L’extraordinaire disproportion dans les pertes humaines, les souffrances et la destruction d’infrastructures ne doit pas nous empêcher de voir que l’offensive israélienne à Gaza se dirige vers une défaite aussi significative que lors de la guerre au Liban.
Nombre d’observateurs et de spécialistes du Moyen-Orient avouent ne pas comprendre les objectifs réels de l’incursion israélienne à Gaza, à moins de les réduire à des considérations de politique intérieure en lien avec les prochaines élections israéliennes, de réhabilitation de Tsahal après son échec au Liban ou de tentative pour miner à l’avance une nouvelle intervention américaine en faveur de la paix avant l’investiture de Barack Obama.
Un échec selon trois critères
C’est le cas du magazine britannique d’obédience néolibérale The Economist qu’on ne peut certes pas taxer d’être pro-palestinien. Dans l’éditorial du numéro du 3 janvier 2009, The Economist écrit qu’une « guerre doit subir trois tests pour être justifiée ».
Premièrement, « le pays doit avoir épuisé tous les autres moyens à sa disposition pour assurer sa défense ». Deuxièmement, poursuit The Economist, « l’attaque doit être proportionnée à l’objectif visé » et, enfin, « avoir une chance raisonnable d’atteindre son objectif ».
The Economist ne croit pas que l’objectif d’Israël soit simplement de faire cesser les tirs de missiles du Hamas. « Israël aurait pu trouver une autre façon d’y mettre fin », écrit-on.
Israël, soutient le magazine, cherche depuis longtemps à affaiblir le Hamas avec un blocus économique, alors qu’il dope l’économie de la Cisjordanie, où domine le Fatah. Même pendant la trêve, Israël a empêché l’entrée à Gaza de toute aide sauf l’aide humanitaire et, encore là, au compte-gouttes.
Aussi, conclut The Economist, « bien que le Hamas ait provoqué Israël, le Hamas peut également prétendre qu’il a été confronté aux provocations d’Israël ». Le magazine ajoute : « Si Israël avait mis fin au blocus, le Hamas aurait pu renouveler la trêve. »
Cette analyse, bien qu’elle vienne d’une publication reconnue pour représenter le point de vue de la classe dirigeante britannique, tranche catégoriquement avec celle des André Pratte, Lysiane Gagnon et autres éditorialistes et chroniqueurs patentés qui reprennent en chœur la propagande israélienne pour tenir le Hamas comme seul responsable de la reprise des hostilités.
Sur le principe de proportionnalité, la revue ne s’attarde pas bien longtemps. « Les chiffres parlent d’eux-mêmes », conclut-on. À ce moment-là, 350 Palestiniens avaient été tués contre quatre Israéliens. Au moment où ces lignes-ci sont écrites, le nombre de Palestiniens tués a doublé.
Concernant le troisième critère – la possibilité d’atteindre son objectif –, le magazine se demande « si Israël a déjà oublié les leçons de son échec relatif au Liban »? The Economist croit qu’Israël ne pourra obliger le Hamas à « plier les genoux » et que le Hamas préférera continuer à le combat peu importe combien durement il sera touché, « défiant Israël d’envoyer ses fantassins dans des combats de rue dans les villes congestionnées de Gaza et dans les camps de réfugiés ».
Prendre Obama de court?
Il se pourrait également qu’Israël ait pour objectif de faire dérailler avant sa publication un nouveau plan de paix venant du futur locataire de la Maison Blanche. Dans la prestigieuse revue américaine Foreign Affairs, proche du Parti démocrate, deux articles prônent un changement de stratégie au Moyen-Orient.
Dans « Change They Can Believe In; to Make Israel Safe, Give Palestinians Their Due », l’auteur Walter Russel Mead propose ce qu’il appelle une « révolution copernicienne » qui placerait les Palestiniens au centre de tout règlement de paix au Moyen-Orient. Sans entrer dans les détails, disons que son plan basé sur l’existence de deux États prévoit la reconnaissance du droit au retour des Palestiniens et une généreuse compensation financière pour ceux qui décideraient de ne pas exercer ce droit.
Dans « Beyond Iraq, A New U.S. Strategy for the Middle East », Richard N. Haass, le président du Council on Foreign Affairs Relations, et Martin Indyk reconnaissent que tout processus de paix qui exclut le Hamas pourrait échouer.
Les auteurs écrivent dans ce texte paru au début de mois de janvier, soit avant la rupture de la trêve: « Si le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël tient et qu’émerge une réconciliation entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, l’administration Obama devrait traiter avec la direction palestinienne conjointe et autoriser des contacts de bas niveau entre des responsables américains et le Hamas à Gaza ».
On imagine facilement avec quelle horreur les dirigeants israéliens envisagent une telle reconnaissance du Hamas par les États-Unis.
La deuxième option proposée par Haass et Indyk a plus de chance de les satisfaire. Elle se lit comme suit : « Si le cessez-le-feu est rompu et que l’armée israélienne entre à nouveau dans Gaza, les États-Unis devraient alors travailler avec d’autres forces pour mettre en place une force internationale dirigée par les pays arabes dont le mandat serait de restaurer le contrôle de l’Autorité palestinienne sur Gaza et obtenir le retrait d’Israël. »
C’est à peu près ce qui est en train de se passer, mis à part que l’initiative n’est pas assumée directement par les États-Unis, mais par son poodle européen : Nicolas Sarkozy.
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