Critique de la zoothérapie

2008/09/21 | Par Charles Danten

Sommaire :

Fausses allégations de la zoothérapie (I)
Fausses allégations de la zoothérapie (II)
Fausses allégations de la zoothérapie (III)
Fausses allégations de la zoothérapie (IV)
Les animaux jetables

Fausses allégations de la zoothérapie (I)

On prescrit un animal de compagnie avec autant de désinvolture qu’un cachet

On prescrit un animal de compagnie avec autant de désinvolture qu’un cachet d’aspirine. La relation affective avec un animal est désormais perçue comme une intervention thérapeutique comparable à un médicament. Cette idée est tellement diffuse qu’on assiste présentement à de nombreuses interventions officielles de personnes et d’organismes qui font une promotion agressive des bienfaits perçus du médicanimal dont voici quelques exemples tirés d’un dossier fort épais :

UN DÉCLENCHEUR DE BONNE CONDUITE

« La présence valorisante et stimulante d’un animal, et plus particulièrement d’un chien, en milieu scolaire peut être un déclencheur de bonne conduite, mais aussi un modificateur comportemental pour les jeunes », écrit dans La Presse du 23 août 2003 le vétérinaire chroniqueur François Lubrina, dans un article sur Zoothérapie Québec.

Ce groupe de psychologues spécialisés est solidement implanté – à la façon des multinationales comme coca-cola – dans les petites écoles pour sensibiliser les enfants en bas âge aux bienfaits de la zoothérapie, un concept qui peut aussi bien désigner le fait de posséder un animal à la maison que des séances de thérapie institutionnalisées et encadrées par un professionnel de la santé ou un intervenant quelconque.

L’appellation zoothérapie est donc un terme générique désignant non seulement l’impact positif des animaux sur les humains, mais celui des humains sur les animaux car il est communément admis que la zoothérapie est aussi bonne pour eux que pour nous.

LA MEUTE DU BONHEUR

« La présence d’un animal a un effet sur la douleur. Tout comme les jeux vidéo. C’est prouvé, dit le Dr Pierre Déry. Lui non plus n’hésite pas aujourd’hui à recommander ce programme [la zoothérapie] à d’autres établissements [hospitaliers pour enfants]. Le Dr Déry, est-il utile de le rappeler est infectiologue », conclue un article du magazine L’Actualité du 01 mars 2005 intitulé La meute du bonheur.

GUÉRIR

Pour sa part le psychiatre Français David Servan-Schreiber, l’auteur du livre Guérir, ne tarit pas d'éloges: « Pour ce qui est de sa dépression, le plus bénéfique pour ce patient serait de se procurer un chien (un petit chien, cela va de soi, pour minimiser les risques de chute). Si le patient soutient que ce sera trop de travail, un chat fera l'affaire, lequel n'a pas besoin d'être sorti. Si cela lui semble toujours trop, un oiseau, ou bien un poisson. Si le patient refuse toujours, alors une belle plante d'appartement. »

UN DÉMENTI IRRÉFUTABLE

Or, depuis ces premiers balbutiements qui remontent aux années soixante avec les articles publiés par le psychiatre Américain Boris Levinson, considéré comme le père de la zoothérapie moderne, plusieurs chercheurs indépendants comme les scientifiques A.M Beck et A.H Katcher (1984), David T. Allen (1997), Wilson C.C et Barker S.B (2003), Kaiser Lana (2004), Pachana Nancy (2005), et plus récemment Koivusilta Leena K. et Ojanlatva Ansa (2006) ont non seulement démenti sans équivoque l’efficacité de la zoothérapie, mais ont dénoncé la piètre qualité de la recherche dans ce domaine contrôlé presque exclusivement par l’industrie des animaux de compagnie.

MAIN BASSE DE L’INDUSTRIE


En effet, à défaut de communauté scientifique, de structures et de crédits publiques correspondants, déplore l’ethnologue Français Jean Pierre Digard, l’auteur du livre Les Français et leurs animaux : ethnologie d’un phénomène de société (2005), « ce sont les industries de produits pharmaceutiques et alimentaires pour animaux qui financent le gros de la recherche dans le domaine de la zoothérapie. La Fondation Waltham en Angleterre, la Delta Society aux Etats-Unis et en Angleterre, l’équivalent français de l’Association Française d’Information et de Recherche sur l’Animal de Compagnie (AFIRAC), des organismes fondés et financés par l’industrie alimentaire pour animaux, subventionnent des périodiques scientifiques, des programmes et des laboratoires de recherche qui vont rarement à l’encontre de leurs intérêts financiers. »

« SOIXANTE-QUATRE MILLES RÉPÉTITIONS FONT LA VÉRITÉ »

Or, curieusement, malgré l’évidence, les bienfaits perçus de la zoothérapie sont pris au pied de la lettre sans aucun discernement, la société en général s’y complaisant à grands renforts de sondages et d’études véreuses qui se veulent rassurants sur le bien-fondé de ses penchants animaliers en amalgamant « sensationnalisme » à « science », « majorité » à « légitimité » et « amour » à « nécessité ».

