il est utile de noter que la présente étude n’aborde pas les sujets de l’évasion fiscale et de l’évitement fiscal qui pèsent sur les finances publiques des pays développés et qui sont d’une grande importance .
Pas grave, cela ne les empêchera pas de se porter courageusement à la défense de leurs pauvres compagnies qu’ils prétendent surtaxées. Quelle belle marque de fidélité à leur endroit. Une si belle histoire d’amour devrait faire l’objet d’un film sentimental.
Dans sa chronique du Journal de Montréal du 10 novembre 2005 intitulée : Le fardeau fiscal des entreprises , Yves Séguin, ancien ministre libéral des finances du Québec et fiscaliste de profession disait que : Lorsque l’on parle du fardeau fiscal des entreprises au Québec, plusieurs laissent entendre que la situation est pire qu’ailleurs. En réalité, les politiques fiscales du Québec sont parmi les plus favorables, comparativement à l’ensemble des pays industrialisés. La situation fiscale des entreprises au Québec est l’une des plus compétitives, meilleure qu’en Ontario, que le reste du Canada, et bien avant la Grande-Bretagne, les États-Unis, la France, le Japon et l’Italie .
Puis, dans un article paru dans le journal Les Affaires le 26 octobre 2002 et intitulé : Pensez au fisc avant d’entreprendre une expansion américaine , l’auteur François Bédard, associé en fiscalité chez Samson Bélair/Deloitte Touche signale que : Contrairement à la croyance populaire, les taux d’imposition des sociétés sont, en général, plus élevés aux États-Unis qu’au Québec. Aux États-Unis, plus de 6500 juridictions imposent ou taxent les entreprises. En plus des gouvernements fédéral et des États, plusieurs villes américaines ainsi que de très nombreux comtés ont un système d’imposition applicable aux entreprises y faisant affaire .
Dans un article de Jean-Philippe Décarie du Journal de Montréal du 29 septembre 2001 intitulé : Jean-Philippe Décarie rencontre Joe Houssian, président d’Intrawest, le propriétaire du Mont-Tremblant, monsieur Houssian, a déclaré que : Le Québec est le meilleur endroit au monde pour investir .
Une autre bonne parue dans La Presse du 19 octobre 2000 sous la plume du journaliste Réjean Bourdeau reprenant les propos de Simon Prévost, alors économiste en chef pour la Banque Laurentienne valeurs mobilières, qui affirmait que : La proportion de l’impôt des entreprises est en baisse constante depuis vingt ans quand on le compare au total des recettes gouvernementales (impôts des particuliers et des sociétés, taxes indirectes) . Exactement ce que l’on disait dans notre propre étude.
Je suppose que ce n’est là que tous des exemples de fables et de contes populaires pour Fortin, Godbout et les autres, comme ils le mentionnaient si bien dans leur papier ?
Et puis, que dire des études des cabinets d’experts comptables internationaux KPMG et Price Waterhouse Coopers qui ne cessent de répéter à chaque année l’avantage fiscal du Québec, comme cette dernière datant du 22 mars 2006 et publiée dans le Journal de Montréal sous le titre de : Montréal demeure l’une des villes les plus abordables ou encore celle-là parue dans La Presse du 19 février 2004 : Montréal est la moins chère des métropoles du monde industrialisé .
Et un autre article publié dans le Journal de Montréal du 30 septembre 2006 sous le titre Québec, la ville où faire des affaires et dans lequel on signale au premier paragraphe : Avis aux investisseurs. Québec est la meilleure ville canadienne pour faire des affaires, estime le Canadian Business Magazine . Faut peut-être croire que Canadian Business Magazine relève de la littérature populaire socialiste de même que les ragots des cabinets KPMG et Price Waterhouse Coopers ?
Enfin, une superbe, juste pour vous, parue dans La Presse du 8 décembre 1995 intitulée : Le FMI recommande à Ottawa de taxer davantage les entreprises . Faut le faire, l’organisme très conservateur du Fonds monétaire international qui recommandait de taxer un peu plus les entreprises d’ici. Mais, nos gouvernements ont fait le contraire en diminuant radicalement les impôts et les taxes des entreprises à chaque année.
