« Plus on est ignorant, moins on s’en aperçoit. »
– Louis Pasteur
L'organisme québécois des Artistes pour la Paix a publié dernièrement un court communiqué condamnant clairement l'agression israélienne sur Gaza en précisant que c'est Israël qui a brisé la trêve avec le Hamas le 4 novembre dernier. Le communiqué conclu sur une phrase de Peter Ustinov, « le terrorisme, c'est la guerre des pauvres contre les riches; la guerre, c'est le terrorisme des pays riches contre les pauvres ». Ces phrases, j'aurais bien aimé les entendre de la voix d'un artiste québécois dans une des dernières manifestations de Montréal où des citoyens québécois de toutes les origines et de toutes les religions ont tenu à dénoncer haut et fort les crimes d'Israël à Gaza.
À part les Artistes pour la Paix, je n'ai entendu aucun artiste québécois se prononcer publiquement sur le drame de Gaza. Aucune chanson? Aucun poème? Aucun mot? Aucune lettre? Le silence des artistes québécois, dits engagés, m'étonne et me trouble.
Ce silence aurait-il un lien avec l'épisode de Julien Poulin (comédien) quand il a porté un drapeau du Hezbollah lors de la manif contre l'agression israélienne au sud du Liban en été 2006? Derrière ce silence se cache-t-il une peur que la solidarité avec les victimes civiles de Gaza soit perçue comme un appui indirect au Hamas? La peur d'être associé à des « méchants terroristes »? Ou il y a simplement derrière le silence des artistes une méconnaissance du conflit au Moyen-Orient. Quand un mensonge est répété durant 60 ans, s'il ne prend l'allure d'une vérité, il sème le doute même dans les esprits les plus éclairés, aussi artistes engagés soient-ils.
Apparemment les images du massacre et le nombre de morts et des blessés ne suffisent pas pour dissiper le doute et la confusion savamment entretenus par la propagande sioniste sur la réalité des choses. Et pourtant, ce crime de guerre a fait sortir du silence beaucoup de juifs ici, en France et même en Israël, condamnant sans réserve le spectacle du crime contre l'humanité. Stéphane Hessel, un rescapé des camps nazi et un des rédacteurs de la Déclaration des droits de l'Homme, ne cesse de répéter dans les médias français que par son comportement « 'Israël est en train de creuser sa propre tombe »'.
Voici à l'attention de nos artistes un rappel de quelques chiffres de l'ONU :
1982, invasion du Liban par Israël qui fait 17500 morts, presque tous des civils dont la plupart des enfants et des femmes.
Septembre 1982, 1700 civils palestiniens sont morts dans le massacre de Sabra et Chatila qui n'aurait jamais eu lieu sans la complicité de l'armée israélienne sous les ordres d'Ariel Sharon.
1996, massacre à Qana a fait 106 morts, tous des civils, des réfugiés libanais (dont plus de la moitié étaient des enfants) hébergés dans une base des Nations unies.
2006, massacre des réfugiés de Marwahin à qui Israël avait ordonné de fuir, et qui ont été tués par un hélicoptère israélien.
2006, 1000 morts durant les bombardements et l’invasion du sud du Liban, dont la quasi-totalité étaient des civils.
177 Palestiniens sont morts en détention depuis 1967 dont presque la moitié ont rendu l'âme suite à des tortures.
Du 27 au 28 décembre 2008, c'est le jour le plus sanglant depuis 1967 : 300 morts et quelque 700 blessés en moins de 24 heures à Gaza.
Sur le silence des artistes québécois face au drame de Gaza, un ami m'a confié : « Gaza, ce n'est pas un conflit qui les touche et qui est vendeur pour leur carrière ». Bien sûr, un artiste ne peut adhérer à toutes les causes. Il a le droit et la liberté de choisir celle qui le touche le plus. Et je crois fondamentalement à la sincérité qui anime des artistes pour défendre telle ou telle cause. Mais force est de constater que certaines sont plus consensuelles que d'autres. On se mobilise plus facilement pour les enfants malades ici ou en Afrique, pour les jeunes de la rue, pour les sans-abri, pour sauver une rivière menacée, pour une catastrophe naturelle et bien sûr contre les coupures dans les programmes culturels. Mais devant Gaza, on se tait. On se tue.
Je crois à la liberté de l'artiste, c'est pourquoi j'ose l'imaginer assez audacieux pour se permettre de ne pas garder le silence sur un crime contre l'humanité. Michael Heart, artiste américain a rompu le silence avec sa chanson « We will not go down » qui fait le tour du monde par YouTube. Il a laissé parler son cœur et sa conscience, à sa manière.
L'artiste est libre et je me permets de lui dire librement. Si par hasard, tu ne sais pas comment réagir face à la tragédie de Gaza, je te soumets ce manuel ironique d'auto-défense intellectuelle qui circule sur Internet à l'attention de ceux et celles qui ne savent pas encore comment décoder le conflit du Moyen-Orient.
Règle numéro 1 : Au Proche Orient, ce sont toujours les Arabes qui attaquent les premiers et toujours Israël qui se défend. Cela s'appelle des représailles.
Règle numéro 2 : Les Arabes, Palestiniens ou Libanais, n'ont pas le droit de tuer des civils de l'autre camp. Cela s'appelle du terrorisme.
Règle numéro 3 : Israël a le droit de tuer des civils arabes. Cela s'appelle la légitime défense.
Règle numéro 4 : Quand Israël tue trop de civils, les puissances occidentales l'appellent à la retenue. Cela s'appelle la réaction de la communauté internationale.
Règle numéro 5 : Les Palestiniens et les Libanais n'ont pas le droit de capturer des militaires israéliens, même si ce nombre est égal à trois.
Règle numéro 6 : Les Israéliens ont le droit d'enlever autant de Palestiniens qu'ils le souhaitent (environ 10.000 prisonniers à ce jour, dont près de 300 enfants). Il n'est pas besoin d'apporter une preuve de la culpabilité des personnes enlevées. Il faut simplement utiliser le mot magique : « terroriste ».
Règle numéro 7 : Quand vous dites « Hezbollah », il faut immédiatement ajouter l'expression « soutenu par la Syrie et l'Iran ».
Règle numéro 8 : Quand vous dites « Israël », il ne faut pas ajouter après « soutenu par les États-Unis », ceci pourrait faire croire à un conflit déséquilibré.
Règle numéro 9 : Ne jamais parler de Palestine, ou de « Territoires occupés », ni de résolutions de l'ONU, ni de violations du droit international, ni des conventions de Genève. Cela pourrait perturber le téléspectateur et l'auditeur européen.
Règle numéro 10 : Les Israéliens parlent mieux le français que les Arabes. Il est normal qu'on leur donne aussi souvent que possible la parole. Ainsi, ils peuvent nous expliquer les règles précédentes (de 1 à 9). Cela s'appelle la neutralité journalistique.
Règle numéro 11 : Si vous n'êtes pas d'accord avec ces règles ou si vous trouvez qu'elles favorisent indûment une partie au conflit, C'est parce que vous êtes un dangereux antisémite.