Le 27 août dernier, Nicolas Sarkozy annonçait que la France allait « accentuer ses efforts en Afghanistan ». Au mois d’octobre, la France déplacera six avions Mirage de la base qu’elle loue au Tadjikistan vers la base de Kandahar. Avant la fin de l’année, l’armée française va également dépêcher des avions Rafale en Afghanistan.
La mission de ces avions sera « sous la responsabilité des états-majors américains » selon un expert militaire français cité par le Canard enchaîné du 5 septembre. Un membre de l’état-major militaire français, cité par le même journal, explique que tout cela « démontre que la France va bientôt reprendre toute sa place au sein de l’Otan, et toutes ses responsabilités dans l’Alliance atlantique » tout en rappelant que « de Gaule avait pourtant pris de sacrées distances avec ces instances dominées par les USA… »
Total en Irak, la France en Afghanistan
Comment expliquer cette implication française dans le bourbier afghan? La réponse se trouve sans doute dans cette information voulant que la compagnie américaine Chevron ait accepté que Total prospecte avec elle le champ pétrolifère de Majnoun en Irak, autrefois attribué à Elf (l’ancêtre de Total) du temps de Saddam Hussein et dont les réserves sont estimées à 12 milliards de barils.
En échange d’une plus grande implication de la France en Afghanistan – qui, en plus de ses avions, a 1 100 militaires stationnés à Kaboul – les États-Unis consentiraient à partager avec la France l’exploitation des richesses pétrolières irakiennes.
Pareil deal où on s’implique en Afghanistan pour se racheter de ne pas avoir participé à la guerre en Irak a des antécédents. Un récent reportage de Radio-Canada sur la guerre en Afghanistan préparé par Jean-François Lépine nous apprenait que le Canada avait cherché, après avoir refusé de participer à la guerre en Irak, à revenir dans les bonnes grâces des États-Unis en s’engageant dans des zones plus risquées en Afghanistan.
Desmarais, Sarkozy et la famille Bush
Que vient faire Paul Desmarais dans tout cela? Il faut savoir que Power Corporation est un des principaux actionnaires de Total et qu’un membre de la famille Desmarais siège sur le conseil d’administration de la pétrolière.
Desmarais est un proche de Sarkozy et de la famille Bush. George Bush le père et Nicolas Sarkozy sont des habitués du domaine Sagard que possède la famille Desmarais dans Charlevoix. La rumeur veut que Desmarais ait joué le rôle de « facilitateur » dans l’organisation de la visite estivale de Sarkozy à la résidence des Bush à Kennebunkport dans le Maine.
C’est à son retour à Paris après cette rencontre avec les Bush que Sarkozy a annoncé à des représentants des corps diplomatiques l’implication accrue de la France en Afghanistan et que l’Iran « pourrait être attaqué militairement s’il ne renonce pas à son programme nucléaire ».
Gaz de France, Suez et Rabaska
Les accointances de Desmarais et Sarkozy ne s’arrêtent pas là. Dernièrement, Sarkozy a autorisé la privatisation de la société d’État Gaz de France (GDF) au profit du groupe Suez. Après avoir promis, il y a quelques années, aux organisations syndicales qu’il ne permettrait jamais que l’État détienne moins de 70% du capital de GDF, l’actuelle privatisation ne laisse que 34% du capital à l’État français.
Le Canard enchaîné du 5 septembre titrait : « Suez-GDF : une bonne affaire pour les amis milliardaires de Sakozy ». Le journal satirique français rappelle que l’actionnaire principal de Suez « est le milliardaire belge Albert Frère, un intime de Sarko, associé à la plus grosse fortune canadienne, Paul Desmarais, qui invita naguère le Président en vacances ».
Soulignons que Albert Frère et Paul Desmarais étaient les deux seuls non-Français présents au restaurant le Fouquet’s à Paris pour célébrer la victoire de Sarkozy le soir des élections présidentielles françaises.
Il n’est pas inutile de rappeler que Gaz de France, maintenant contrôlé par Power Corporation par l’intermédiaire de Suez, est un des principaux groupes intéressés dans le projet de port méthanier Rabaska à Lévis.
Gaz de France, Hydro-Québec et l’Institut économique de Montréal
Pour la presse française, la privatisation de GDF annonce une hausse du prix du gaz. Cela nous rappelle qu’une étude toute récente de l’Institut économique de Montréal favorable à la privatisation d’Hydro-Québec était un vibrant plaidoyer pour une augmentation des tarifs d’électricité.
Une des principales raisons invoquées par les auteurs de l’étude était de rendre le gaz naturel plus compétitif avec l’électricité. On parle bien entendu du gaz naturel qui arrivera par navires à Rabaska. Une partie du gaz naturel sera exportée aux Etats-Unis, l’autre partie servira de substitut à l’électricité afin, là aussi, d’augmenter les exportations d’électricité du Québec vers les États de la cote Est américaine.
Bouclons la boucle en soulignant que les éditorialistes des grands médias de Gesca, propriété de Power Corporation, sont pour la mission en Afghanistan, ont applaudi à tout rompre l’élection de Nicolas Sarkozy dont ils proposent le programme de droite comme modèle pour le Québec et appuient sans réserve le projet Rabaska.
La Presse, le Soleil et les autres médias de Gesca ont également accordé un traitement princier à cette étude de l’Institut économique, largement financé par Power Corporation et dont la p. d-g. est nulle autre qu’Hélène Desmarais, la fille de Paul Desmarais.
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