L’auteur est ex-conseiller municipal du Rassemblement des citoyens de Montréal et membre de Projet Montréal
L’ex-ministre péquiste Louise Harel a réitéré son intention, lors du congrès du parti municipal montréalais Vision Montréal tenu en fin de semaine dernière, de lancer un mouvement politique citoyen pour faire campagne en faveur de la « recentralisation » des structures politico-administratives de Montréal.
Elle veut en quelque sorte revenir au modèle établi dans la mouture initiale de la réforme municipale dont elle a été, au début des années 2000, la principale architecte en tant que ministre des Affaires municipales dans le gouvernement Bouchard.
On se souvient que le processus de réorganisation des structures municipales a d’abord donné lieu à la fusion sans consultation des 29 municipalités de l’île de Montréal en une mégaville à compter du 1er janvier 2002.
Une réforme semblable s’est aussi appliquée dans plusieurs autres régions du Québec, notamment sur la Rive-Sud de Montréal, à Québec, au Saguenay, dans l’Outaouais, à Trois-Rivières et à Sherbrooke.
Mais les libéraux ont fait adopter, dès leur arrivée au pouvoir au printemps 2003, une loi prévoyant la tenue de référendums - qui ont eu lieu en juin 2004 - permettant aux municipalités récemment fusionnées de retrouver leur statut d’entités autonomes.
Entre-temps à l’automne 2003, le gouvernement Charest a fait adopter une deuxième loi, celle-là spécifique à Montréal. Cette dernière (la loi 33) octroyait aux futurs arrondissements de la ville - y compris les neuf districts de l’ancienne - les pouvoirs de quasi-villes allant même jusqu’à confier leur direction à des maires élus au suffrage universel.
Adopté à la demande de l’administration Tremblay, cet amendement à la Charte de Montréal avait pour but d’inciter les citoyens de la banlieue ouest, dont les municipalités avaient été fusionnées contre leur gré, à demeurer au sein de la nouvelle mégaville.
Mais cette manoeuvre a échoué en grande partie puisque 15 d’entre elles ont quand même succombé à la tentation de se défusionner et ces dernières ont retrouvé leur personnalité juridique le 1er janvier 2006.
Un exercice de décentralisation vicié
Ce qu’il faut comprendre de cette opération peu orthodoxe, c’est que l’objectif qui aurait dû normalement guider un tel exercice de décentralisation a été vicié pour des motifs de stratégie référendaire.
Elle n’a pas été effectuée en effet pour rapprocher les citoyens des centres de décisions en matière de dispensation des services de proximité comme cela aurait normalement dû être.
Mais elle a octroyé des pouvoirs trop étendus aux élus des arrondissements potentiels afin que ces derniers se servent de leur notoriété pour infléchir le choix de leurs concitoyens en faveur de la mégaville.
Avec leur opportunisme à courte vue, les apprentis sorcier qui nous gouvernement à Québec comme à Montréal n’ont pas hésité à détourner à des fins purement politiciennes une conception démocratique fort légitime de l’organisation de la cité de nature à favoriser la participation citoyenne.
En agissant ainsi nos gouvernants se croyaient fort habiles. Non seulement leur stratagème a-t-il fait long feu, mais ils ont introduit dans les structures de Montréal les germes d’une balkanisation qui affaiblit beaucoup la ville centre.
De plus, plutôt que d’aider à mettre sur pied des structures de participation citoyenne et à leur donner droit de cité, les maires d’arrondissement, en véritables barons locaux, se sont dotés, à grands frais, de cabinets politiques au lieu de favoriser la mise sur pied de structures de participation citoyenne.
Un seul arrondissement sur 19, le Plateau-Mile End, a accordé une certaine importance à la participation citoyenne en donnant le feu vert à l’élaboration d’un modeste budget participatif.
Voilà l’exemple d’une décentralisation ratée. C’est malheureux parce qu’il s’agissait d’une première expérience qui risque de discréditer pour longtemps cette forme de gouvernement indispensable, selon moi, à l’instauration d’une véritable démocratie participative
Élargir le débat
À la veille de la campagne électorale municipale, il est urgent d’élargir le débat si l’on veut que les correctifs à apporter à la situation fassent partie du programme des partis en lice et deviennent un enjeu important du débat public d’ici le scrutin du 1er novembre.