La zoothérapie aide à la guérison des enfants sous chimiothérapie, contribue au développement des enfants autistes, facilite les interactions sociales, adoucie la solitude, guérit la dépression, contribue à la bonne forme physique, stimule la bonne conduite en développant le sens de l’empathie et des responsabilités, induit à un plus grand respect de la nature, tout en favorisant le bien-être des animaux.

Mais où sont les preuves?


Fausses allégations de la zoothérapie (II)


Promener son chien n'aide pas à garder la forme

En science, il y a essentiellement deux types d’études :

I. CELLES QUI FORMULENT DES HYPOTHÈSES

Ces études qui s’appuient exclusivement sur des opinions d’expert ou des faits anecdotiques sont extrêmement utiles pour ouvrir des portes et identifier des phénomènes nouveaux. Mais, ce type d’étude démontre rarement la valeur d’un traitement ou l’existence d’un rapport de cause à effet. Cent, voire mille anecdotes ne font pas une vérité.

Pour le dire autrement, vous pouvez être 99.99 millions à penser que le stress cause le cancer, que le pénis de tigre moulu augmente le tonus sexuel et que le rapport à l’animal de compagnie est sain et bénéfique, vous n’avez pas nécessairement raison. « Majorité » n’est pas synonyme de « légitimité » et «opinion» ne veut pas dire « vérité ». Si tout le monde a le droit à son opinion, tout le monde ne peut pas avoir raison en même temps. Les vérités objectives et rationnelles existent. Le monde peut bien être interprété de différentes façons, il n'en demeure pas moins qu'il est foncièrement le même pour tout le monde.

II. CELLES QUI METTENT LES HYPOTHÈSES À L’ÉPREUVE

Les phénomènes nouvellement découverts sont mis à l’épreuve avec des études expérimentales ou épidémiologiques. En science, ce n’est pas suffisant de « savoir » intuitivement qu’une observation, opinion ou hypothèse est « vraie »; on doit prouvé qu’elle est vraie en utilisant une sorte de « lampe de poche » pour nous aider à voir clair dans l’obscurité des perceptions. Les apparences étant souvent trompeuses, l’humanité a inventé la méthode scientifique précisément pour éliminer les biais multiples qui peuvent influencer les conclusions d’un chercheur ou d’un observateur et l’induire en erreur.

Mais il faut être prudent car une étude de type II peut être aussi biaisée qu’une étude de type I. Les déficiences et les mécanismes mentaux de son utilisateur étant le talon d’Achille principal de la science, avant de crier eurêka, il est primordial de prendre en considération non seulement la qualité du protocole expérimental utilisé, mais la source de financement de l’étude et l’affiliation des chercheurs.

LA ZOOTHÉRAPIE

Depuis cinquante ans, la grande majorité des études qui servent à promouvoir la zoothérapie sont des études de type I. En 1997 — et ça n’a guère changé depuis — le Dr David T. Allen, un épidémiologiste Américain, écrivait ceci :

« Ayant passé en revue plus de 1000 études, je n’ai pas trouvé une seule étude [étude de type II] qui décrit les gains en comparaison des pertes sur l’état de santé général de la société, en relation avec l’interaction entre les humains et les animaux. En d’autres mots, je n’ai pas trouvé un seul article [étude de type II] qui compare la magnitude des effets des cas cités avec un groupe témoin ou avec le public en général. Sur l’échelle des critères de validité scientifique, ces études [étude de type I] sont à ranger sur l’échelon le plus bas. Les rapports qui vantent les mérites de la relation des êtres humains avec les animaux sont fondés sur des études descriptives et sur l’opinion des experts, et les études de ce genre [étude de type I] sont les moins valides de tous. »

LE CAS DES ENFANTS SOUS-CHIMIOTHÉRAPIE

Que certains enfants en chimiothérapie semblent manifester une anxiété moindre et une meilleure attitude en présence d’un animal attesté par un taux de cortisol sanguin réduit — une mesure empirique de l’état psychologique — est une observation intéressante en soi, a priori, mais qui ne dit rien sur l’éventualité du traitement ni sur son lien avec la présence d’un animal.

Cette réduction de l’anxiété pourrait provenir d’une manifestation d’intérêt plus grande pour l’enfant ou par la présence d’une personne rassurante envers qui l’enfant éprouve de bons sentiments. L’usage d’un jeu, la présence d’un ami ou d’un parent par exemple pourrait aussi bien faire l’affaire sinon mieux car ce ne sont pas tous les enfants qui sont à l’aise avec un chien.

Pour être valide, ce genre d’observation anecdotique (étude de type I) doit être corroborée par une étude conçue selon un protocole standard (étude de type II) pour mesurer non seulement le lien de cet effet anxiolytique avec l’animal en soi et sa durée au quotidien et aux visites subséquentes, mais sa corrélation avec le taux de survie.

Quoi qu’il en soit, à ce jour, aucune étude digne de ce nom n’a pu établir avec certitude un lien entre l’attitude et le cancer. L’étude la plus récente (une étude épidémiologique de type II sur plus de 9000 personnes atteintes d’un cancer à la tête et au cou) a démontré qu’il n’y en avait pas.

LES ENFANTS AUTISTES

Toutes les études sans exceptions sur les bienfaits imputés aux dauphins, voire à l’équitation, des études exclusivement mandatées par l’industrie, et effectuées ou contrôlées par les propriétaires et les employés eux-mêmes de ces centres de thérapie, sont fortement biaisées, voire inutilisables.