Je pourrais continuer ainsi pendant longtemps à vous citer d’autres sources, comme celles de l’OCDE, prouvant sans l’ombre d’un doute que les entreprises canadiennes et surtout québécoises sont loin d’être surtaxées. Messieurs Fortin et Godbout, pouvez-vous nous expliquer comment il se fait que, si vos compagnies sont tant surtaxées, comme vous le prétendez, elles réussissent quand même à dégager des profits records à chaque année ?
Vous qui aimez les apocryphes et qui en avez pondue une superbe dans votre texte et qui se lit ainsi : Un engagement passionné pour la justice sociale ne dispense pas de savoir de quoi on parle . Pourrais-je à mon tour vous en adresser une qui vous sied à la perfection ?
Un engagement intéressé et inconditionnel pour le mieux-être des entreprises et des nantis ne vous dispense pas de dire n’importe quoi, n’importe quand. En continuant sans cesse de nier les faits et en insistant pour essayer de nous remplir toujours plus comme des valises, vous vous couvrez de ridicule. Comptez-vous chanceux que le ridicule ne tue pas.
|Messieurs Fortin et Godbout, en continuant sans cesse de nier les faits et en insistant pour essayer de nous remplir toujours plus comme des valises, vous vous couvrez de ridicule.
14|21|Dossier|La recolonisation du Québec|2007-04-25 16:10:33|Léo-Paul Lauzon|
Nos outils collectifs vendus dans l'indifférence, et même l'enthousiasme
Il ne peut y avoir de souveraineté politique, culturelle et linguistique pour quelque pays que ce soit sans une souveraineté économique digne de ce nom et encore plus pour des pays en voie de développement et des petits pays comme le Québec.
Alors que d’autres pays beaucoup plus puissants que le Québec et le Canada refusent carrément que soient vendus à l’étranger des joyaux nationaux, au nom de l’intérêt stratégique et de la sécurité nationale, ici au Québec, c’est dans l’indifférence et plus souvent dans l’enthousiasme que sont cédés à des étrangers nos instruments collectifs.
Aux États-Unis, en Europe, on s’offusque plus qu’au Canada de prises de contrôle par des étrangers. J’ajouterais que les intérêts des Québécois et des Canadiens sont généralement opposés à celui des actionnaires et des dirigeants et qu’en Europe et aux États-Unis, l’État intervient souvent pour bloquer des ventes d’entreprises nationales à l’extérieur.
Vous vous dites sûrement pourquoi alors, si les autres le font et vont même jusqu’à la nationalisation directe ou indirecte, avec une forte participation de l’État qui lui donne le contrôle effectif ou un droit de veto sur la vente à l’étranger de compagnies, nous ne le faisons pas ici et encore plus compte tenu de la petitesse de notre secteur économique et de sa vulnérabilité face aux multinationales étrangères beaucoup plus imposantes et dotées de moyens financiers infinis?
Eh bien, la raison est simple : nous sommes dirigés par des politiciens à la fois vendus et ignorants qui ont principalement à cœur leur propre personne et celle de leurs amis, et non l’intérêt supérieur de la majorité.
Sommaire:
Jean-Paul Gagné, Nike et les autres
Quatre cas de privatisations:
(1) Biochem Pharma
(2) Provigo
(3) Domtar
(4) Cambior
Jean-Paul Gagné, champion toutes catégories
Le comble de l’imbécillité et de la soumission la plus totale est Jean-Paul Gagné, l’éditeur du journal Les Affaires. Dans son éditorial du 1er juillet 2006, intitulé : «Vente d’Inco et de Falconbridge : Ottawa doit dire oui», il a écrit : « Un veto d’Ottawa enverrait un mauvais message (sic) dans les marchés financiers et notamment à Washington (sic), où on voit le Canada un peu (je dirais même beaucoup) comme le prolongement (je dirais même la colonie) des États-Unis (sic). Toute transaction qui affaiblit notre souveraineté économique est difficile à accepter (sic) mais le système économique dans lequel nous vivons nous oblige (vous m’en direz tant!) à accepter (faut se soumettre sans rechigner) les règles du jeu (quelles règles?) qui l’accompagnent ». Faut le lire pour le croire !
