Ce coup fumant de la Chambre de commerce que se prépare à nous servir Henri-Paul Rousseau, en étroite collaboration avec le gouvernement Charest, on l’a déjà vu.
En effet, la Commission Bélanger-Campeau sur l’avenir du Québec, mise sur pied en 1990 par le gouvernement de Robert Bourassa avec le soutien du chef de l’Opposition officielle Jacques Parizeau, en a été la première victime.
Et dans les deux cas, la main de l’État Desmarais est bien visible à qui veut bien la voir. Le fil conducteur de ces deux coups est sans contredit un mépris total pour la démocratie et les institutions québécoises.
Un bref rappel : après l’échec de l’accord du Lac Meech, Robert Bourassa et Jacques Parizeau, deux économistes, ont nommé Michel Bélanger et Jean Campeau, deux grands banquiers respectés, pour diriger une commission sur l’avenir du Québec.
L’objectif des deux dirigeants politiques consistait, entre autres, à s’assurer que le milieu d’affaires soit présent et à l’aise dans le débat sur l’avenir du Québec.
Jusque-là, on pouvait avoir l’impression que, à quelques exceptions près, le milieu des affaires n’avait qu’une seule position politique sur cette question, soit celle qu’il partageait avec l’establishment économique canadien concentré à Toronto.
Malgré cet effort de faire plaisir aux hommes d’affaires québécois, sous le leadership de Paul Desmarais, les grands dirigeants d’affaires du Québec ont préféré parler de l’avenir du Québec devant la très malléable Chambre de commerce de Montréal que devant la Commission Bélanger-Campeau.
Ainsi, en prenant la parole devant la Chambre de commerce le 12 février 1991, Paul Desmarais, qui ne manquait pas une occasion pour sermonner le Québec sur les terribles dangers économiques de la souveraineté du Québec, a pu éviter de répondre à des questions que ces deux banquiers, qu’il connaissait très bien, pouvaient lui poser dans le cadre de leurs travaux. Il a pu éviter aussi les questions du secrétaire de la Commission, un dénommé Henri-Paul Rousseau.
À ce moment-là, il avait aussi intérêt à éviter toute question pointue sur le Québec car il venait de liquider ses plus importants investissements au Québec (la Consolidated-Bathurst et le Montréal Trust) pour près de trois milliards de dollars qu’il a ensuite investis partout sauf au Québec. Mais cette stratégie de mépris de la démocratie, lui et son clan ne l’ont jamais oubliée.
Henri-Paul Rousseau, qui ne pouvait ignorer que la Caisse s’en allait vers une catastrophe, a été sauvé par l’État Desmarais qui lui a offert un poste, somme toute, décoratif : vice-président du Conseil. Depuis mai 2008, Henri-Paul Rousseau leur est devenu redevable et pour toujours. Il fera donc ce qu’on lui dit de faire.
Ainsi, le mardi 2 mars, alors que les Québécois piaffent pour savoir ce qui a pu se passer à la Caisse de dépôt pour qu’elle perde 40 milliards de dollars, la Chambre de commerce, présidée, rappelons-le, par nul autre que Hélène Desmarais, annonce que Henri-Paul Rousseau prononcera une conférence sur la Caisse de dépôt le lundi 9, seulement 24 heures avant la rentrée parlementaires à l’Assemblée nationale du Québec.
Il n’était pas surprenant donc que le mercredi 4 mars, à Québec, Monique Jérôme-Forget annonce qu’il n’y aura pas de Commission parlementaire sur la catastrophe de la Caisse de dépôt. Elle a pris la peine de dire qu’elle « est en mode solution maintenant » et que « la gouvernance de la Caisse de dépôt est bonne ».
En deux temps deux mouvements, le gouvernement Charest et ses maîtres espèrent avoir mis la crise de la Caisse derrière eux.
Voilà ce qui se passe quand l’État Desmarais a ses deux mains sur le volant.
Robin Philpot est l’auteur de Derrière l’État Desmarais : Power (Les Intouchables 2008)