Les rares études fiables (études de type II), comme celles répertoriées par Humphries Tracy L. (2003) et publiées dans la revue Bridges, sont unanimes : nager avec les dauphins n’améliore pas la condition des autistes ni qui que ce soit d’ailleurs. Et si ça ne marche pas avec les dauphins pourquoi cela marcherait-il avec un chien ou un cheval?

LES RAPPORTS SOCIAUX

La double obligation quotidienne de sortir son chien paraît en outre insuffisante pour favoriser les liens sociaux imputés à la zoothérapie. D’autant plus que le chat est plus populaire que le chien et qu’il ne sort presque jamais de ses appartements. En outre, la présence d’un animal dans la rue peut tout autant faire obstacle à une rencontre fortuite que la favoriser. Dans les faits, le meneur de chien doit souvent se tenir loin des autres à cause de la peur qu’il suscite (présence d’enfants, d’autres chiens incompatibles, peur des allergies, peur des chiens.)

EFFETS NÉGATIFS SUR LA SANTÉ

Pour vanter la zoothérapie, les mêmes références sont citées à la nausée, celle notamment de Friedman sur les bénéfices cardiaques imputés aux animaux alors que cette étude a peu de poids scientifique en regard de son protocole expérimental peu convaincant.

Si vous pensez qu’un chien peut vous aider à garder la forme, détrompez-vous, une étude comparative du professeur Mike Kelly de la Greenwich University aux États-Unis (étude de type II) a démontré que la promenade sans chien est beaucoup plus bénéfique pour le cœur. En effet, à cause des arrêts pipi fréquents, le cœur n’est pas suffisamment stimulé pour en retirer un bénéfice. Après seulement 14 semaines, le poids, le taux de cholestérol et la pression sanguine de ceux qui se promenaient sans chiens étaient beaucoup moins élevées que ceux de l’autre groupe qui se promenaient avec un chien. La santé général du groupe sans chiens était bien meilleurs que celle de groupe qui en avait un.

Par ailleurs, dans une étude d’envergure, sur 21 000 personnes (2006), une des très rares études épidémiologiques (étude de type II) non parrainée par l’industrie, les scientifiques Finlandais Koivusilta Leena K. et Ojanlatva Ansal ont démontré que les propriétaires d’animaux sont plus souvent malades et font moins d’exercices que la moyenne : 26% de ceux qui ont des animaux de compagnie font de l’embonpoint contre 21% des gens qui n’en ont pas. Quant à l’exercice, 16% des propriétaires d’animaux en faisaient moins d’une fois par mois, contre 2% des autres. Le risque de problème de santé est de 10 à 20% plus élevé, même en tenant compte de facteurs comme l’âge ou le niveau socioéconomique. Il s’agit d’une augmentation du risque comparable à celle qu’ont les célibataires, les veufs et les divorcés.

LE POSITIVISME VULGAIRE

On ne le dit pas, mais la zoothérapie est un épiphénomène du positivisme vulgaire une forme de pensée unidimensionnelle qui remonte au moins aux anciens Grecs. Dans cette forme de réflexion, le doute, le scepticisme et la raison sont désavoués au profit des pensées se traduisant par des actions positives ou agréables émotionnellement. Dans cette logique, l’important est d’aller de l’avant sans trop s’attarder aux effets néfastes de ses faits et gestes. Le positivisme vulgaire est une sorte de gestion des émotions négatives par la fuite en avant, l’action ayant un effet anxiolytique reconnu quoique éphémère.

LES PSYCHOTHÉRAPIES BRÈVES

La mode désormais dépassée des psychothérapies brèves des années soixante — la zoothérapie moderne est née à cette époque — a popularisé les bienfaits de la pensée positive au point d'en faire une religion. Ces méthodes furent conçues alors non pour guérir, mais pour soulager quelque peu les malades et favoriser le plus rapidement possible une réinsertion active dans le milieu de travail.

D’ailleurs Boris Levinson lui-même, l’instigateur de la zoothérapie, ne s’en cache pas : « je désire réitérer le fait soulevé par tellement d’hygiénistes mentaux que nous avons trop d’enfants perturbés. En outre, le traitement prend une éternité, et un raccourci est nécessaire. Je crois que dans de nombreux cas, l’usage des pets en psychothérapie offre un tel raccourci. »

DES MOTS MENSONGERS

L’emploi du mot « thérapie », qui veut dire cure au sens propre, est trompeur. Si les animaux peuvent nous faire sourire ou oublier momentanément notre vie souvent triste et fastidieuse, la musique, les voyages, les amis, le cinéma et la crème glacée aussi. Cependant, il n’est nullement question de cure mais tout au plus de soulagement ou de divertissement. Les mots « succédané » ou « palliatif » sont beaucoup plus appropriés. Ce qui évoque la courte durée et le substitut, l’effet s’estompant rapidement une fois passer l’attrait du nouveau.

PSEUDOSCIENCE

Cette distinction est vitale car le sensationnalisme et l’usage du langage scientifique pour cacher le manque de preuves sont les oripeaux les plus classiques de la pseudoscience. Les agents sociaux qui font une promotion agressive de la zootherapie — c’est aussi vraie pour la psychothérapie — utilise le mot « thérapie » pour édifier cette sorte d’aspirine en science, et par le fait même augmenter sa valeur perçue et inciter la consommation.