Heureusement, d’autres ont une autre compréhension du phénomène. Dans un article du Journal de Montréal du 5 décembre 2001 titré : «Le président de CGI s’inquiète des trop nombreuses ventes d’entreprises à des étrangers», Serge Godin déclare que : «Les ventes très nombreuses d’entreprises québécoises et canadiennes à des intérêts étrangers m’inquiètent beaucoup. Je suis persuadé que ces déplacements de centres de décision vers l’extérieur ont un effet nocif sur notre économie, sur l’emploi, sur notre capacité d’établir le maximum de synergie entre nos entreprises pour générer la richesse chez nous.».
Nike accroche les patins de Gaétan Boucher
Le cas de la vente de Bauer à Nike l’illustre bien comme le décrit cet article de Simon Drouin paru dans La Presse du 7 juin 2001 et intitulé : «Bauer Nike Hockey retranche Gaétan Boucher». On peut y lire ce qui suit : «Le congédiement de M. Boucher, 43 ans, fait partie d’une restructuration des activités de Bauer Nike Hockey au Québec. Au terme de cette opération, l’usine de Saint-Jérôme comptera 135 employés de production et 72 employés de bureau. Lors de l’achat de Bauer par le géant américain Nike en décembre 1994, 1200 personnes y travaillaient.
Bauer Nike Hockey compte aussi vendre ou louer une portion considérable de l’édifice de Saint-Jérôme. Quant au siège social de Montréal, il fermera ses portes à la fin du mois. Le congédiement de Gaétan Boucher (le plus grand médaillé québécois de l’histoire des Jeux Olympiques) fait partie de notre plan de restructuration et, comme tous les autres employés, c’est très malheureux, a dit Michelle Mc Sorley, porte-parole de Bauer Nike Hockey».
Il y a beaucoup d’autres exemples. Au cours des dernières années, la vente d’entreprises québécoises présentes dans des secteurs stratégiques pour l’émancipation de la province et surtout de compagnies qui furent jadis propriété de tous les Québécois par le biais de l’État et de ses sociétés d’État comme la Caisse de dépôt et placement, la Société générale de financement, la Société de développement industriel devenue Investissement Québec, Dofor, Soquia, Soquem, etc. s’est multipliée au nom de dogmes creux comme la mondialisation, le libre-échange, l’État minimal non-interventionniste, les supposées lois naturelles du marché, l’adaptation, le modernisme et d’autres conneries du même genre.
La liste est longue, longue, longue
Prenons le cas de quelques entreprises québécoises qui étaient détenues directement (contrôle légal) ou indirectement (contrôle effectif) par le gouvernement du Québec comme Biochem Pharma vendue en 2001 pour 5,9 milliards$ à l’anglaise Shire Pharmaceuticals; Provigo, le plus important détaillant et grossiste en alimentation au Québec, vendue en 1998 pour 2 milliards$ à l’Ontarienne Loblaw et à sa compagnie-mère George Weston; Cambior, le plus important producteur d’or québécois, vendue au mois de septembre 2006 à l’ontarienne Iamgold pour 1,3 milliards$, Domtar, la plus importante papetière québécoise, vendue au mois d’août 2006 à l’Américaine Weyerhaeuser pour 3,3 milliards$ et Sico, le plus important fabricant québécois de peinture, vendue au mois d’avril 2006 au néerlandais Akzo Nobel pour 288 millions$.
Faute d’espace, je n’aurai pas le temps de vous parler de plusieurs autres compagnies québécoises vendues récemment à des étrangers, comme Bombardier Capital, Bombardier Récréatif, La Senza, Maax, Softimage, Dollarama, Delisle, Vachon, Multi-Marques, Gadoua, UAP, Le Groupe Commerce, La Laurentienne Générale Assurances, Meloche Monnex, Bélair Direct, Ivaco, Unibroue, Sports-Experts, Réno-Dépôt, Urgel Bourgie, C-Mac, Sabex, Nova Bus, Prévost Car, Cinar, Sodisco, Culinar, Microcell et Fido, Télésystèmes Mobile, Intersan, Jean-Marc Brunet, Adrien Gagnon, Technilab, Celmed, Bauer, les Alouettes et le Canadien de Montréal, Molson, Corby, Seagram, les papetières Donohue, Stadacona, Alliance, Forex, Foresbec, Avenor, Repap, Cartons St-Laurent, Consolidated-Bathurst, Abitibi-Consol, etc. Et cette liste est loin d’être exhaustive.
