Les médias et le Rwanda

2008/04/03 | Par Robin Philpot

Que cette conférence ait eu lieu, que les conférenciers aient pu s’exprimer, malgré les tentatives du régime de Kigali et des ses relais – Ambassade et autres – d’en empêcher la tenue, voilà l’aspect le plus important de tout bilan.

Rappelons que Paul Rusesabagina, celui qui est crédité pour avoir sauvé des milliers de Tutsis en 1994 et dont le film Hôtel Rwanda s’inspire, a voulu organiser une conférence semblable en Belgique à la prestigieuse Université Catholique à Louvain-la-neuve en novembre dernier. Or, vu les mêmes pressions de Kigali, il s’est vu retirer la réservation de la salle trois jours avant l’événement.

Les organisateurs ont dû trouver, en catastrophe, une salle au cœur de Bruxelles pour permettre à ceux que Kigali qualifie de négationnistes de parler de vérité et de réconciliation. Parmi ces conférenciers, signalons Paul Rusesabagina, Robert Krueger, ancien ambassadeur des États-Unis au Burundi, Pierre Péan, écrivain enquêteur français, Déo Mushayidi, dirigeant de l’opposition rwandaise en exil, Tutsi et ancien membre du FPR, et l’auteur de ces lignes.

Chapeau donc aux propriétaires du Gesù pour avoir tenu bon malgré les pressions énormes et diverses venant de ceux qui semblent vouloir ramener l’époque de l’infâme « loi du cadenas » de Duplessis qui permettait à la police de cadenasser des locaux pour empêcher des gens soupçonnés d’être des « communisses » de se réunir.

Incapable d’empêcher la tenue de la réunion par des pressions et des bêtises proférées contre le Gesù et la maison d’édition Les Intouchables, l’Ambassade du Rwanda a tenté de perturber et de faire suspendre la réunion pendant qu’elle se déroulait. Trois autobus affrétés par l’ambassade ont transporté des manifestants de Toronto, d’Ottawa et de Québec.

Ce qui a pu paraître dans les médias comme une manifestation de colère spontanée n’était pas plus spontanée que le mal nommé Love-In du 27 octobre 1995 trois jours avant le référendum ou une marche militaire. Deuxième échec! La réunion a eu lieu et, selon les observateurs, elle était intéressante. Par ailleurs, les lecteurs de l’aut’ journal peuvent se faire leur propre idée car le film est disponible.

Le comble, toutefois, c’est que lendemain, le conférencier Me Jordi Palou-Loverdos a reçu un appel d’un média britannique pour dire que selon les informations qu’il a reçues, la conférence de Montréal avait été annulée! L’invité catalan a vite rétabli les faits, en notant que le titre de la conférence était très juste : « Les médias et le Rwanda : la difficile recherche de la vérité », la désinformation et le mensonge atteignant des sommets inégalés.

(Pierre Péan et Me Jordi Palou-Loverdos font un bilan de la conférence à l’émission l’Effet versant à CIBL le lundi 31 mars. Vous pouvez l’écouter

Partie 1 

Partie 2 

Dire la vérité, encore plus difficile que de la rechercher

Par un procédé intellectuel qui ne résiste pas le moindrement à l’analyse – en assimilant le drame rwandais à l’Holocauste – on accorde l’impunité au régime de Kigali, on impose un bâillon, sinon un cadenas, à tous ceux qui tentent de contredire l’histoire officielle, on empêche toute enquête sur l’attentat du 6 avril 1994 qui a déclenché les massacres, on passe sous silence des massacres de grande échelle au Rwanda et au Congo, le pillage de l’est du Congo, l’assassinat des deux prêtres québécois Guy Pinard et Claude Simard, l’assassinat de neuf missionnaires et travailleurs humanitaires catalans et espagnols et beaucoup d’autres crimes. Certains parlent même d’une recolonisation de l’Afrique dirigée par Washington et Londres.
En se présentant comme le sauveur des Tutsis et le seul porte-parole des victimes du génocide au Rwanda, alors que les informations disponibles aujourd’hui démontrent qu’il en est le principal responsable, Paul Kagame se permet tous les crimes et tous les mensonges. En effet, le régime de Kigali, aidé en cela par ses soutiens à Washington, à Londres et à Ottawa, a réussi à obtenir carte blanche, depuis octobre 1990, pour mettre toute l’Afrique des Grands lacs à feu et à sang et à redessiner la carte géopolitique et économique de la région.
Et ses soutiens en sont les principaux bénéficiaires.