Ainsi, la zoothérapie est ni plus ni moins qu’une béquille comme l’alcool ou la cigarette avec une différence près que ces derniers dérivatifs présentent l’avantage de ne faire du tort qu’à ceux qui les utilisent.

LES ABANDONS

C’est d’ailleurs ce qui explique en partie (j’y reviendrai dans une chronique ultérieure) pourquoi les fourrières sont débordées. Les consommateurs attirés par les promesses mirobolantes de la zoothérapie se font prendre au jeu et se retrouvent avec un animal qui finit avant longtemps par leur brûler les doigts tellement il est encombrant. Par principe, plusieurs vont s’efforcer de le garder, alors que d’autres moins scrupuleux, le jetteront tout simplement à la « poubelle » comme un vulgaire déchet.

Il est difficile d’avancer des chiffres précis car il n’y en a pas, mais selon plusieurs sources aux intérêts opposés, au Québec, on jetterait dans les fourrières entre 200 000 et 500 000 chiens et chats par année (la population de chiens et de chats est estimée à 2 millions). Ces chiffres n’incluent pas les autres espèces aussi nombreuses et les animaux détruits sur demande, au tout venant, par les vétérinaires. cghj


Fausses allégations de la zoothérapie (III)

Le rapport à l’animal: un modèle dangereux pour les jeunes

Nous prenons tous pour acquis que la zoothérapie est aussi bonne pour nous que pour les animaux. Or, la vérité est tout autre. Ce que nous faisons aux animaux sous des apparences innocentes, a des répercussions méconnues non seulement sur leur bien-être, sur l’environnement et autrui, mais plus particulièrement sur les enfants car ce sont eux éventuellement qui devront payer les pots cassés (dans une chronique future, je reviendrai plus en détail sur la question des animaux et de l’environnement).

EFFETS SUR L’ENVIRONNEMENT

Les chats domestiques en liberté par exemple, accro aux croquettes commerciales, tuent une quantité phénoménale de petits mammifères et d’oiseaux qu’ils ne mangent même pas; en Australie, ces tueurs nés ont fait disparaître plus de 30 espèces. Ce scénario se répète partout dans le monde, notamment dans les îles où les écosystèmes sont particulièrement fragiles. Le commerce licite et illicite des animaux sauvages, qui servent entre autres comme médicanimal, conduit à un saccage et à un pillage en règle de la nature. L’empreinte carbone des animaux de compagnie est égale à 7% de la nôtre, l’impact le plus important étant attribué à la fabrication des aliments pour animaux.

LES TENSIONS CIVIQUES

Les morsures, les aboiements, le problème crottoir, les animaux en divagation, le saccage des airs publics, sont les causes principales des tensions civiques en milieu urbain. Aux Etats-Unis par exemple, il y a plus de 5 millions de morsures rapportées par année, et ce chiffre est un pâle reflet de la réalité; la plupart des victimes sont des garçons de moins de douze ans et selon l’Agence de Santé Publique du Canada, le visage est la cible la plus fréquente. Et n’allaient surtout pas croire que les chiens de type molossoïdes comme le pitbull sont les seules races dangereuses. Mme Dinoire la première greffée du visage a été mordue par un labrador.

LES RISQUES DE CONTAGION

Est-il prudent d’introduire des animaux sur une base régulière dans les hôpitaux pour enfants et les résidences pour personnes âgées aux prises avec un problème grave de contamination et de maladies nosocomiales? Les risques de contagion sont réels pour une population par définition vulnérable. La plupart de nos épidémies les plus graves sont d’origine animale. Ne pas faire preuve de précaution dans de telles circonstances me semble imprudent surtout de la part d’un infectiologue comme le Dr Pierre Déry cité dans une chronique précédente (Prenez deux chiens et rappelez-moi demain!).

LE CHEVAL DE TROIE DE L’INERTIE

Il est admis désormais que la compagnie des animaux nous fait du bien individuellement et collectivement, mais, en devenant à la fois content d'eux et coupés de leurs émotions, ceux qui s'abandonnent à leur petit plaisir se privent d'une vulnérabilité indispensable à leur maturation psychologique. Avec le temps, cette aspirine devient le cheval de Troie de leur inertie. Car, comment innover individuellement ou collectivement si on se coupe du sentiment d'urgence que la souffrance suscite ?

Cela se traduit notamment par un infantilisme collectif fâcheux pour une société, un moyen de gonfler « l'avoir » au détriment de « l'être ». Et c'est toujours à recommencer car une fois passé l'attrait du nouveau, une personne se retrouvera inévitablement face à ses problèmes et contrainte de récidiver en s'achetant un autre animal ou en changeant tout simplement de dévidoir affectif.