Je leur lance un défi !
Je mets au défi tous ceux qui nous disent que les compagnies québécoises peuvent aussi acheter des étrangères de me préparer leur énumération. Il ne faut pas être une lumière pour comprendre qu’à ce petit jeu tronqué, les multinationales étrangères, qui sont mille fois plus grandes vont tout ramasser ce qui les intéresse au Québec dans le temps de le dire, incluant Van Houtte, Québécor, Jean Coutu, Rona, Métro, la Banque Nationale, Cogeco, Transcontinetal, Cascades et même CGI alors que les nôtres vont acheter de petites et moyennes entreprises ici et là.
Quatre cas de privatisation
Dans mes prochains articles, vous allez pomper avec moi, car vous allez voir comment la vente de nos instruments collectifs qu’étaient Biochem Pharma, Provigo, Domtar et Cambior ont enrichi de minables petits affairistes d’ici qui ont réussi à s’abroger, sans que ça leur coûte une maudite cenne noire, ces quatre compagnies publiques québécoises avec la complicité de vos politiciens.
(1) Biochem Pharma
La privatisation, et la vente à l’étranger qui s’ensuivit, de joyaux collectifs québécois, comme Biochem Pharma, Provigo, Domtar et Cambior, s’est effectuée au nom de dogmes primaires et n’a profité qu’à quelques petits affairistes minables.
La prestigieuse revue The Economist a dit récemment que la vente de sociétés québécoises et canadiennes à l’étranger aurait soulevée des passions et une levée de boucliers ailleurs. Ici, rien, même que ça se fait dans l’enthousiasme. Faut être arriérés et colonisés pas à peu près.
L’ancêtre de Biochem Pharma était l’Institut Armand Frappier, un organisme étatique au Québec rattaché au réseau de l’Université du Québec. C’est cet organisme de recherche public qui, à l’aide uniquement de fonds et de chercheurs publics, avait inventé, entre autres, le plus célèbre médicament pour lutter contre sida, le 3TC.
Cette société était un succès total. Puis, le gouvernement du Québec, au nom de l’idéologie néolibérale, l’a privatisée et la compagnie a changé de nom pour Biochem Pharma. On a mis en place des faiseux qui l’ont inscrite en Bourse et qui se sont naturellement octroyés des mégas parachutes dorés composés d’options d’achat d’actions, de caisses de retraite et d’indemnités de départ.
Puis, afin de profiter de la manne, les dirigeants de Biochem Pharma, avec à sa tête l’opportuniste par excellence Francesco Bellini, ces gens qui n’ont eu rien à voir avec les découvertes de la firme, qui n’ont rien investi et, de ce fait, pris aucun risque, ont décidé de vendre en 2001 ce formidable instrument collectif à l’anglaise Shire Pharmaceuticals Group pour 5,9 milliards de dollars.
Le titre de cet article du journal Les Affaires du 23 décembre 2000, rédigé par André Dubuc et Francis Vailles, va tout vous dire sur qui a profité de ce honteux délestage : Les dirigeants de Biochem Pharma empocheront plus de 325 millions, dont la bagatelle somme de 261 millions$ à Francesco Bellini.
Au premier paragraphe de l’article, il est dit que : En vendant, les dirigeants de Biochem Pharma n’auront plus les coudées franches, mais ils auront les poches bien garnies… En rétrospective, les hauts dirigeants auront profité des décisions récentes (sic, c’est-à-dire juste avant la vente) de l’entreprise concernant leur rémunération.
Puis, pour nous écoeurer encore plus, Bellini a dit des énormités dans un article de La Presse du 12 mai 2001 de Denis Arcand intitulé : Bellini a le cœur brisé… Je ne suis pas un lâcheur. Un lâcheur et un profiteur si vous voulez mon avis.
