Tassez-vous !

2007/08/17 | Par Michel Rioux

Qu’ont en commun les Lord Black of Crossharbour, Guy Laliberté, Gilbert Rozon, Larry Smith, René Angelil, Vincent Lacroix, Normand Legault et autres matamores de la réussite sociale, économique, culturelle et sportive? D’avoir inspiré la pub de Wolskwagen : Tasse-toé, mononcle ! Sauf que ces gars-là ne tassent pas seulement les mononcles. Ils tassent tout le monde.

Il faut une forte dose de mauvaise foi pour soutenir que ce sont des employés de bureau, des secrétaires, des préposés au déneigement et au ramassage des ordures qui seraient les principaux décideurs à la Ville de Montréal et qui, en conséquence, seraient responsables des retards, des tergiversations, des emmerdes bureaucratiques que rencontrent, semble-t-il, des promoteurs qui, comme l’inénarrable Régis Lévesque le fait dans la boxe, promotent. Pas simple de faire affaire avec Montréal, titre La Presse. On veut bien, mais faudrait identifier les vrais responsables. Les cols bleus ont leurs défauts et le dos large, mais encore !

Mais au fait, pour qui promotent-ils, ces promoteurs, ces autoproclamés bâtisseurs, ces entrepreneurs téméraires qui osent, mais avec l’argent des autres, c’est-à-dire avec l’argent de celles et de ceux qu’ils regardent avec mépris? Ils promotent pour eux-mêmes, voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue.

Guy Laliberté promote pour se payer le luxe de perdre 800 000 $ en une soirée au poker, à Las Vegas, compagnon du mari de Céline Dion qui, lui, joue les millions gagnés par la petite chanteuse de Charlemagne. Il promote aussi pour payer à quelques centaines de branchés du jet set des orgies romaines à l’occasion de Grand Prix de Formule 1 à Montréal. Belle contribution que celle-là au développement culturel de Montréal ! Celui qui promote ce Grand Prix, Normand Legault, n’a de cesse de se plaindre que les services de Montréal lui coûtent cher. Qu’on y pense : réclamer les frais occasionnés par les heures supplémentaires des policiers chargés de la sécurité ! Ça va pas, non ?

Et le stade des Alouettes ! Il faut l’agrandir, le stade, pour que le propriétaire étasunien y conserve sa mise et la fasse fructifier. Que faire ?, demandait l’autre. Larry Smith, président du club, a eu l’idée de faire payer le public, avec à la clé quelques doses de chantage ! Le coût de l’agrandissement du stade est évalué à près de 30 millions $. Dix pour le Québec, dix pour Ottawa, quatre pour Montréal, quatre et des poussières pour l’équipe, qui va multiplier ses revenus d’au moins 25 % dans l’opération. De l’argent public pour financer le privé. Encore une fois. Mais le pire, c’est que le stade en question est la propriété exclusive de l’Université McGill. Morts de rire qu’ils sont à Westmount !

Lord Black a été trouvé coupable récemment. Mais il l’était depuis longtemps, coupable. De suffisance extrême, de mépris caractérisé. « Je marche inexorablement vers la victoire. Je vois la tendance. Ma stratégie marche », disait-il. Traduction libre : Tassez-vous, les crottes de nez ! Mais quand il se retrouvera dans une prison quelque part dans le Wisconsin, le Lord déchu pourra constater que le chemin est souvent court entre le Capitole et la roche tarpéienne.

Quant à Gilbert Rozon, il faut l’écouter quand il se plaint de ce que le « vide idéologique » qui prévaut l’agace. Ce saltimbanque s’y connaît en effet en matière de vide, façon pipi/caca. Même Lucien Bouchard, qui pourtant en a semé de bien bonnes en matière de vacuité, a dû froncer les sourcils en lisant cette trouvaille de Rozon : « Avec 40% de la population qui ne paient pas d’impôts, que voulez-vous faire? » C’est dit. Sans compter, comme l’a souligné quelqu’un, qu’il induit de son raisonnement que Québec solidaire et les syndicats ont pris le pouvoir au Québec. Vont être étonnés de la chose, les syndicats.

Et ceux qui n’ont même pas les moyens de payer d’impôts, mais qui casquent au même titre que les millionnaires quand il s’agit de payer les taxes directes les plus régressives, seront étonnés d’apprendre qu’ils sont les responsables de la « chape de plomb » qui se serait abattue sur notre coin de planète. Rozon a affirmé, juste pour rire sans doute, que deux ou trois personnes de Pointe Saint-Charles (qui ne paient certainement pas d’impôts pour manquer à ce point de vision) avaient fait avorter le projet de casino de son pote Laliberté. C’est dit. Non seulement vide, mais réducteur en diable.

Ces Rozon, ces Laliberté, ces Smith, ces Lord Black de Crossharbour promotent. Pour leur propre cause. Qui n’est pas celle du peuple.

L'article est paru dans l'édition du mois d'août du journal Le Couac

LIen:
Journal Le Couac : www.lecouac.org