Dans une étude d’envergure sur 21 000 personnes (2006), une des très rares études épidémiologiques (études de type 2) non parrainée par l’industrie, les scientifiques Finlandais Koivusilta Leena K. et Ojanlatva Ansa, ont démontré « qu’une personne qui a une vie insatisfaisante, à cause de lacunes psychosociales ou de problèmes physiques, voudra composer en acquérant un animal de compagnie. Mais l’animal ne règle pas les problèmes sous-jacents, et peut même les exacerber s’il rend la sédentarité et l’isolement plus tolérables. »

DR STRANGELOVE

Ce domaine n’étant pas réglementé, la popularité de la zoothérapie attire une foule d’agents sociaux aux motivations suspectes. Un cas parmi cent, sur une de ces chaînes de télévision spécialisées en propagande silencieuse, on pouvait voir une idiotie monumentale : Dans une prison aux États-Unis, des zoothérapeutes encourageaient des délinquants graves à se coucher et à caresser des chiens entraînés à rester immobiles comme des sphinx, sous prétexte que ce contact avec un animal ferait d’eux comme par magie des hommes meilleurs.

On pouvait voir les prisonniers rirent dans leur moustache pendant que la zoothérapeute en chef, une sorte de Dr Stangelove, expliquait avec tout le sérieux du monde comment sa brigade de chiens allait contribuer à changer le monde (Dr Strangelove, une comédie satirique avec l’acteur Peter Sellers, mettant en scène un docteur dérangé aux idées étranges, voire dangereuses).

DES IDÉES BIZARRES

En général, la psychologie attire de préférence ceux qui ont souffert le plus de sévices psychologiques multiples. Ce n’est pas une raison de les condamner, nous sommes d’accords, mais recruter des agents sociaux sur la base de leur incapacité pour aider des gens par définition vulnérables n’est pas une recommandation en soi mais un faux-pas dangereux pour une société. Pensez-vous vraiment que les enfants vont apprendre à bien se conduire en faisant par exemple ce que le psychiatre Boris Levinson, le fondateur de la zoothérapie, recommande avec autant d’enthousiasme?

Pour un enfant, la masturbation avec un animal, est préférable à la masturbation en solitaire. Pour les quelques femmes qui s’assurent une gratification sexuelle en pratiquant le cunnilingus avec leur chien de poche, les animaux jouent un rôle d’hygiène mental dans la mesure où ils permettent aux femmes de satisfaire des besoins qui autrement ne seraient pas assouvis.

Chaque grande ville est remplie de solitaires — des hommes et des femmes qui passent leur temps à contempler un monde apparemment hostile. Les plus fortunés ont des pets comme bouée de sauvetage. Quelques-uns de ces solitaires maintiennent un intérêt pour le sexe, mais sans avoir d’exutoire. Or, la masturbation, voire une relation plus intime avec leurs animaux, devrait être considéré désirable et normal.

Se défouler sur les animaux sert à canaliser des comportements passibles d’être sévèrement punis légalement. Le voyeur par exemple, au lieu de devenir un peeping Tom qui embarrasse les femmes ou les couples engagés dans un rapport sexuel, peut ouvertement et sans honte observer ces comportements chez ses pets. Il peut même se masturber en même temps sans mettre en danger la paix publique et la morale.

UN MODÈLE DANGEREUX POUR LES ENFANTS

C’est notamment à travers le rapport avec un animal que les enfants apprennent les règles fondamentales de leurs relations futures; pour ces enfants, aimer devient synonyme de possession, domination, contrôle, plaisir et dépendance.

Dans son livre The dreaded comparison : human and animal slavery, Marjorie Spiegel écrit ceci:

On peut considérer le rapport entre un chien et son maître comme un exemple parmi d’autres d’esclavagisme. Pour le maître, le chien est un bon chien tant qu’il marche au pied, ne démontre pas trop d’intérêt pour les étrangers ou les autres chiens, ne coure pas à moins d’avoir la permission, n’aboie pas tant qu’on ne lui en donne pas l’ordre, et n’a pas de besoins émotifs à moins que son maître en exprime le désir. […] Si un chien désire faire autre chose que ce qui plaît au maître comme socialiser et jouer avec ses semblables, il peut être puni voire battu. Toutes les actions indépendantes sont ainsi découragées. Pour éviter d’être battu et puni, le chien apprend à refouler ses désirs et à se conformer à ceux de son maître son propriétaire légal omnipuissant. Et si à n’importe quel moment, le maître se lasse, il peut l’abandonner en fourrière où il sera détruit ni vu ni connu.

Il y a bien sûr des gestes d’affection dans ce rapport de domination, de supérieur à inférieur, mais comme l’explique le professeur Yi-Fu Tuan de l’Université Yale aux Etats-Unis, « ces gestes ne sont possibles que dans des relations inégales. Ce sont des gestes de condescendance et de paternalisme qui adoucissent l’exploitation en lui donnant un visage plus humain. Sans eux, il n’y aurait que des victimes. Ils soulagent la souffrance associée à la domination et à l’esclavage. La domination teintée d’affection produit un animal de compagnie. »

UN SADISME D’UNE GRANDE BANALITÉ

À en juger par la très grande popularité des animaux de compagnie, ce genre de rapport empreint d’un sadisme manifeste, en ce qui concerne le chien du moins — comme nous le verrons dans une chronique ultérieure, dans le cas du chat, il est plutôt question d’une forme latente de sadisme beaucoup plus cruelle par sa subtilité —, est la norme dans notre société car pour ne voir aucun mal dans ce modèle de comportement, et trouver ça beau et digne d’être transmis à ses enfants, il faut être soi-même dans cet état d’esprit.

