Propos recueillis par Pierre Demers
As-tu écrit beaucoup cet été ?
H. Bouchard : Pantoute. J’écris pas quand il fait trop chaud. Je suis un écrivain qui écrit quand il fait frette, l’hiver. Le matin surtout entre 4 heures et 6 heures 45. L’été j’ai trop de choses à faire. Je suis en vacances. Je travaille sur ma maison.
Tu vas sortir une bédé aux éditions de la Pastèque ?
H. Bouchard : Non, ce n’est pas une bande dessinée. C’est un texte, un récit illustré. J’ai écrit ce texte en 2005, presqu’en même temps que « Parents et amis... » C’est sur le même thème d’ailleurs, le deuil, la mort. Une commande de la Pastèque.
Ils se sont occupés de l’illustration. Ils ont changé d’illustrateur en cours de route. C’est Janice Nadeau qui a fait les images. Elle a déjà remporté pour son travail le prix du Lieutenant Gouverneur avec « Un poisson où aller » aux éditions 400 Coups. Tu iras voir sur son site ce qu’elle fait. C’est pas mal beau.
Le livre s’intitule « Harvey » (Voir le site de la Pastèque). C’est une histoire de flos avec beaucoup de personnages. Ça se passe ici au Saguenay. Le Harvey, il trippe sur Scott Karey, le héros du film de Jack Arnold, « L’homme qui rétrécit ». Je me souviens que le narrateur de la version française du film l’appelait Scott Harvey… À cause de la prononciation à la française. Ça m’est resté.
C’est un flo qui est petit, plus petit que son frère plus jeune que lui. Il veut devenir invisible. Le livre sort en novembre.
On va adapter pour la scène « Parents et amis sont invités à y assister » ?
H. Bouchard : Oui et je suis heureux que ça se fasse ici. Je voulais vraiment voir mes personnages sur scène. Je l’ai proposé à plein de monde, même au Théâtre d’aujourd’hui.
C’est une troupe d’ici, le théâtre CRI dirigé par Guylaine Rivard qui va la monter. Une troupe qui prend des risques et aime expérimenter des visions nouvelles. C’est même Guylaine qui la met en scène avec des comédiennes et des comédiens de la région.
Au départ ça devait être qu’un laboratoire, mais, à la fin on a décidé de la monter officiellement. C’est Josée Laporte, une comédienne de Jonquière qui joue la « Veuve Manchée ».
As-tu participé de près ou de loin à l’adaptation du livre ?
H. Bouchard : J’ai assisté à une lecture seulement. Une fois la pièce montée, je vais sans doute contribuer à sa promotion. Mais je m’efface. Je ne veux pas nuire. Je veux qu’ils travaillent sur la pièce comme si j’étais mort. C’est du jus pour les acteurs. Le texte est dense. C’est sans doute aussi exigeant de jouer la « Veuve Manchée » que Winnie dans « Oh les beaux jours » que monte Brassard actuellement avec Andrée Lachapelle.
Mais il semble que, pour les comédiens, le texte soit toujours relativement facile à mémoriser. J’aimerais que la pièce se promène après sa sortie ici. Dans un circuit quelconque, dans les festivals.
Tu sors aussi un livre d’entretiens sur ton travail d’écrivain cet automne ?
H. Bouchard : C’est une autre commande. J’inaugure pour une petite maison d’édition du Lac Saint-Jean, La Peuplade, une nouvelle collection de livres d’entretiens avec des créateurs et des artistes. Ils m’ont demandé de contribuer au numéro un.
C’est une longue entrevue sur ce que je fais, comment je conçois l’écriture avec un prof de l’Université Queens à Kingston, Stephen Inckells qui s’intéresse à mes livres depuis longtemps et qui questionne ce que je fais.
Es-tu en train d’écrire un troisième… roman ?