Comment se fait-il que le gouvernement péquiste et la population du Québec n’ont rien fait pour stopper cette transaction? N’y a-t-il pas de secteur plus stratégique pour un pays, générateur d’investissements, de recherches et d’excellents emplois, que le domaine pharmaceutique?
La France n’a-t-elle pas récemment empêcher la vente à des étrangers de sa pharmaceutique Aventis? Essayez donc pour voir de faire une offre d’achat émanant d’étrangers sur les Américaines Merck et Pfizer.
Lors de la vente à l’étranger de Biochem Pharma, de Provigo, de Domtar, de Cambior et même des Canadiens et des Alouettes de Montréal, où étaient donc nos intrépides et aventureux gens d’affaires et nos lumineux lucides qui nous accusent pourtant régulièrement d’immobilisme?
Ce qu’il aurait fallu faire, comme beaucoup d’autres pays d’ailleurs, c’est de créer, comme l’a suggéré récemment Québec Solidaire, une société d’État comme Pharma Québec qui aurait hérité de Biochem Pharma (Institut Armand Frappier) et qui aurait aussi pris des participations dans d’autres jeunes compagnies pharmaceutiques québécoises.
Ainsi, nos découvertes, nos emplois, nos investissements et notre argent resteraient ici même au Québec. Nos politiciens doctrinaires préfèrent verser des milliards de dollars en fonds publics à chaque année sous forme uniquement de subventions, et non d’achats d’actions, à des compagnies qui sont ensuite vendues à des étrangers au seul profit de leurs actionnaires, comme ce fut le cas ces dernières années dans le domaine pharmaceutique avec Sabex, MultiChem, ID Biomédical, Technilab, Anapharm, Promedis, Pangeo Pharma et Celmed Biosciences.
Dans le cas de Celmed Biosciences vendue au mois de novembre 2006 à la hollandaise Kiadis, qui toutes deux se spécialisent dans les médicaments contre le cancer, le titre de l’article de La Presse du 29 novembre 2006 est révélateur : Celmed Biosciences : le siège social quitte Montréal, même si Celmed représente 70% des actifs de la nouvelle entreprise.
Et puis, même si les gouvernements et Francesco Bellini nous avaient juré avoir obtenu des assurances bétonnées, Shire ferme le labo de Biochem à Laval, tel était le titre de l’article de La Presse du 1 er août 2003 dans lequel on pouvait lire ceci : Trois ans après avoir acheté la pharmaceutique lavalloise Biochem Pharma, et deux jours après avoir obtenu un contrat de vaccins de plusieurs millions du gouvernement fédéral, l’anglaise Shire Pharmaceuticals a annoncé hier la fermeture du centre de recherches Biochem de Laval…
Les 120 scientifiques et administrateurs du prestigieux laboratoire ont été avisés hier qu’ils seront licenciés. Terminons au moins sur une note positive. Au mois de décembre 2006, Francesco Bellini vient de nous annoncer qu’il va s’installer en Alberta. Bon débarras. Si ça peut juste inciter d’autres profiteurs comme lui à faire de même, on ne s’en porterait que mieux. On est prêt à payer le transport et le cognac pour fêter ça.
(2) Provigo
L’histoire de Provigo, le plus important distributeur et grossiste en alimentation au Québec, est celle d’un retentissant succès né de véritables entrepreneurs dignes de ce nom suite à la fusion de Couvrette et Provost, Lamontagle et Denault.
Pendant longtemps, le contrôle majoritaire de ce joyau collectif était détenu par trois sociétés d’État québécoises que sont le Caisse de dépôt et placement du Québec, la Société générale de financement du Québec et Soquia.
Notre bon gouvernement du Québec a d’abord nommé à sa tête des opportunistes de luxe. Comme président et chef de la direction, ce fut Pierre Migneault qui eut la bonne idée aussi d’embaucher sa conjointe Sylvie Lorrain à titre de vice-présidente déléguée, qui elle également passera à la caisse. Comme président du conseil, ce fut Pierre Michaud, actionnaire majoritaire de Réno-dépôt qui a depuis vendu sa business à une compagnie française.