En d’autres mots, on se comporte essentiellement — et pas toujours dans la forme grâce à divers garde-fous comme la religion et la loi —avec les animaux comme on se comporte avec autrui et l’environnement. La condition animale est foncièrement une transposition inconsciente de la condition humaine, selon l’ethnologue Français Jean Pierre Digard, « le moule en creux ou en relief, ou le contretype, en positif et en négatif, des relations entre les hommes » (j’y reviendrai plus en détail dans une chronique subséquente).

L’ENDOCTRINEMENT

Dans les expériences pédagogiques dans les écoles, on réclame le respect des animaux et de la nature, mais se soucie-t-on seulement du respect des élèves — et des parents —lorsqu’on les endoctrine si jeune en leur faisant croire que le rapport aux animaux de compagnie est sain et bénéfique ou que la vie sans animaux est impensable? Il est navrant que les enfants soient la cible privilégiée des industries dès le plus jeune age. Bien que certains enfants soient fortement attirés par les animaux — à ce compte-là par le sexe, les sucreries et la malbouffe aussi — ils sont incapables de jugement critique. C’est aux parents d’assumer ce rôle en faisant comprendre aux enfants que parfois il peut être cruel d’être « bon ».

Il me semble nuisible et moralement répréhensible d’exploiter les animaux ou qui que ce soit d’ailleurs pour des raisons ludiques ou uniquement pour faire marcher les affaires. Comment dans ces conditions peut-on faire comprendre aux enfants qu’il faut respecter la nature, les animaux et autrui, si en même temps, on leur montre des animaux soumis, accoutrés, et dévalorisés au rang d’esclave. Il est impossible d’accorder le moindre rôle récréatif ou pédagogique à un animal relégué au rang de jeu vidéo, enchaîné, en laisse ou en cage, que les barreaux soient virtuels ou non. Le spectacle de la détention n’a rien d’une distraction.

À l’heure du réchauffement climatique, de la destruction des écosystèmes et d’une perte de biodiversité problématiques pour notre espèce, il est troublant de constater qu’une telle attitude soit encore si répandue même dans les couches sociales les mieux éduquées et les plus fortunées.

Heureusement, un certain nombre de personnes ne transmettent pas aveuglément aux générations futures des idées et des comportements aussi dangereux car ils savent comme le dit le proverbe Iakota, que nous n’avons pas hérité cette planète de nos ancêtres. Nous l’empruntons à nos enfants.



Fausses allégations de la zoothérapie (IV)

« Acceptez comme thème de discussion une catégorie qu’on croit fausse expose toujours à un risque : celui d’entretenir, par l’attention qu’on lui prête, quelque illusion sur sa réalité. Pour mieux cerner un obstacle imprécis, on soulignera des contours dont on voulait seulement démontrer l’inconsistance; car, en s’attaquant à une théorie mal fondée, la critique commence par lui rendre une façon d’hommage. Le fantôme, imprudemment évoqué dans l’espoir de le conjurer définitivement, n’aura disparu que pour surgir de nouveau, et moins loin qu’on ne s’imagine du lieu où il était apparu en premier. »

Claude Lévi-Strauss

***

Dieu créa l’homme, et le voyant si faible, lui donna le chien!

Après avoir lu les chroniques précédente sur la zoothérapie, la tendance toute naturelle serait de jeter la pierre à l’industrie des animaux de compagnie. Mais ce serait une erreur fatale. En effet, l’industrie joue bel et bien un rôle, mais uniquement opportuniste. D’autres facteurs, aussi importants sinon plus sont en jeux.

LES CROYANCES ET LE SYMBOLISME


On mesure mal l’importance des croyances et du symbolisme sur la décision d’avoir un chien ou un autre animal.

Chaque espèce, chaque race, même sa couleur, a une signification symbolique cachée. Quand le « dossier » nommé « chien » ou « serpent » par exemple est sorti pour consultation de la « filière » mentale où il est classé inchangé depuis des siècles, l’esprit lit son contenu comme un robot.

Même notre langage est construit sur le monde extérieur et l’interprétation souvent fausses que nos ancêtres lui ont donnés à une époque où nous n’avions pas de science pour nous aider à déchiffrer le clair obscur des perceptions. On assignait arbitrairement aux animaux, aux plantes et aux objets des vertus, des vices ou une signification qui fait encore figure de vérité. Les mots « cochon », « sale chienne », « animal » « bête » « âne » par exemple sont encore couramment utilisé pour stigmatiser ou exclure un individu ou un groupe.

Ces idées souterraines qui font parties du credo fondateur de nombreuses cultures, expliquent non seulement la popularité de la zoothérapie, mais comme nous verrons dans une chronique ultérieure, le rapport aux animaux en général, une transposition inconsciente de nos complexes psychiques et symboliques. Ces notions profondément enfouies résistent à toute révision parce qu’elles font tellement partie de ce que nous croyons être vrai depuis si longtemps qu’elles échappent à la conscience devenant ainsi des dogmes.

UN GUIDE

Traditionnellement, le chien par exemple est considéré comme un guide et un berger.