H. Bouchard : Si on veut appeler ça comme ça. Ça devrait être un gros livre. Mais je voudrais écrire aussi un autre récit illustré, des plaquettes, des articles. J’ai la chance de travailler avec des petits éditeurs qui ne connaissent pas de barrières de genres et de barrière nationales.
La Pastèque va présenter ses livres partout en Europe, le Quartanier publie des auteurs français, Ils aiment prendre des risques. Pour eux, ce que je fais, le roman éclaté, n'est pas un genre fermé.
Les libraires ont des problèmes avec mes livres. Certains les placent dans la section poésie, d’autres dans le théâtre.
Où voudrais-tu qu’ils les placent tes livres ?
H. Bouchard : À leur place, en plein milieu…
Le fait de gagner avec « Parents et amis sont invités à y assister » le grand prix du livre de Montréal en 2006 a-t-il changer des choses dans ta vie d’écrivain ?
H. Bouchard : Ça fait bouger les choses évidemment. Ce prix-là, ce sont les plus grands écrivains québécois qui l’ont reçu. La barre est plus haute. Ça confirme une sorte de prestige et de respect par les pairs. Il y a une valeur attachée à ce prix. Je suis devenu un écrivain qu’on surveille maintenant. Mais j’ai juste écrit deux livres.
Le rapport au public n’a pas changé vraiment avec ce prix. Le fait d’avoir participé au prix des collégiens m’a sans doute davantage fait connaître de mes lecteurs potentiels. Les choses ont déboulé avec ce prix tout de même. J’ai été invité au Festival international de littérature l’année suivante, la revue Liberté m’a consacré un important dossier à côté de René Char, j’ai été invité à Lyon avec d’autres auteurs du Quartanier et à d’autres soirées et salons littéraires. Bref, on attend mes prochains livres.
Enfin, Hervé, qu’est-ce que tu penses des coupures fédérales dans le domaine culturel ?
H. Bouchard : Je comprends les raisons qui poussent les politiciens conservateurs issus de l’école de Calgary de couper dans le culturel. Pour cette idéologie, le soutien financier avec des fonds publics aux artistes, c’est des dépenses inutiles. Les artistes devraient s’autofinancer.
L’idéal ce serait que les artistes ne dépendent de personne et encore moins d’un gouvernement. J’ai toujours été mal à l’aise de recevoir de l’argent de quelqu’un. Les artistes devraient être indépendants de tout. Mais c’est pas comme ça que ça marche dans la vraie vie.
Un État, un pays doit soigner son image à l’étranger. Pour l’école de Calgary, c’est le nombre de tanks et d’avions de combat qui devrait contribuer à propager la réputation de ce pays. Mais les artistes doivent également assurer une meilleure réputation d’un pays partout dans le monde. Il faut encourager la libre circulation de nos artistes partout sur la planète. C’est profitable pour eux et pour le pays qui les appuie.
Ce n’est pas la loi du marché qui doit régulariser le travail des artistes. Si on ne veut plus monter les œuvres de nos créateurs à l’étranger est-ce que ça signifie que nos créateurs n’ont rien à dire ? Est-ce ça signifie que nos œuvres sont vides de sens pour les autres ? Cette décision confirme un mépris total de nos artistes. Ils sont juste des bs qui se font vivre par l’État ?
Il y a des artistes qui travaillent plus fort que bien du monde. Je pense aux danseurs, par exemple, qui suent pendant des heures pour se maintenir en état d’exercer leur art. Moi, j’enseigne dans un cégep pour pouvoir écrire plus librement. Je me subventionne moi-même en travaillant. On peut le faire quand on est écrivain. Mais il y a des artistes qui ont besoin des fonds publics à cause de la lourdeur financière de leur art. Pour créer il faut travailler, se lever de bonne heure le matin. Tous les artistes savent ça. Pas le reste du monde malheureusement. Et encore moins les politiciens conservateurs qui décident de couper les vivres aux artistes.
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