En vingt-cinq ans, les Artistes pour la Paix n’ont réclamé le renvoi que de deux responsables gouvernementaux : d’abord celui de l’ex-ministre de la Défense et lobbyiste au compte de compagnies d’armement Gordon O’Connor, patron « du général Hillier, insolemment présent et exprimant sa satisfaction aux journalistes sans être rappelé à l’ordre, lors de la conférence de presse en août dernier du premier ministre Harper qui annonçait le remplacement de son ministre », écrivions-nous et nous plaignions-nous verbalement à l’automne dernier devant le général De Chastelain.
Ce grand artisan de paix et de désarmement en Irlande s’est alors déclaré « pour la préséance du pouvoir civil sur le militaire », à notre grande satisfaction devant une si franche et si sévère critique implicite de la philosophie de son successeur!
Satisfaction, car cette critique rejoignait les nôtres. Rappelons certains faits. Celui qui avait nommé Rick Hillier général en chef, le premier ministre Paul Martin, lui avait donné trois conditions absolues avant d’accepter sa suggestion d’envoyer l’armée à Kandahar :
· il fallait pouvoir y aller ET EN SORTIR quand on le désirait
· l’équipement de l’armée canadienne devait s’avérer ADÉQUAT pour la mission
· malgré les forces engagées en Afghanistan, il fallait que l’armée ait SUFFISAMMENT DE RÉSERVES pour intervenir, en cas de génocide en Haïti ou en Afrique, avec une autre mission rapide, équipée et entraînée.
Rick Hillier a répondu « no problem » aux trois conditions. « J’ai fait une erreur » a-t-il nonchalamment admis plus tard, alors qu’il aurait sans doute été plus honnête de sa part d’admettre qu’il avait menti, à l’instar des 935 communiqués mensongers de la Maison Blanche « justifiant » l’intervention en Irak de l’armée américaine…
En outre, dans une lettre fin janvier et dans notre conférence Guerres et écocides du 6 février à l’UQAM, nous reprenions l’information fournie par un professeur à l’emploi du ministère de la Défense : « Le général Rick Hillier insista pour demander l’affectation à Kandahar de nos soldats canadiens, alors que les Britanniques devaient y être à l’origine, et que les Canadiens étaient destinés à une région plus calme ».
Nous ajoutions : « il fait bon rappeler que les Artistes pour la Paix furent les premiers à réclamer la démission du général, immédiatement après un de ses discours d’intronisation où il s’exclamait devant le premier ministre Paul Martin que, par sa nomination, l’armée venait de retrouver « sa vraie et originale mission de tuer », en particulier « ces scumbags de Talibans. »
Rappelons que la formation du général est en partie texane, disons cowboy vu que les blindés ont pour ancêtre la cavalerie et que de 1998 à 2000, Rick Hillier fut général commandant-adjoint canadien du IIIe Corps blindé de l’armée des États-Unis, à Fort Hood, au Texas (source Pierre Dubuc, l’aut’ Journal).
Hillier doit être tenu responsable
Il a engagé l’armée canadienne non équipée pour une telle mission dans une aventure meurtrière et doit donc être tenu accessoirement responsable de la plupart des 82 morts compatriotes en Afghanistan, sans compter les centaines de civils afghans (chiffres peu fiables, car non comptabilisés officiellement) tués lors d’opérations militaires canadiennes.
Nous écrivions enfin avec Bruno Roy, dans le mémoire des Artistes pour la Paix présenté le 9 février dernier devant la commissaire Antonine Maillet (notre présidente d’honneur) aux Audiences populaires pour le retrait des troupes canadiennes de l’Afghanistan appelées par le collectif Échec à la guerre :
« Les Artistes pour la Paix sont extrêmement préoccupés d’un actuel premier ministre conservateur et d’un général en chef, tous deux militaristes, autoritaires et arrogants, qui ont de plus en deux ans de pouvoir provoqué plus de 34 milliards de $ de dépenses militaires pour changer en caractère agressif la nature de l’armée canadienne autrefois plus pacifiante. Il n’est pas inutile de rappeler que pendant que nos troupes guerroient en Afghanistan, de 3200 Casques Bleus sous Lloyd Axworthy en 1996, le Canada n’en a plus qu’une cinquantaine aujourd’hui, glissant ainsi du 1er au 56e rang mondial comme gardien de la paix ».
Notre préoccupation grandit avec en Haïti et en Afrique, notamment, des besoins immenses de cette présence pacifiante (même si les APLP sont préoccupés des débordements au Congo, notamment) de Casques Bleus, pour empêcher le pillage des infrastructures par une population exaspérée et surtout prévenir les répressions trop brutales par de petits soldats locaux (heureusement Haïti n’a plus d’armée !) contre des émeutiers de la faim que l’iniquité économique mondiale ne manquera pas, hélas, de multiplier.
Pierre Jasmin
Président des Artistes pour la Paix
www.artistespourlapaix.org