Hécatombe en santé et sécurité au travail

2009/04/21 | Par Marc Laviolette

En 2007, c’est plus de 150 000 travailleurs qui ont été victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles et qui ont reçu des prestations de la Commission de la santé-sécurité au travail (CSST). Quand on sait qu’il y a 188 000 employeurs inscrits à la CSST, c’est presque chaque employeur qui a son accidenté du travail à chaque année.

La situation est aussi dramatique chez les jeunes. Selon la CSST, c’est 20 000 travailleurs de 24 ans ou moins qui se blessent au travail chaque année. Certains en meurent, en moyenne, un par mois alors que d’autres gardent des séquelles de ces lésions toutes leur vie. Selon la CSST, chaque jour, 55 accidents surviennent et chaque semaine deux jeunes sont amputés.

En 2008, 195 personnes ont perdu la vie au Québec à cause d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, selon un document publié par la CSN pour le 28 avril, jour de commémoration des travailleurs et travailleuses morts au travail.

Le secteur de la construction demeure toujours le plus meurtrier : 39 morts en 2008.

Tous les secteurs sont touchés par les accidents de travail dont 40 % sont des troubles musculo-squelettiques (tendinites, bursites, épicondylites…). Le document de la CSN trace le portrait suivant : la forêt (9 729 lésions avec absence), le papier (12 911 lésions avec absence), l’administration municipale (39 048 lésions avec absence), les abattoirs (20 061 lésions avec absence), les entrepôts (2 816 lésions avec absence), l’imprimerie (7 855 lésions avec absence), les communications (6 534 lésions avec absence), les magasins d’alimentation (24 236 lésions avec absence), la transformation du métal (43 671 lésions avec absence), les mines (5 997 lésions avec absence), l’enseignement (25 489 lésions avec absence), le réseau de la santé (76 982 lésions avec absence), la construction (43 877 lésions avec absence) et les garages automobiles (14 105 lésions avec absence). Une véritable hécatombe!!!

Pour tenter d’y mettre fin, le gouvernement du Parti Québécois a adopté en 1979 la loi sur la santé-sécurité au travail. Cette loi, basée sur le paritarisme, c'est-à-dire la prise en charge de la santé-sécurité par l’employeur et les travailleurs et leur organisation syndicale, vise l’élimination du danger à la source.

Pour y arriver, elle oblige la mise sur pied, dans les entreprises de 50 travailleurs et plus, d’un comité paritaire de santé-sécurité, un programme de prévention, un programme de santé et la nomination par les travailleurs d’un représentant à la prévention.

Pour étendre l’application de la loi à l’ensemble des secteurs économiques, la CSST les a regroupés en six secteurs prioritaires. Cependant, en 1985, le Conseil du Trésor bloqua la mise en application de la loi au secteur prioritaire numéro 3. C'est-à-dire, au secteur qui touchait directement les finances publiques : les services publics.

L’effet de cette décision aujourd’hui est que 85 % des travailleurs et travailleuses du Québec ne sont toujours pas couverts par les outils de prévention prévus à la loi.

Malgré les campagnes unitaires du mouvement syndical au Québec, malgré les poursuites devant les tribunaux, malgré les coûts faramineux (1,7 milliard de prestations par année) et les pertes de productivité en jours perdus par année pour les employeurs, le gouvernement et le patronat québécois bloquent toujours la mise en œuvre pleine et entière de la loi.

Au Québec, pour couvrir les 188 000 employeurs, il n’y a que 300 inspecteurs qui, lorsqu’ils prennent un employeur en défaut, administrent des amendes ridicules. Par exemple : causer la mort d’un travailleur coûte 5 000 $ pour une première offense. Un véritable scandale!

Pourtant, en cette période de récession économique où on voit les coûts de production de l’industrie américaine s’effondrer sous le poids des primes d’assurance-santé parce qu’il n’y a pas de système public de santé aux États-Unis, les employeurs du Québec auraient intérêt eux aussi à diminuer la charge économique des accidents du travail sur leurs coûts de production par une pleine application des instruments de prévention prévus à la loi. Pour se faire, le gouvernement du Québec devrait relancer la mise en application de la loi dans tous les groupes prioritaires au plus tôt.