Dans 86 % des écoles privées, les revenus des parents sont supérieurs à 60 000 $. Ils sont inférieurs à ce montant dans 75 % des écoles publiques
Une nouvelle fois, L’actualité sévit avec son Palmarès des écoles. Dans les 50 meilleures écoles du classement, on ne retrouve que 5 écoles publiques. Toutes des écoles à vocation particulière qui pratiquent, comme les écoles du privé, la sélection des élèves.
Dans le peloton de queue, il n’y a que des écoles publiques sauf quatre qui sont des écoles privées.
Cependant, une étude plus approfondie du classement nous démontre que le critère fondamental qui sépare les « gagnants » des « perdants » n’est pas tant que l’école soit privée ou publique, mais les revenus des parents.
Deux types de revenus « non disponibles »
Dans les 50 écoles classées en première place, les revenus des parents sont non disponibles pour six d’entre elles, dont ceux des parents du Collège Jean-de-Brébeuf qui se classe en tête du palmarès. Les riches sont discrets, c’est connu.
Dans les 50 écoles classées dernières, il y en a sept dont les revenus sont également non disponibles. Mais, on imagine facilement que c’est pour d’autres raisons. On y retrouve, entre autres, deux écoles autochtones et l’école Pierre-Dupuy du quartier Centre-sud à Montréal. Si, dans le premier cas, les revenus sont non disponibles faute de données, ils le sont ici faute de deniers.
Précisons également que L’actualité nous prévient que sont exclus du calcul des revenus « les revenus des programmes publics comme l’assurance-emploi, la sécurité du revenu ou l’aide aux familles ». Les revenus moyens dans les écoles de milieux défavorisés établis par L’actualité sont donc en réalité plus élevés qu’ils ne devraient l’être en réalité.
40 000 $ de plus en moyenne
Le revenu moyen des parents des 50 premières écoles s’élèvent à 87 845 $. Dans neuf écoles, il dépasse les 100 000 $, sans oublier les revenus non disponibles de six écoles.
Dans le cas des 50 dernières écoles, le revenu moyen des parents est de 47 181 $, soit 40 000 $ en moyenne de moins que celui des 50 premières écoles ! Dans une note, L’Actualité a pris soin de nous informer que « des revenus élevés sont parfois associés à de bons résultats scolaires »!!! Bel euphémisme !
Deux mondes
Nous avons poussé l’analyse un peu plus loin en comparant les revenus des parents de l’ensemble des écoles privées aux revenus des parents de l’ensemble des écoles publiques.
Dans les 129 écoles privées répertoriées, il y en a 25 dont les revenus des parents sont non disponibles. Dans neuf écoles (7%), les revenus sont supérieurs à 100 000 $. Dans seulement 18 écoles (14%), les revenus sont inférieurs à 60 000 $. Ils sont inférieurs à 50 000 $ dans seulement trois écoles (2%).
Le portrait tranche radicalement avec celui des écoles publiques. Sur les 335 écoles publiques répertoriées, les revenus des parents sont non disponibles dans 21 cas et, dans la majorité des cas, pour des raisons inverses que dans le cas des écoles privées.
Dans ces 335 écoles publiques, il y en a quelques-unes dont les revenus des parents sont élevés, surtout dans les régions où il n’y a pas d’écoles privées. Mais une seule école affiche des revenus supérieurs à 100 000 $, soit une école anglophone de Beaconsfield, la riche banlieue du West-Island.
On ne retrouve que 79 écoles dont le revenu des parents est supérieur à 60 000 $, soit moins du quart des écoles publiques du Québec. Regardé par l’autre bout de la lorgnette, cela signifie que dans les trois-quarts des écoles publiques québécoises, le revenu des parents est inférieure à 60 000 $.
Plus significatif encore, dans 113 écoles sur 335, le revenu des parents est inférieur à 50 000 $, soit un tiers des écoles !
Un système qui creuse l’écart entre classes sociales
Il y a un gouffre béant entre les écoles privées et les écoles publiques. Dans les premières, on retrouve les enfants des parents des classes privilégiées, des strates supérieures de la classe moyenne et, bien entendu, quelques parents peu fortunés qu’on peut citer en exemple pour prouver que « n’importe qui peut envoyer son enfant à l’école privée », tout comme, au sud de la frontière, « n’importe qui peut devenir président des Etats-Unis ».
Dans les écoles publiques, on retrouve principalement les enfants des milieux défavorisés et des strates inférieures de la classe moyenne.
Mais l’injustice ne s’arrête pas là. Les écoles privées étant au Québec subventionnées à plus de 60% à même les fonds publics, les parents des écoles publiques se trouvent à financer à même leurs impôts le système privé qui accueille les enfants des milieux privilégiés.
Les parents des écoles publiques contribuent financièrement à la bonne santé du système privé, lequel appauvrit le système public en l’écrémant de ses meilleurs éléments.
Un sujet tabou
Ce système à deux vitesses est la cause fondamentale de la diminution du taux de diplomation général et du fort taux de décrochage scolaire.
Cependant, la vision à courte vue des élites québécoises – qui, en très grand nombre, envoient leurs enfants dans les écoles privées – fait disparaître de l’écran radar de l’actualité ce phénomène dramatique.
Le gouvernement et les médias préfèrent que l’attention générale du public se porte plutôt sur la réforme et ses ratés. Cela ne risque pas de remettre en cause la structure de classe de la société et les privilèges que les élites en retirent.
Alors, discutons ad nauseam de bulletin, de dictés, etc.
À lire, sur le même sujet: Les écoles privées catholiques, un phénomène en pleine expansion.
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