Nos lecteurs vont bien se demander pourquoi nous sortons de notre cour régionale pour empiéter à l’échiquier international. Disons simplement que la guerre en Afghanistan fauche des Québécois de toutes nos régions et qu’à cette enseigne, nous avons bien le droit d’émettre une opinion.
Guerre qui n’est pas la nôtre, argue-t-on, et où on s’enlise sans espoir de n’y rien régler. Guerre contre le terrorisme international mais guerre surtout des Américains et leurs alliés pour protéger des intérêts économiques. Mais que vient faire dans le guêpier afghan le Canada et encore davantage le Québec quand, après les Russes et les Américains, on passe carrément à l’offensive pour tuer du taliban?
Il faut d’abord faire une distinction importante : les Canadiens hors Québec ont toujours été plus militaristes que les Québecois. Au cours des deux dernières grandes guerres mondiales, les crises de la conscription ont montré la différence de mentalité guerrière entre les Québecois et les Canadiens hors Québec.
En 2007, rien a changé puisque l’écart de l’appui de la population séparant les Québécois des Canadiens hors Québec à l’intervention militaire canadienne en Afghanistan est de 27%. Depuis 2002, cet écart est même passé de 15 à 27%.
En chiffres absolus, l’appui des Canadiens hors Québec à la mission canadienne en Afghanistan se maintient à 56% contre moins du tiers au Québec.
Décidément, les Québecois n’ont jamais aimé la guerre et ne se sentent pas plus concernés aujourd’hui qu’hier. Ils sont même plus décidés à sortir de l’Afghanistan que le chef du Bloc Québécois Gilles Duceppe qui est prêt à attendre 2009 pour le rapatriement complet des troupes canadiennes!
Les Québécois ne nous apparaissent cependant pas contre les missions militaires du Canada à l’étranger; ils sont plutôt contre les initiatives guerrières à la mode américaine.
Les Québécois comme les Canadiens ont participé et participent encore aux « missions de paix » sous l’égide de l’ONU que ce soit à Chypre, au Kosovo ou en Haiti. À 63%, les Québécois ont appuyé une intervention militaire contre Saddam Hussein. Peu militaristes de nature, pacifistes surtout, nos efforts « armés » ne visent qu’à rétablir la paix ou à défendre la démocratie.
La politique étrangère de Stephen Harper est toute autre; elle déborde le cadre traditionnel des interventions militaires canadiennes pour prendre cette fois l’initiative et l’offensive en terrain dit ennemi. À coups de centaines de millions de dollars qui auraient tout simplement pu servir au développement des pays les plus pauvres et souvent en guerre.
Nous croyons nous aussi que nous avons trop largement fait notre « effort de guerre » contre le terrorisme en essayant bien en vain d’en éliminer les protagonistes.
La timidité du Bloc Québécois à attendre 2009 pour un retrait total des troupes canadiennes de l’Afghanistan nous déçoit amèrement et ne peut que contribuer à cautionner la mort inconcevable et inutile de jeunes Québécois.
Assez, c’est assez. Le débat d’urgence exigé par le Bloc dès la reprise des travaux parlementaires est un exercice de parlottage qui ne règlera rien.
En 2009, on en reparlera encore entre deux sessions ou deux gouvernements minoritaires mais des dizaines de Québecois auront eu le temps de se faire tuer.
Le Bloc Québecois aurait –il peur de faire tomber le gouvernement de Stephen Harper en représentant franchement l’opinion québecoise… distincte?
Jean-Pierre Malo
Ce jeudi 30 août 2007.
L'article est également disponible sur le site de L'Expression