Faut-il dégraisser les Agences régionales ?

2007/09/11 | Par Jacques Fournier

Les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) ont-ils les moyens de définir leur propre « projet clinique » (jargon du réseau pour ne pas parler en termes simples de l’organisation des services) ? La décentralisation leur a-t-elle donné les ressources pour le faire?

En décembre 2003, lorsque la loi 25, forçant les fusions hôpitaux-CLSC-CHSLD sous le nouveau nom de CSSS, a été adoptée sous le bâillon, une abondante littérature en provenance du ministère de la Santé et des Services sociaux disait qu'une fois les Réseaux locaux mis sur pied, les Agences régionales se délesteraient de ressources humaines et financières au profit des CSSS car ces derniers seraient dorénavant les maîtres d'oeuvre, dans une perspective de décentralisation. D'ailleurs, le Parti libéral avait même promis explicitement, lors de la campagne électorale de 2003, d' « abolir » les Agences régionales.

Aujourd'hui, les Agences régionales de développement des réseaux locaux (ARDRLSSS) ont terminé leur mandat d’implantation des Réseaux locaux et sont devenues des Agences de la santé et des services sociaux (ASSS). Elles se portent très bien. Car les ressources humaines sont restées dans les Agences et n'ont pas été transférées dans les CSSS.

Comme la bureaucratie a une capacité de survie fort grande et comme il faut occuper ce personnel, les Agences ont décidé de continuer à exercer une certaine tutelle sur les CSSS en consacrant des énergies à définir ce que devraient être les projets cliniques.

Les CSSS bénéficient donc de tous les désavantages de la décentralisation (gérer sur le terrain le manque de ressources) sans en avoir les avantages (exercer le pouvoir local de décision). Quant aux Agences régionales, non seulement n'ont-elles pas été abolies, mais leur budget a augmenté entre 2005-2006 et 2006-2007, passant de 87 917 000 $ à 90 351 000 $ (par contre, ce budget avait légèrement baissé les années précédentes).

Les groupes communautaires souhaitent, avec raison, que le budget du SOC (soutien aux organismes communautaires) demeure régional car cela donne aux groupes une meilleure garantie de conserver ce budget dédié à leur mission de base.

Mais les Agences ont besoin de peu de personnel pour gérer ce dossier. Les autres employés (autres que ceux des Directions de la santé publique) sont donc affectés, pour plusieurs, à définir les fameux projets cliniques, ce qui devrait être la tâche des CSSS... avec les ressources transférées des Agences.

Même si le législateur a donné quelques mandats supplémentaires aux Agences régionales entre-temps (gestion des ressources informationnelles, contrôle de la qualité des services, etc.), cela ne justifie pas que leurs budgets aient le vent dans les voiles, au détriment des CSSS.

Pendant que les cadres des CSSS s'essoufflent à réorganiser leurs structures internes, la bureaucratie régionale ronronne et continue à prendre les décisions et à encadrer les « projets cliniques », tout en étant moins imputable qu'auparavant des résultats. C’est là une autre des incohérences dans la « réingénierie » en cours du réseau de la santé et des services sociaux.

Jacques Fournier est un employé nouvellement retraité du réseau de la santé et des services sociaux