Contrairement à Mme Harel, qui semble imputer à la décentralisation presque tous les maux dont souffre Montréal, j’affirme que la désorganisation municipale actuelle dépend de bien d’autres facteurs et que tous les paliers de la gouvernance doivent être passés au crible de la discussion et de la réflexion.
S’il faut en effet, lors du mandat 2009-2013, que les élus réexaminent attentivement la répartition des pouvoirs entre la ville centre et les arrondissements - et surtout suppriment la fonction de maire d’arrondissement - le temps est d’apporter les correctifs qui s’imposent aux autres paliers.
Il faut notamment que le conseil d’agglomération, qui gère plus 60 % du budget de Montréal, cesse d’être sous le contrôle quasi absolu du maire de la métropole et de sa garde rapprochée.
Dans ce but, il faut que tous les membres du conseil municipal de Montréal y siègent en plus des représentants des 15 municipalités reconstituées. Il faut aussi transférer les pouvoirs du comité exécutif siégeant à huis clos à des commissions permanentes composées des membres du conseil et siégeant publiquement.
Au niveau de la ville, la même réforme s’impose dans le cas du comité exécutif dont les responsabilités, augmentées jadis par la ministre Harel, devraient être transférés progressivement à des commissions permanentes composées de conseillers, y compris la préparation du budget. Ces dernières feraient rapport directement de leurs travaux au conseil.
On redonnerait ainsi à ce dernier son statut d’instance décisionnelle suprême et on réhabiliterait la fonction de conseiller. On établirait aussi un contrepoids à la concentration des pouvoirs entre les mains de quelques dirigeants.
On mettrait fin également à cet anachronisme antidémocratique qu’est le huis clos. Ce serait le gage d’une administration honnête. Fini l’octroi de juteux contrats aux firmes, amies du régime, qui souscrivent de façon occulte à la caisse électorale du parti au pouvoir.
La démocratisation des institutions municipales - complètement ignorée par les réformes péquiste et libérale - est un autre question prioritaire.
L’instauration d’un mode de scrutin proportionnel faisant en sorte que chaque vote compte et que les résultats électoraux traitent équitablement tous les partis en lice s’impose d’emblée. L’ensemble du cadre électoral doit aussi être réexaminé (redécoupage de la carte électorale, composition du conseil municipal et de celui des arrondissements, etc.). La révision du mode de financement des paris politiques est certes aussi une priorité.
Un gouvernement régional?
La réforme municipale de 2000 avait pour but principal de renforcer les principales capitales régionales du Québec en leur fusionnant des dizaines de municipalités voisines.
Elle a généralement été couronnée de succès à l’exception notable de la région métropolitaine parce qu’avec sa politique mur-à-mur le gouvernement péquiste n’a pas tenu compte de la spécificité de cette dernière.
En fait, le gouvernement Bouchard a dit non à la gouvernance métropolitaine même si, au cours de la décennie 1990, toutes les études avaient préconisé la création d’institutions métropolitaines fortes permettant de pallier la fragmentation institutionnelle de la région.
Un consensus s’était établi pour que la réorganisation s’effectue à l’échelon de la région métropolitaine tout en maintenant les municipalités pour la gestion de proximité.
En 2000 avec loi 170, Québec a préféré découper la région en trois blocs : la mégaville de Montréal sur son île centre, Longueuil et la couronne sud, Laval et la couronne nord.
Auparavant, il avait créé un organisme de planification, la Communauté métropolitaine, pour regrouper les 82 municipalités de la région.
Plusieurs indices tendent à démontrer que ce type de structure ne réussit pas à renforcer la région métropolitaine, mais a plutôt tendance à l’affaiblir à cause de la division qui règne constamment entre les divers blocs.
Le temps semble venu de remettre en discussion les propositions de la décennie 1990. Pourquoi, par exemple, ne transformerait-on pas la Communauté métropolitaine en un gouvernement régional et que son président ne serait pas élu au suffrage universel?
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