Comme certains commentateurs ont commencé à le souligner, les effets à long terme de la crise économique actuelle se feront sentir bien davantage sur la scène politique que sur la vie économique des nations.
Tout comme la grande dépression de 1929 a amené le remplacement du laisser-faire caractéristique des années '20 par l'instauration du « New Deal » de FDR, lequel redonna à l'État sa prédominance jusqu'à la montée du néo-libéralisme de l'ère Reagan-Thatcher, la grande récession actuelle ramènera la prééminence du politique sur la dominance des marchés.
Ce nouvel épisode est d'ailleurs tout à fait conforme à l'évolution de nos sociétés modernes où l'on voit constamment se succéder les périodes où dominent les forces économiques et celles où c'est l'État qui tient le haut du pavé.
En effet, dans nos sociétés démocratiques, les lieux de pouvoirs sont multiples et en constante compétition entre eux, et, comme un balancier, la prédominance va continuellement d'un extrême à l'autre. Après une vingtaine d'années de parcours vers la droite, le balancier repart maintenant vers la gauche.
Plusieurs évènements se combinent pour assurer la persistance de cette nouvelle direction au cours des prochaines années. Il y a d'abord la faillite des forces du marché qui, laissées à elles-mêmes, appellent maintenant l'État à leur aide.
Puis, il y a le déséquilibre, de plus en plus intolérable, dans la distribution des avantages de la mondialisation entre les riches et les pauvres, ce qui explique l'arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche, surtout en Amérique latine.
Enfin, il y a le réchauffement climatique dont la solution exige une action gouvernementale concertée à l'échelle internationale. Seuls les États sont en mesure de résoudre ces problèmes universaux.
Cette résurgence de l'État à travers le monde aura de profondes répercussions sur l'avenir de nos sociétés en général et sur celle du Québec en particulier.
L'une de ces conséquences sera la revalorisation des processus et des acteurs politiques. Lorsque les forces économiques prédominent et que l'État doit se contenter d'un second rôle, les processus politiques ont tendance à se dégrader et les acteurs politiques à perdre de leur influence.
La corruption refait surface et la confiance dans le personnel politique diminue. N'ayant pas de grands objectifs à poursuivre, l'État perd en quelque sorte sa raison d'être et les citoyens s'en désintéressent.
Nous vivons présentement cette période au Canada et au Québec. Sur la scène constitutionnelle, tout semble bloqué, tant au Canada qu'au Québec. La lutte aux changements climatiques se bute aux intérêts pétroliers de l'Ouest.
Même la redistribution de la richesse au moyen de la péréquation est coupée unilatéralement, voire même remise en question. Les scandales, petits et grands, se font de plus en plus nombreux et la participation électorale diminue.
Les plus vieux d'entre nous se rappelleront la déliquescence des processus politiques sous Maurice Duplessis et comment la Révolution tranquille, en remettant l'État à la tête de notre devenir, a conduit à un assainissement de nos mœurs politiques et à la naissance d'une ou deux générations d'hommes et de femmes politiques hors du commun.
La fonction crée l'organe et l'habit fait le moine. Non seulement une société a, comme on dit, le gouvernement qu'elle mérite, mais elle réussit normalement à se donner le gouvernement dont elle a besoin pour mener à bien les projets qu'il lui tient à cœur de réaliser.
Déjà on sent partout une aspiration pour plus de dynamisme et de leadership à tous les niveaux politiques. On recherche les visions d'ensemble, les objectifs à long terme, les projets mobilisateurs, et les hommes et les femmes capables de les formuler et de les mettre en œuvre.
Ceux et celles qui réussiront à répondre à ces attentes seront ceux et celles qui dirigeront nos destinées dans les années à venir. La résurgence du politique leur en donnera l'occasion et les moyens.
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