Gentilly-2 : on se moque de nous

2009/02/05 | Par Philippe Giroul

Le mercredi 28 janvier avait lieu à Bécancour une séance d’information de la Commission canadienne de Sûreté nucléaire (CCSN). Le contenu de cette soirée s’est révélé n’être qu’un pur exercice de relations publiques concocté par cette agence fédérale qui doit présenter publiquement le rapport annuel de ses activités.

À l’ordre du jour : Le rapport de 2007 (et non de 2008) et des propos sur le projet d’Hydro-Québec/Énergie Atomique du Canada de réfection/reconstruction de l’actuelle centrale nucléaire de Gentilly-2.

Parmi la centaine d’auditeurs présents, il y avait des travailleurs silencieux de Gentilly, des citoyens inquiets, des écologistes avertis, des scientifiques, d’ex-travailleurs victimes, quelques journalistes, bref un amalgame de gens qui ont assisté à un simulacre de séance d’information présentée par les 2 experts de la CCSN.

La CCSN se moque de nous

En utilisant la langue de bois, ils ont tenté à plusieurs reprises d’esquiver des questions pertinentes de l’assemblée, en utilisant un discours tarabiscoté et parsemé de données scientifiques difficilement vérifiables.

Cette commission a un mandat très simple : assurer la sûreté et la santé des citoyens vis-à-vis de la production d’énergie nucléaire canadienne. Elle ne remet aucunement en question celle-ci. De plus, elle se dit indépendante et quasi-judiciaire. À l’évidence, rien n’est plus faux.

Est-il besoin de rappeler que l’ancienne présidente, Linda Keen, qui a essayé de protéger les citoyens en ordonnant l’arrêt de la centrale de Chalk River l’an dernier, a été destituée par le ministre Gary Lunn? Est-il aussi  besoin de rappeler que, suite à cette histoire, le ministre a tout de suite modifié le mandat de la CCSN ? Comment peut-elle alors se considérer indépendante?

Mais il y a plus. Lorsqu’un intervenant a posé la question : « Sachant que la centrale de Gentilly-2 représente environ 1,5 % de la production totale d’électricité du Québec et qu’elle n’est donc AUCUNEMENT NÉCESSAIRE, votre mandat prioritaire étant la santé et la sécurité des citoyens, qu’est-ce qui est mieux : une centrale ou pas de centrale ? » , l’experte a tourné en rond en affirmant qu’on respectait les normes. En fait, cette question révèle une vérité cruelle : la CCSN n’a pas le droit de se poser cette question.

À notre connaissance, la CCSN n’a jamais refusé une demande d’autorisation de construction ou de réfection d’une centrale au Canada. Même l’arrêt des opérations des réacteurs nucléaires ontariens dangereux par l’Ontario Hydro a été motivé suite à l’avis d’experts… américains.

Ainsi, contrairement à leurs affirmations, leurs membres « experts » sont totalement dépendants du gouvernement, car ils sont la caution de ce type d’énergie. Le recul scientifique et éthique qu’ils devraient avoir est complètement évacué pour ces raisons.

À preuve, ces experts nient systématiquement les risques et nombreux problèmes connus du nucléaire en prétendant qu’ils ne sont pas pires que de traverser une rue encombrée de véhicules ou de marcher sur un trottoir glacé. Comme sophisme, on a rarement vu mieux.

Le réel mandat de la CCSN est le suivant : distribuer des permis de pollution et de destruction durables sous un vernis d’acceptabilité scientifique. D’ailleurs, à moins qu’une modification ne nous ait échappée, la loi sur les déchets dangereux qui interdit de diluer des produits toxiques pour les rejeter dans l’environnement les aide en ce sens, puisque l’article 10 de cette loi exclut spécifiquement les produits chimiques hautement toxiques et des substances radioactives de G-2 du respect de cette loi. Le principe de précaution qui devrait être à la base du travail de tout scientifique est évacué, ce qui rend leur travail difficilement crédible.

Thierry Vandal se moque de nous

La « réfection » de la centrale de Gentilly-2, selon les estimations non vérifiées de façon indépendante, coûtera au moins 1,9 milliard $. Le président d’Hydro-Québec, M. Thierry Vandal, prétend que, comme il ne s’agit pas d’un nouveau projet, mais de « rénovation » d’un projet existant, il n’est donc nul besoin d’audience du BAPE. Nul besoin non plus d’audience de la Régie québécoise de l’énergie pour déterminer si on a besoin de cette électricité… Il connaît trop bien la réponse.

Comment se fait-il que le président et le conseil d’administration d’une société d’État comme l’Hydro-Québec peuvent décider de cette orientation extrêmement dispendieuse (même ruineuse) et controversée sans être obligés de la faire approuver par l’Assemblée nationale du Québec?

M. Vandal et le gouvernement libéral répondent à ceux qui exigent qu’un débat sur cette centrale nucléaire ait lieu, qu’il y a les audiences publiques de la CCSN qui sont prévues à une date inconnue. Ce sera tout un débat sachant que la CCSN dit toujours oui!

Le gouvernement libéral se moque de nous

À l’automne dernier, le Parti Québécois dans l’opposition a exigé une commission parlementaire sur G-2. Réponse de Jean Charest : NON. Le gouvernement libéral évacue tout débat sur un projet de plus de 2 milliards, nucléaire en plus? À la suite des récentes révélations inquiétantes sur la saga de Shannon (citoyens intoxiqués par l’eau du à l’irresponsabilité de l’armée canadienne et de son fournisseur SNC-Lavalin), les contribuables du Québec et clients d’Hydro-Québec doivent-ils subir cette décision et ne pas s’inquiéter?

La réponse est un grand NON.

Les citoyens ne peuvent pas se fier à ces entourloupettes administratives. Ils n’ont plus qu’un choix : interpeller les politiciens et la population du Québec, pour les exhorter à mettre le holà à cette catastrophe sociale, économique et environnementale appréhendée.

Ils doivent se baser impérativement sur le principe de précaution mis de côté par les experts de la CCSN. C’est un devoir moral incontournable que nos élus doivent respecter en organisant au plus vite un réel débat de société, requis par le BAPE en 2005, afin de voir ce projet discuté sur la place publique, et éventuellement le mettre définitivement au rancart parce que dangereux, trop dispendieux, non prioritaire pour le Québec et ce, avec l’accord d’une majorité de Québécois.

(s) Sébastien Bois, Nadia Bouthillette, Daniel Breton, Michel Duguay, Serge Gadbois, Jean-Pierre Gaudette, Philippe Giroul, Marcel Jetté, Pierre Lambert, Roger Le Jeune, Anne-Marie Liber, Marianne Mathis, Jean-Sébastien Ménard, Jacqueline Trépanier, Jeannine Trépanier.

En appui au  Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire  (plus de 80 organismes sociaux et environnementaux).