Il y aura une reprise de l’activité économique au cours de l’été », déclarait récemment Mark Carney, le gouverneur de la Banque du Canada. Bien plus, il prédisait que le PIB devrait enregistrer un taux de croissance de 3,8 % en 2010. Autrement dit, il nous invitait à voir déjà la lumière au bout du tunnel.
Les déclarations de M. Carney ont été accueillies avec beaucoup de scepticisme. Mais, le plus étonnant est qu’elles ont été contredites par David Dodge, son prédécesseur à la tête de la Banque du Canada, qu’on présente toujours comme l’éminence grise des milieux économiques canadiens. M. Carney a succédé à David Dodge le 1er février 2008.
Lors d’une conférence à huis clos devant la Calgary CFA Society, M. Dodge a affirmé qu’il ne voyait pas de reprise économique avant 2011 ou même 2012, nous apprend le Globe and Mail du 29 janvier. Et, encore là, cette reprise serait très faible, selon M. Dodge.
La question se pose : M. Carney ment-il? La réponse se trouve peut-être dans les propos de son prédécesseur, David Dodge, lors de sa première entrevue au lendemain de sa démission, le 30 janvier 2008.
Avec une belle candeur, M. Dodge reconnaissait, à propos de la crise financière, qu’« il avait vu venir le désastre » et que « plusieurs dirigeants de banques centrales avaient identifié les problèmes actuels aussi tôt qu’en 2003 »!!!
Dans cette entrevue au Globe and Mail (12 septembre 2008), M. Dodge révèle qu’Allan Greenspan, le président de la Réserve fédérale américaine, les avait prévenus discrètement depuis des années, lui et les autres dirigeants de banques centrales, « qu’un désastre se préparait » dans le secteur immobilier, alimenté par des prêts hypothécaires trop faciles d’accès.
Les propos percutants de M. Dodge tranchaient, selon le journaliste du Globe, avec le discours prudent et optimiste qu’il avait tenu pendant sept ans à la tête de la Banque du Canada. Bien entendu, M. Dodge a maintenant plein de solutions pour faire face à la crise. On se demande pourquoi il ne les a pas proposés et appliqués lorsqu’il avait le pouvoir de le faire!
Alors, qu’en est-il réellement de l’état de l’économie ? Paul Krugman, le prix Nobel d’économie, écrivait dans sa chronique du New York Times du 5 janvier : « N’ayons pas peur des mots : ça ressemble beaucoup au début d’une deuxième Grande Dépression ».
De son côté, le Canard enchaîné du 28 janvier nous invitait à « méditer la dernière analyse de Nouriel Roubini, l’économiste de Chicago qui, le premier, avait prédit la crise financière. La semaine dernière, il affirmait, chiffres à l’appui : Le système bancaire américain est techniquement en état de banqueroute (…) C’est la même chose en Europe. »
Bien entendu, s’il faut en croire Mark Carney de la Banque du Canada, le système bancaire canadien fait bande à part et se porte très bien. C’est sans doute pour cela que le gouvernement canadien va lui racheter pour 200 milliards de dollars de prêts hypothécaires, comme l’annonçait le ministre des Finances Jim Flaherty dans son budget.
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