Puis, le brainwashage et la propagande du faiseux Pierre Michaud a commencé, comme le démontre clairement le titre de ces deux articles du Devoir et du Journal de Montréal parus le 12 avril 1995 : Le président du c.a. de Provigo souhaite que la saga finisse. Pour Pierre Michaud, la Caisse de dépôt ne devrait plus contrôler la compagnie, et Pour le bien de l’entreprise, il faudrait que Provigo appartienne à une multitude d’actionnaires. Pierre Michaud, président du conseil.
On se laisse dire n’importe quoi, par n’importe qui sans rien dire. Quelqu’un peut-il dire à ce petit monsieur que c’est lorsqu’une compagnie appartient à l’État qu’il compte le plus de propriétaires, soit plus de 7 millions de québécois et c’est ce qui est le mieux pour l’entreprise, la population et le Québec.
Nos journalistes, avec leur légendaire sens critique, se sont laissé dire et ont rapporté fidèlement les conneries des dirigeants. Vraiment pathétique! Puis, comme il va de soi, Si Provigo passe à Loblaw, le tandem Migneault-Michaud passera à la caisse, tel était le titre de l’article de Miville Tremblay paru dans La Presse du 4 novembre 1998. Encore une fois, des gens qui n’ont pas fondé l’entreprise, qui n’ont rien investi et qui n’ont pris aucun risque, ont empoché des millions de dollars.
Dans un article de La Presse du 9 janvier 1999 intitulé : Pierre Migneault ne devrait pas faire de vieux os chez Provigo, il est dit ceci d’intéressant au premier paragraphe : Le président de Provigo s’est dit prêt à rester en poste sous la nouvelle direction de Loblaw. Mais avec le parachute doré qu’il s’est négocié (sic), comment pourrait-il refuser de sauter?. Effectivement, Migneault-Michaud ont sauté et très vite en plus de ça.
Loblaw avale Provigo. L’offre du géant ontarien survient au moment où la Caisse de dépôt, Métro-Ricgelieu et Provigo travaillaient à un projet de rapprochement, tel était le titre de l’article du Devoir du 1 er novembre 1998.
Même si la Caisse de dépôt et Métro-Richelieu étaient prêts à tout faire pour que le contrôle de ce géant reste au Québec, nos politiciens n’ont rien fait, de même que nos aventureux gens d’affaires d’ici qui ont pourtant horreur de l’immobilisme. Loblaw, une filiale de George Weston a payé 2 milliards$ pour faire l’acquisition de Provigo.
Pour l’essor de l’industrie agro-alimentaire du Québec, il aurait fallu que notre gouvernement intervienne pour forcer la fusion de Métro et de Provigo et contraindre ces détaillants à faire un minimum de place sur leurs tablettes à nos PME québécoises comme Lavo, Leclerc, Carrière, Yoplait, Lassonde, Cascades, Lafleur et d’autres.
Comment nos petites entreprises québécoises peuvent-elles, dans cette industrie, tenir tête à des multinationales comme General Foods, Kraft et Nestlé? Penser le contraire, c’est faire preuve d’une forte dose de pensée magique. Si d’autres pays le font, pourquoi alors ne le faisons-nous pas au nom du pragmatisme et du gros bon sens?
Mais dans le cas de nos biens publics, le profit rapide empoché par les dirigeants opportunistes importe plus que le bien être de l’ensemble des Québécois et des générations futures, comme l’a très bien signalé l’article de Miville Tremblay de La Presse du 4 novembre 1998 mentionné plus tôt : On comprend que le tandem Migneault-Michaud ait trouvé moins intéressante l’offre de Métro-Richelieu où l’appréciation du titre aurait été possible de manière plus graduelle et plus incertaine. Valait mieux empocher les millions tout de suite et décrisser avec le pognon.
