Ce matin je déjeune en écoutant les nouvelles à la radio. Tout à coup le mot Kyoto est prononcé, je m’étouffe presque, deviens rouge de colère. Mais pourquoi donc cette vive réaction ? Pourtant, l’animateur faisait tout simplement référence au Protocole de Kyoto. Mais, que voulez-vous, j’ai atteint ma limite. C’est assez d’entendre pérorer sur ce débat oiseux qui m’écorche les oreilles depuis 1995.
N’allez pas croire que je suis contre le fait que 156 pays sur 192 sauf les États-Unis et l’Australie (le Canada lui, qui renie sa signature) s’entendent pour réduire la production de gaz à effet de serre qui, en gros, est responsable des changements climatiques, dont les effets nous font placoter de température de plus en plus.
Non, ce qui m’irrite, c’est qu’à chaque jour qui passe depuis 1995, les cheminées des usines n’ont pas cessé de cracher leur pollution. Moi, lorsque je déjeune, je veux des céréales, et pas qu’on me lise ce qui est écrit sur la boîte. Pouvons-nous entendre parler des faits, de la dépollution et cesser de placoter des promesses, des intentions, des cibles, des objectifs, des comités d’étude, des….
De plus, lorsque l’on sait que le Protocole permet à une compagnie canadienne de vendre un produit, qui, lorsqu’utilisé au Guatemala, aide à moins polluer là-bas, permettra à la compagnie canadienne de recevoir une permission pour pouvoir polluer plus, ici !!! Oui, oui! Vous avez bien lu. On nous prend pour des crétins et nous devrions militer pour faire appliquer ce Protocole ! Ben là ! Fâché que j’vous dis !
Pendant que ça placote de Kyoto, le gouvernement canadien, lui, en février 2007 refuse de signer un traité international qui, pourtant, ne fait que mettre au point des mesures limitant les émissions de mercure. Non, mais le tas s’alourdit et là je risque de casser ma pipe en lisant que, pendant des années, les usines de pâtes et papiers ont pu déverser illégalement leurs rejets toxiques dans les cours d’eau du Québec sans aucune crainte de se faire poursuivre par Ottawa.
La Commission de coopération environnementale de l’ALENA nous apprend que, sur des milliers de contraventions, à part quelques taloches administratives sous forme d’avis d’infraction et d’exigences techniques supplémentaires, les gouvernements ont tous comme politique de se contenter d’obtenir des papetières qu’elles s’engagent, en cas d’infraction, à faire fonctionner leurs équipements antipollution.
Pour ne pas avoir à sévir, les fonctionnaires ont établi des marges d’erreur qui leur permettent de considérer comme normaux des dépassements allant de 10 à 30 % de certaines normes. Et lorsqu’il y a dépassement, comme les rapports de rejets toxiques sont examinés beaucoup plus tard par des contentieux généralement coupés du travail sur le terrain, il manque toujours quelque chose à la preuve. Résultat, nous apprend Louis-Gilles Francoeur du Devoir les gouvernements abandonnent les poursuites et donnent des coups de mouchoir sous forme de nouveaux avis d’infraction.
Pas eu l’temps de recoller ma pipe qu’en mars les papetières annoncent avoir utilisé moins d’eau. Soit environ dix mètres cubes de moins par unité de production qu’en 1999. Les eaux qu’elles rejettent contiennent moins de dioxines et de furannes, affirment-elles. Sauf que la production totale de l’industrie s’est accrue de 20 %. Avec la langue de bois, on tente de nous faire comprendre qu’il y a économie d’eau... mais en lisant bien, on comprend que la production ayant augmenté, l’impact des rejets aux égouts est encore plus grand qu’avant les programmes de dépollution.
Il faut donc conclure que nos valeureux députés se sentent redevables et incapables de mettre les gens d’affaires pollueurs au pas. Changeons donc de tactique et c’est ce qu’a fait la Coalition Eau Secours! Cette dernière vient de lancer un programme de défense législatif dans le domaine de l’eau. Elle cherche à impliquer les candidats aux élections provinciale ou fédérale et les élus dans une démarche de reconnaissance que l’eau est une chose publique (chose commune) et que ce sont les citoyens députés qui seuls peuvent faire en sorte qu’elle soit pour toujours protégée.
La démarche est simple et se base sur deux faits incontestables : l’air et l’eau de qualité sont les deux choses dont personne ne peut se passer et il n’existe aucun substitut. La Coalition a donc décidé de lancer un avis de recherche, afin que les Québécois et les Québécoises sachent sur qui compter pour mettre en place la Politique nationale de l’eau et les quatre priorités développées par la Coalition. Eau Secours! a déjà écrit à plus de 500 candidats ou députés, les invitant à signer un formulaire d’engagement public pour une période de 5 ans, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la prochaine législature.
En agissant ainsi Eau Secours! ne cherche pas un engagement de parti politique, puisque la Coalition ne fait pas de politique partisane. De plus, nous croyons que la cause de l’eau doit transcender les positionnements des partis politiques. La Coalition cherche plutôt d’honnêtes citoyens et citoyennes qui, futurs députés, défendront la cause de l’eau à l’intérieur même de leur famille politique.
Les quatre priorités décrites dans l’engagement des futurs députés.es de l’eau sont : 1. La désinfection des eaux d’égouts (eaux usées). Il s’agit ici de faire ajouter une étape aux eaux usées avant de les rejeter dans les cours d’eau;
2. L’obligation pour toutes les villes du Québec d’atteindre les normes fixées par le règlement sur la qualité de l’eau potable durant le prochain mandat. Le règlement sur l’eau potable adopté par l’Assemblée nationale en juin 2001 a été modifié à plusieurs reprises afin de reporter la date d’échéance de 2004 pour que toutes les villes s’y conforment;
3. Eau embouteillée : faire cesser l’autoréglementation pratiquée par les embouteilleurs et les obliger à faire les mêmes tests de qualité de l’eau que ceux pratiqués par les villes. Légiférer afin que les embouteilleurs d’eau se conforment au même règlement que les villes, c’est-à-dire les 73 paramètres dont elles doivent tenir compte dans les tests d’eau.
4. Faire biffer l’article 108 de la loi 134, interdisant ainsi aux villes la privatisation de la gestion de l’eau. L’article 108 dit : Toute municipalité locale peut, pour une durée maximale de 25 ans, confier à une personne l’exploitation de son système d’aqueduc ou d’égout ou de ses autres ouvrages d’alimentation en eau ou d’assainissement des eaux. Tout contrat visé au premier alinéa peut également prévoir que la personne assure le financement des travaux effectués en vertu du contrat. Dans un tel cas, la Loi sur les travaux municipaux (L.R.Q., chapitre T-14) ne s’applique pas à ces travaux.
La grande leçon à tirer face à l’inaction de nos gouvernements réside dans le fait que nous ne serons jamais mieux servis que par nous-mêmes. Il faudra donc s’engager, convaincre ceux et celles qui souhaitent nous représenter, de porter avec eux nos priorités. Nous n’avons plus le choix, il faut transcender les lignes de partis politiques pour s’assurer de faire avancer les objectifs des citoyens en priorité sur celle des commerçants.
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