Le 5 janvier, Michel Paillé m’a accusé en ces pages d’avoir, dans mon livre Avantage à l’anglais !, passé sous silence deux études. C’est faux en ce qui concerne celle de Marc Termote. Elle reçoit l’attention qu’elle mérite dans mes chapitres 6 et 11. J’y écris notamment : « À la suite du recensement de 2001, le démographe Marc Termote avait prévu, pour le demi-siècle à venir, une stabilisation du poids des anglophones au Québec, conjuguée à une baisse régulière du poids des francophones […] La réalité a dépassé la fiction : le recensement de 2006 révèle une baisse un peu plus rapide du poids des francophones que celle que Termote avait prévue. La raison en est simple. Par crainte d’être taxé de pessimisme, Termote avait faussé ses prévisions en faveur du français, en supposant que la population allophone se franciserait à un rythme tout à fait invraisemblable. »
Quant à la seconde étude, Paillé omet de préciser qu’il en est l’auteur et que le Comité de suivi à l’OQLF l’avait refusée pour publication dans la collection « Suivi de la situation linguistique ». Paillé devrait plutôt se féliciter de mon silence à l’égard de ce texte, car mon livre fait suffisamment ressortir l’inanité de nombre d’autres écrits qu’il a commis récemment.
Surtout, Paillé m’accuse d’exagérer l’avantage de l’anglais en matière d’assimilation en ne traitant, dans l’extrait de mon livre paru dans Le Devoir du 27 décembre, que de la situation dans la région de Montréal. L’avantage de l’anglais en cette matière est pourtant si flagrant que le choix de région n’a pas l’importance que Paillé veut lui prêter.
Pour bien juger de l’avantage en question, il faudrait mettre le bilan de l’assimilation à Montréal, soit les 144 personnes additionnelles parlant l’anglais au foyer pour 100 parlant le français, en rapport avec le ratio de 19 personnes de langue maternelle anglaise pour 100 de langue maternelle française dans la région métropolitaine. On constaterait alors que le pouvoir d’assimilation de l’anglais y est plus de sept fois supérieur à celui du français. En m’en tenant au ratio de 144 pour 100, je n’ai donc rien exagéré. Au contraire.
Voyons ce qu’il en est pour l’ensemble du Québec. Dans ce contexte, le gain de 107 contre 100 dont fait état M. Paillé doit être mis en relief avec les 10 anglophones pour 100 francophones que compte la population québécoise. On voit alors qu’à l’échelle du Québec tout entier, la force d’attraction de l’anglais en matière d’assimilation est plus de dix fois celle du français, soit encore plus démesurée qu’à Montréal.
Contrairement à ce que prétend Paillé, le français n’a pas de « net avantage » même dans le Québec à l’extérieur de la région de Montréal. Cette partie de la province compte bien « seulement » 7 nouvelles recrues pour l’anglais par voie d’assimilation contre 100 pour le français, comme le rapporte Paillé, mais elle ne compte aussi que 4 anglophones pour 100 francophones. L’avantage de l’anglais sur le français en matière d’assimilation reste donc évident là aussi.
Il existe, bien sûr, des parties du Québec où le français domine l’anglais sur le plan de l’assimilation. Cela peut même se trouver à l’extérieur du Québec, par exemple dans le comté de Madawaska au Nouveau-Brunswick, à 94 % francophone. Cependant, l’avenir du français ne se joue pas à Edmundston, Québec ou Trois-Rivières. D’où mon choix de faire état de la situation à Montréal.
Évaluer l’assimilation dans une juste perspective est chose familière aux lecteurs de l’aut’journal. J’ai employé cette méthode dans Larose n’est pas Larousse, mon précédent recueil de chroniques rédigées en marge de la Commission Larose. La parenté de cette approche ne me revient d’ailleurs pas. C’est Jacques Henripin qui l’a rodée en 1974, dans L’Immigration et le déséquilibre linguistique. À son avis, pour que le français ne soit pas désavantagé au Québec, il faudrait que son pouvoir d’assimilation soit proportionnel au poids des francophones.
Dans mon extrait pour Le Devoir, j’ai voulu faire simple. Mais ce n’est pas mauvais de mettre les points sur les « i ». Tout ce que démontre M. Paillé, c’est qu’il ne saisit toujours pas comment évaluer l’incidence démographique de l’assimilation sur le rapport de force entre les groupes de langue anglaise et française. Pity.
Quant au « niveau de langue » ou à la « nature polémique » de mon livre, j’invite le lecteur intéressé à en juger sur pièce.
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