Le titre de ces articles va vous donner une bonne idée de ce qui s’est produit par après, suite à la vente de Provigo à l’Ontarienne Loblaw :
- Provigo déleste 125 employés de son siège social. Les Affaires , 26 juin 1999;
- Vente de Provigo à Loblaw : l’inquiétude demeure grande parmi les producteurs et transformateurs québécois. Le Devoir , 28 août 1999;
- Provigo restructure ses services informatiques, La Presse , 14 février 2002. 50 Postes en moins au Québec;
- Centralisation de Loblaw à Toronto. L’agroalimentaire québécois s’inquiète, La Presse , 5 mai 2006;
- Loblaw fait le ménage au Québec, La Presse , 17 novembre 2006. On peut lire que : Après avoir délesté deux centres de distribution qui employaient 140 personnes l’an dernier, Loblaw fermera 27 magasins au Québec au cours des prochains mois.
Puis, concernant le cas précis du secteur de la boulangerie au Québec, voici une autre belle histoire impliquant Weston, la compagnie-mère de Loblaw. Dans un premier temps, Weston évince les pains Gadoua, tel était le titre de l’article du Journal de Montréal du 26 mai 2001. Fini les pains et autres produits de la québécoise Gadoua dans les marchés Provigo, Maxi et Loblaws. Ils seront remplacés par les produits Weston, bien évidemment. On est jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas?
Puis, comme une PME comme Gadoua ne peut supporter financièrement une telle perte de clientèle, ce qui devait arriver arriva, La boulangerie Gadoua se laisse avaler par la torontoise Weston, que titrait l’article de La Presse du 8 juillet 2004. Fantastique. Peuple colonisé, soumettez-vous à genoux! Dans la même veine, le président de la chaîne québécoise de dépanneurs Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, avait déploré la vente de la boulangerie québécoise Multi-Marques à l’Ontarienne Canada Bread et avait dit que cela sera dommageable pour l’économie québécoise dans un article du Journal de Montréal du 24 janvier 2001 intitulé : La vente de Multi-Marques à Canada Bread Compagny : Une belle occasion ratée, dit Alain Bouchard.
(3) Domtar
N’y a t il pas secteur aussi névralgique pour un pays d’être propriétaire de ses ressources naturelles comme les autres pays occidentaux le sont. Uniquement dans le secteur des pâtes et papier, voici une liste non exhaustive de compagnies québécoises qui sont passées à des intérêts étrangers ces dernières années sans que personne n’intervienne : Papiers Stadacona, Alliance, Forex, Consolidated-Bathurst, Foresbec, Avenor, Cartons St-Laurent, Repap et Donahue. À quand le tour de Cascades et de Tembec?
Domtar, la plus importante papetière québécoise, qui, il n’y pas si longtemps, était détenue majoritairement par l’ensemble des Québécois par le biais de la Société générale de financement, de la Caisse de dépôt et placement et de Dofor.
Mais voilà, au nom de l’idéologie néolibérale qui préconise l’État très minimal et déifie le pseudo-marché fondé sur le capitalisme global, nos minables politiciens l’ont privatisé sans aucun débat public, ont nommé comme dirigeants de petits faiseux, plutôt que de véritables commis d’État, qui ont vite fait de vendre à des étrangers en empochant des millions de dollars grâce aux parachutes dorés qu’ils s’étaient octroyés.
Domtar passe aux Américains (la papetière Weyerhaeuser). Une opération de 3,3 milliards$. Québec réagit prudemment, tel était le titre de l’article du Devoir du 24 août 2006. Ben non, le gouvernement libéral du Québec n’a pas réagi prudemment; Jean Charest et Raymond Bachand, son ministre du Développement économique, ont applaudi, en vrais colonisés qu’ils sont, à cette prise de contrôle étrangère comme il a été signalé dans l’article du Devoir du 26 août 2006 : Québec ne s’opposera pas à la fusion entre Domtar et Weyerhaeuser.
Quant au Parti québécois, il fut égal à lui-même en donnant son accord mais avec prudence : PQ : la prudence est de mise, que titrait le Journal de Montréal du 25 août 2006. Comme à l’habitude, on s’est fait rassurant pour les jobs et le maintien du siège social à Montréal, comme le titrait Le Devoir du 24 août 2006 : Domtar se fait rassurant pour les emplois au Québec.
Le petit parvenu de président de Domtar avait passé son message aux politiciens dans ses médias et avec l’appui indéfectible de ses loyaux journalistes, comme le signale de façon explicite le titre de cet article de Michel Van de Walle paru dans le Journal de Montréal du 10 novembre 1995 : Le président de Domtar souhaite que Québec vende son bloc de la papetière.
