La Gazette a vu juste. Le rapport Bouchard-Taylor sermonne rondement la majorité francophone à propos de l’apprentissage de l’anglais. Une « mémoire écorchée » par le « long combat » pour sauver le français « risque de se retourner contre l’apprentissage de la langue anglaise. Or, l’anglais qu’il faut apprendre et parler aujourd’hui, ce n’est pas celui de Lord Durham [mais] celui qui permet d’accéder à toutes les connaissances et d’échanger avec tous les peuples de la terre […] Cette question mérite la plus grande attention : sinon, c’est une génération de jeunes Francophones qui risque d’être injustement pénalisée. »
Passons sur la naïveté des commissaires quant aux enjeux de la bataille des langues dans le monde d’aujourd’hui. Sur quoi se fondent-ils pour faire la leçon aux Francophones, piliers du bilinguisme au Québec comme au Canada?
Un élément de réponse se trouve dans le rapport de recherche intitulé « Diagnostic démographique de l’état de la francisation au Québec », paru en même temps que le rapport de la commission.
L’auteur, qui a fait carrière comme démographe au Conseil puis à l’Office de la langue française, « note avec surprise une régression du bilinguisme » parmi les Québécois francophones en 2006. En cette matière, « il faudra hélas attendre le prochain recensement […] pour savoir si le recensement de 2006 marque un point tournant ».
Foutaise. L’explication était claire pour tout chercheur avisé dès la diffusion des données de 2006. Le document d’analyse de Statistique Canada avertit qu’un courriel a largement circulé avant le recensement pour inciter les Francophones bilingues à se déclarer unilingues français, afin de prévenir une réduction des services fédéraux en langue française.
De toute évidence, le recul du bilinguisme des Francophones enregistré en 2006 tant au Québec qu’en Ontario et au Nouveau-Brunswick est un attrape-nigaud.
J’avais invité les commissaires à rendre publics les rapports de recherche commandés, au fur et à mesure qu’ils les recevraient. Tous les intéressés auraient pu en profiter pour nourrir leur réflexion ou y relever d’éventuelles inexactitudes. En l’occurrence, cela aurait pu éviter à MM. Bouchard et Taylor de grimper inutilement dans les rideaux.
Charles Castonguay
Gatineau
Le 8 juin 2008