L’Équateur vit des moments cruciaux pour son avenir. Le président Rafael Correa est candidat aux élections générales du 26 avril. Comme dans les consultations récentes au Venezuela et en Bolivie, les mécanismes d’ingérence alimentés par le Département d’État nord-américain appuient l’opposition dans tous ses projets.
Alberto Maldonado est un journaliste, chercheur et professeur d’université équatorien connu pour ses analyses du rôle de la grande presse commerciale contre les causes populaires .
Depuis Quito, il partage ses observations.
Le président Correa a déclaré que la démocratie équatorienne est en danger, qu’il y a une conspiration en marche. Qu’y a-t-il de concret dans cette dénonciation? Que sait-on?
À mon avis, ce qu’a dit le président de la république dans sa dernière émission de radio a été une alerte plus qu’une dénonciation. Il a demandé aux Équatoriens d’être aux aguets envers toute tentative de l’opposition réactionnaire pour déstabiliser son gouvernement - ce qui serait aussi déstabiliser la démocratie. Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de la « révolution citoyenne » - le 15 janvier 2007- le Présidente Correa a maintenu son discours rénovateur, de changement. Comme Correa et Alianza País sont allés de triomphe en triomphe - je parle de triomphes absolument démocratiques - la droite grincheuse doit songer à des « mesures plusénergiques ».
Quelle est la stratégie de la droite dans les circonstances?
La droite retardataire, la droite néolibérale, tente d’abord de neutraliser tout mouvement ou tendance par le vote… mais comme elle a perdu la vieille hégémonie qui lui permettait de contrôler le pouvoir au moyen de la démocratie représentative - je dirais électorale - elle essaie alors de bloquer le leader qui propose des changements ou qui lutte contre les inégalités et la corruption.
Cela s’est produit avec Lucio Gutiérrez - de 2003 à 2005 - qui a gagné les élections avec un discours rénovateur, mais qui, à peine avait-il occupé la présidence, a fait la visite classique au maître du nord à qui il a dit être son « meilleur allié ».
Et dans le cas de Correa?
La droite grincheuse a vu son tir lui sortir par la culasse, comme on dit ici. Correa et Alianza País non seulement ont maintenu leur discours de changement anti-néolibéral mais encore ont-ils commencé un processus qui a mené à l’Assemblée constituante et à une nouvelle constitution, approuvée par une vaste majorité au cours d’un referendum populaire.
La droite grincheuse doit penser à des actions de grand impact. La déstabilisation du gouvernement pourrait être à l’agenda de la réaction, avec l’appui extérieur.
En 2002, l’extrême-droite vénézuélienne en est arrivée au coup d’état contre Chavez. Pourrait-on en arriver à cela?
Cela se pourrait. Nous ne pouvons sous-évaluer une telle option, mais je crois qu’un coup d’État militaire ou civil, comme ceux qu’encourageait l’empire dans les années 60 ou 70, est peu probable. L’Équateur a une longue histoire à ce sujet, mais on se rappelle aussi des mobilisations populaires contre des gouvernements despotiques ou antipopulaires. Ce même Lucio a été sorti du pouvoir par une grande mobilisation populaire alors qu’il en était à la moitié de son mandat de quatre ans.
Jusqu’où ira donc la droite?
On ne doit exclure aucun geste. S’ils ne peuvent renverser un gouvernement, ils peuvent également planifier des attentats personnels. N’oubliez pas que Chavez en a vécu six et qu’il y en a eu autour de 600 contre le commandant Fidel Castro. Là-dessus, les nouveaux leaders du socialisme du XXIe siècle doivent multiplier les mesures de sécurité. L’adversaire est extrémiste quand il s’agit de défendre ses intérêts et est capable de n’importe quelle action pour défendre ses intérêts.
On rapporte un complot de services de renseignement qui aurait découvert un lien entre le gouvernement Correa et un prétendu narcotrafic… qu’y a-t-il derrière cela?
C’est un scandale médiatique monté par les services de renseignement colombo-équatoriens et qui a pour but de diffamer l’action patriotique et digne du président Correa, face à l’agression sauvage d’un commando aérien colombo-yankee contre notre pays.
Il y aura un an que s’est produite cette agression le 1er mars prochain. Et Correa est demeuré ferme pour ne pas rétablir les relations avec la Colombie tant que ne sont pas respectées des exigences minimales. Je suis à analyser et à écrire un essai sur le sujet, précisément pour en finir avec le mélodrame. Je peux dès maintenant avancer qu’il s’agit d’un grand mensonge destiné à ébranler le gouvernement de la révolution citoyenne et dieu sait quels autres objectifs. Mais, pour l’instant, le complot semble réduit en bouillie et en être à sa plus simple expression.
Quelle est la plus grande crainte de l’opposition en rapport avec ce scrutin?
Le 26 avril, il ne s’agira pas d’une réélection, mais bien d’une première élection. Je m’explique : Rafael Correa a été élu président aux élections de novembre 2006, selon la constitution alors en vigueur et qui vient d’être remplacée par la nouvelle constitution, rédigée et approuvée par l’Assemblée constituante.
Selon ce document, Correa et tous les autres seront élus comme si c’était la première fois. Il aura donc droit, en 2013, à une réélection pour une nouvelle période, jusqu’en 2017. Et c’est ce qui angoisse l’opposition de droite.
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