Chers enseignants du Cégep de Gaspé,
Pendant que l’on étale à la face du monde notre pitoyable état de colonisés en laissant la petite reine lancer en France les festivités du 400e anniversaire de la fondation de Québec, votre collège s’apprête silencieusement à suspendre ou à fermer de nouveaux programmes d’études victime d’un sous-financement chronique qui privera ainsi la jeunesse gaspésienne et la région d’un outil fondamental pour son développement.
Pendant que, sur la scène canadienne, on ridiculise ouvertement la mémoire collective québécoise en réécrivant l’histoire mais cette fois-ci à la sauce conservatrice, à Gaspé, le mutisme perdure sur la transformation en catimini de la mission même de votre institution où le Diplôme d’études collégiales devient une denrée rare, sacrifié aux diktats d’un marché de l’Éducation qui ne cherche plus qu’à offrir une formation incomplète et purement utilitariste.
Et pendant qu’en grande pompe médiatique le gouvernement Charest privilégie une fois de plus le secteur privé étranger dans le dossier de l’énergie éolienne en laissant odieusement mijoter les forces communautaires régionales, des enseignants à statuts précaires et des profs permanents perdront leurs emplois et quitteront éventuellement votre belle région, emportant avec eux expertise et dynamisme.
Bien sûr, j’imagine facilement votre Direction vous supplier de garder le silence et de ne pas étaler sur la place publique les difficultés auxquelles vous êtes confrontées. On nous sert cette même médecine empoisonnée à Rimouski. J’imagine même la députée libérale responsable de la Gaspésie vous répéter ad nauseam que le dossier chemine, que son bon gouvernement comprend vos revendications. Mensonges.
Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Charest, par son immobilisme et son silence crasse a non seulement choisi de ne proposer aucune mesure de relance et de développement du réseau collégial, particulièrement pour les collèges en région, mais il s’est acharné à fragiliser encore davantage les institutions en difficulté, en multipliant les embûches administratives et en sabrant dans le financement dédié à l’enseignement.
Et vous savez mieux que quiconque que l’inaction de ce gouvernement accélère l’exode des jeunes, favorise l’exclusion et la sous-scolarisation de votre région, augmentant encore davantage les fractures sociales.
Depuis son accession au pouvoir en 2003, ce gouvernement met sciemment en péril la mission de nos institutions, en appliquant à l’enseignement collégial la même politique du laisser-aller, le même aveuglement idéologique du marché autorégulateur qui pousse le Cégep de Gaspé, comme bien d’autres cégeps en région à mourir à petit feu. Aujourd’hui, c’est Gaspé, demain ce sera chez nous, à Rimouski.
Chers camarades du Cégep de Gaspé, vous terminez sans tambour ni trompette une 40e année d’enseignement collégial dédiée à la scolarisation et à la formation des jeunes de chez vous.
C’est la mission que la société québécoise vous a confiée et vous le faites de manière exemplaire, même dans ce contexte extrêmement difficile. Vous devez en être très fiers. Sachez que nous sommes solidaires et surtout que nous combattrons à vos côtés pour redonner à votre cégep, comme à l’ensemble des collèges en région, tout le respect et tout le support qu’ils méritent.
Il faut désormais briser le silence et reprendre la place publique. Car, une lutte que la population ne connaît pas, c’est une lutte qui n’existe tout simplement pas. Brisons ensemble le silence, afin que votre lutte existe.
Alain Dion
Enseignant au Cégep de Rimouski