Dans l’article, il est dit ceci de vraiment intéressant : Selon le président Stephen Larson, le contrôle exercé par le gouvernement du Québec sur le capital-actions de Domtar a un effet dépressif (sic) sur le titre en bourse. Québec a acheté 42% des titres de Domtar en 1981 pour éviter un transfert d’activités en Ontario.
L’important c’est la hausse rapide du prix de l’action afin d’engraisser les arnaqueurs de première classe et au diable les besoins des autres. Que pensez-vous que le gouvernement français aurait répondu à ce petit parvenu s’il lui avait demandé de se délester des actions qu’il détient directement et indirectement dans Renault, Airbus, EADS, France Télécom, Électricité de France, Sanofi-Aventis, etc?
Tout de même bizarre, en 1981, le gouvernement du Québec prend le contrôle effectif de Domtar afin d’empêcher sa vente à l’étranger et 25 ans plus tard il applaudit et participe à sa vente à l’Américaine Weyerhaeuser. Autres temps, autres mœurs! Un exemple éloquent que la modernisation, l’adaptation et la réingénierie de l’État riment avec colonisation.
(4) Cambior
C’est en 1986 que le gouvernement du Québec a privatisé pour des miettes Cambior, le plus important producteur d’or québécois, qu’il détenait par le biais de la société d’État Soquem. Naturellement, de petits dirigeants incompétents ont été mis en place, dont le président Louis Gignac qui, par après, a presque acculé à la faillite Cambior par une très mauvaise gestion de couverture des risques.
Il n’aurait pas fallu que cet impair, qui a coûté des dizaines de milliards de dollars à Cambior, eut été fait du temps que l’entreprise était propriété de l’État sinon on en aurait entendu parler par ben des arrivistes qui auraient alors exigé la privatisation sur le champ. Ils sont toutefois plus compréhensifs et plus tolérants pour les erreurs commises par le privé et loin d’eux l’idée de suggérer la nationalisation dans ces cas.
Puis, pour 1,3 milliard de dollars, Le producteur d’or Cambior passe entre des mains torontoises. L’union avec Iamgold donnera naissance à la dixième entreprise aurifère mondiale, que titrait Le Devoir du 15 septembre 2006.
Comme cela va de soi dans ce type de transaction : Le Québec minier déplore la perte du siège social de Cambior, que titrait l’article du journal Les Affaires du 23 septembre 2006 dans lequel le journaliste François Riverin mentionne que : La transaction se traduira par la disparition du siège social d’un producteur minier de taille importante au Québec au profit de Toronto, avec les effets négatifs sur les emplois et les fournisseurs de service que cela implique. Je suppose que c’est comme ça qu’on va s’enrichir au Québec et que cela va profiter pleinement aux générations futures?
Le mot de la fin de cette autre triste histoire revient à la pathétique chroniqueuse de La Presse , Michèle Boisvert qui, après la touchante entrevue que lui a aimablement accordée le président de Cambior Louis P. Gignac, a titré son texte ainsi : Transaction sur fond de tristesse.
Naturellement, la madame a laissé Ti-Louis Gignac dire n’importe quoi sans l’ombre d’un minimum de sens critique. Comme Francesco Bellini avait le cœur brisé lorsqu’il a vendu Biochem Pharma à l’anglaise Shire, Louis Gignac, qui est le seul responsable des difficultés financières de l’entreprise est, quant à lui, triste de la vente de Cambior à l’ontarienne Iamgolg.
Tous les producteurs d’or au monde font depuis plusieurs années des affaires d’or alors que Cambior végétait. Cherchez l’erreur chez celui qui est attristé, mais qui, comme les autres, empoche légitimement des millions de dollars pour l’aider à passer au travers de cette dure épreuve. Une chance qu’il y a des chroniqueuses humanistes comme Michèle Boisvert de La Presse pour leur prêter une oreille attentive, les comprendre et partager leur douleur devant de tels drames, sinon ces affairistes de grands chemins auraient certes des pensées suicidaires.
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