« Les anciens Mexicains, explique Jean-Pierre Ronecker l’auteur du livre Le Symbolisme Animal, élevaient des chiens dont le rôle était de guider les défunts après la mort. On enterrait avec le cadavre un chien couleur de lion qui devait accompagner l’âme du mort. Parfois le chien était sacrifié sur la tombe du maître pour l’aider au cours de son long voyage post-mortem. En Perse, les morts, les malades et les vieillards étaient littéralement jetés aux chiens pour des raisons semblables. »

L’image du bon St Bernard — une race de chien qui n’est ni meilleure ni pire qu’une autre — qui sauve les pèlerins perdus dans la montagne ou enseveli sous une avalanche a fortement marqué l’imaginaire collectif. Bien des gens sont convaincus que leur bon toutou va les défendre, les guider vers le salut, ou les aider à devenir plus heureux. La civilisation occidentale est elle-même construite sur le modèle du berger qui guide son troupeau avec l’aide de ses fidèles chiens. « Dieu créa l’homme, et le voyant si faible, lui donna le chien! » a dit Victor Hugo.

L’aura entourant les chiens guides — qui servent désormais de faire valoir à toute l’industrie de la zoothérapie — s’explique essentiellement par ces idées fantômes qui hantent encore le grenier mental de la collectivité.

Au cœur de la zoothérapie, il y a l’idée ésotérique que les animaux en soi, de par leur nature toute spéciale — impossible, évidemment, à qualifier ou à quantifier par la méthode scientifique — ont sur nous des effets magiques où surnaturels, que par leur seule présence près de nous, ils ont le pouvoir mystérieux de nous transformer, de nous guérir et de nous remettre sur le droit chemin (voir DES IDÉES BIZARRES dans la partie III sur la zoothérapie).

Dans cette perspective, récemment, aux nouvelles de Radio Canada, dans un reportage tout ce qui a de sérieux, conçu, filmé et narré par des journalistes adultes et vaccinés, on a fait l’éloge d’une psychothérapeute québécoise, que je préfère ne pas nommer, qui a placé des animaux partout dans sa clinique en pensant que ceux-ci avaient la capacité, en leur envoyant des ondes où je ne sais quoi, d’apaiser et d’aider ses patients à guérir, autant dire miraculeusement.

Or, je veux bien le croire, bonté divine, mais vous avouerez tout de même que c’est pousser l’enveloppe un peu loin. Pendant que vous y êtes madame la psychothérapeute et messieurs les journalistes de Radio Canada, vous qui ne manquez pas une occasion de faire l’éloge de la zoothérapie, allez donc dire ça, avec un tel sérieux, à un éleveur de vaches laitières, de cochon ou de volailles qui s’échinent comme un esclave, 25 heures par jour, 366 jours par année, pour rejoindre à peine les deux bouts, que ses animaux ont le pouvoir magique de faire sa vie plus belle. Il va penser que vous vous moquez de lui s’il ne vous lance pas à la figure une bonne pelletée de fumier.

UN FAIRE VALOIR MORAL

Dans la liturgie chrétienne du Moyen Âge, explique l’historienne Rosalind Hill, notamment chez St François D’Assise, le saint des animaux, on retrouve d’autres notions aussi fausses que tenaces comme celle voulant que ce sont les bêtes plutôt que les hommes qui sont les plus aptes à reconnaître la sainteté ou la bonté d’une personne.

Selon cette version des choses, comme les animaux sont en général perçus comme de meilleurs juges de caractère que les humains, dans l’esprit du plus grand nombre, réussir à faire manger un animal dans sa main, l’apprivoiser, et se faire aimer par lui, est une
preuve de confiance de la part de l’animal qui en dit long sur les grandes qualités humaines d’une personne.

Les amoureux des bêtes étant généralement considérés comme de bonnes gens, dans les films grand public par exemple, voire en affaires, en politique et en amour, ces notions fausses qui font figure de lieux communs, sont souvent exploitées pour pincer le cœur du spectateur, du consommateur, de l’électeur ou d’un éventuel partenaire amoureux.

UN MOYEN D’ÉVOLUER


Selon l’ethnologue Français Éric Baratay, « pour l’Église chrétienne du 19e siècle se mettre à aimer les animaux [à la façon des saints comme St François], est un procédé fort ingénieux, pour établir parmi les hommes le règne pur de la charité […] Il s’agit d’extirper le goût du sang et de la cruauté, de rendre l’Homme meilleur pour ses congénères et donc de protéger l’humanité elle-même. »

Une littérature abondante de cette époque fait passer l’idée que les gens doivent être jugés à la santé de leurs animaux de compagnie, symbole d’une vie vertueuse.

Plusieurs personnalités saintes sont des végétariens notoires, un style d’alimentation communément associé à la non-violence et à la compassion. Dans la religion bouddhiste par exemple, la compassion envers les animaux est un signe de bonté et un haut niveau de réincarnation vers l’état de bouddha. On retrouve l’écho de ces notions fort discutables chez les anciens grecs comme Platon et dans toutes les religions du monde, du judaïsme au confucianisme et du taoïsme à l’hindouisme.

En France, même la fameuse loi Gramont — qui a des émules presque universels — voté le 2 juillet 1850 qui réprimait les mauvais traitements en publique des animaux domestiques avait entre autres des visées anthropocentriques : faire l’Homme meilleur.

UNE SCHIZOPHRÉNIE GÉNÉRALISÉE


Or, à en juger par la condition animale qui n’a fait que se détériorer depuis ses bonnes intentions, jouer à St François ne fait pas l’homme meilleur. Au contraire. L’évolution psychologique ou le darwinisme spirituel est un leurre (l’historien de la science Thomas Kuhn doute même du progrès scientifique en soulignant que la théorie de la relativité de Einstein est plus proche de celle d’Aristote qu’aucune des deux ne l’est de celle de Newton).

On efface pas sa cruauté ou sa violence en s’exerçant sur autrui de son espèce ou d’une autre, ou en s’efforçant de copier comme un perroquet un idéal quelconque de son invention. Le mimétisme et le refoulement conduisent irrémédiablement à un manque d’authenticité, une schizophrénie individuelle et sociale, l’Allemagne nazi étant une de ses manifestations la plus macabre. « L’animal qui est dans l’homme sa psyché instinctuelle peut devenir dangereux lorsqu’il n’est pas reconnu et intégré à la vie de l’individu », a dit Carl Jung.

UN MALENTENDU AUX CONSÉQUENCES IMPRÉVISIBLES


À une époque préhistorique, où il n’y avait pas de science pour distinguer la fiction de la réalité, l’Homme a fait plusieurs erreurs majeures qui allaient avoir des conséquences insoupçonnées non seulement sur notre espèce, mais sur toutes les autres.

Il a d’abord cru que le changement matériel et psychologique opérait de la même manière. Ainsi, puisqu’il fallait faire un effort pour aller du point A au point B, logiquement, il devait en être ainsi pour aller du mal à la bonté. En d’autres mots, à force de se raisonner, l’Homme a cru pouvoir un jour devenir meilleur comme il construirait un pont en suivant un mode d’emploi et en s’efforçant étape par étape d’atteindre l’objectif visé.

Cette notion erronée popularisée notamment par Platon — et reprise par presque toutes les religions du monde — et plus récemment René Descartes, est tellement bien ancrée qu’elle passe pour une vérité objective alors que c’est la simple invention d’une espèce qui cherche en vain à se défaire des facettes de son animalité qui posent problèmes dans un contexte environnemental où elles sont devenues déphasées par rapport à l’environnement naturel où elles ont été forgées au cours de millions d’années d’évolution.

Puis, sans doute inspiré par la nécessité vitale de fuir l’anxiété suscitée par un danger physique réel, nos ancêtres ont inconsciemment adopté la même stratégie pour composer avec une anxiété ou un malaise d’origine psychologique. Dans cette perspective, tourner le dos à ses problèmes psychologiques en fuyant dans un opposé ou une distraction quelconque, serait une transposition inconsciente de l’instinct de fuite commun à tous les animaux.

Cela s’est traduit par le positivisme vulgaire, le capitalisme suivi du consumérisme, une perversion inflationniste de nos instincts naturels caractérisée par la fuite en avant et le sentimentalisme (tous nos comportements névrotiques sont des perversions de nos comportements naturels : boire, manger, explorer, communiquer, se reproduire, etc.).

Par effet domino, ces erreurs de cause à effet — un des thèmes principaux de l’inclassable philosophe Indien Jiddu Krishnamurti — se sont soldées par un cloisonnement fatal entre la culture et la nature, en d’autres termes, l’observateur (la raison ou la pensée) et l’observé (notre corporéité ou les fonctions instinctives).

LE SCOTOME MENTAL

La scotomisation, selon le Petit Robert, « l’exclusion inconsciente d’une réalité extérieure du champ de conscience; un déni de la réalité, une forclusion, un mécanisme psychique par lequel des représentations insupportables sont rejetées avant même d’être intégrées à l’inconscient du sujet (à la différence du refoulement) », joue également un rôle de premier plan dont on mesure mal l’importance et qui expliquerait pourquoi les croyances et les traditions les plus absurdes sont si difficiles à changer.

Alors que notre œil capte sur la rétine le monde tel qu’il est, dans l'ombre, notre cerveau fait un travail d'édition, un couper coller, pour ajuster la réalité à l'idée qu'il s'en fait. Ce que nous voyons, lisons ou entendons est remanié pour concorder avec des notions apprises pendant notre apprentissage.

Je l'ai expérimenté de nombreuses fois. Lorsque j'étais vétérinaire par exemple, dans les périodiques médicaux que je lisais, notamment sur la vaccination et la zoothérapie, je soulignais au crayon gras uniquement les notions qui cadraient avec mes valeurs du moment, occultant tout un pan de la réalité contraire à mes convictions et à mes intérêts.

Plus tard, après avoir laissé ma profession, en feuilletant ces mêmes périodiques, cette dualité assez spectaculaire entre le bien (ce qui confortait mes certitudes) et le mal (ce qui menaçait mes certitudes) me sauta aux yeux comme un diable à ressort. Alors qu’auparavant seules les parties soulignées captaient mon regard, désormais, je voyais l’ensemble du texte.

LE BIAIS DE L’ENTHOUSIASME

Ainsi, les études sur la zoothérapie ayants le plus de chance d’être retenue