La lettre récente de Pierre Curzi au Devoir sur l’anglicisation de Montréal a suscité mon attention. M. Curzi y souligne le recul du poids démographique de la langue maternelle française qui a dégringolé de plus de 10 % dans les dernières quarante années.
Il associe ce fait principalement au départ de nombreux francophones pour les banlieues et appelle ceux-ci à revenir sur l’île! Si une analyse à partir des stratégies individuelles a du sens, il n’en reste pas moins qu’on peut aussi regarder comment certaines politiques publiques et subventions gouvernementales jouent dans ce processus d’anglicisation. Je prendrai ici l’exemple des subventions aux universités pour attirer des étudiants étrangers.
On sait qu’à l’automne dernier, le gouvernement du Québec proposait de subventionner nos universités pour attirer des étudiants étrangers à venir s’installer ici afin de combler les déficits prévus de main-d’œuvre qualifiée. Or qui va attirer le plus grand nombre d’étudiants étrangers à Montréal, sinon Mc Gill?
Les universités francophones ont accepté le fait sans broncher parce que Québec allait les compenser pendant quelques années! Mais pourront-elles, à partir du petit bassin d’étudiants moins fortunés des pays francophones de l’Afrique du Nord, rivaliser avec les universités anglophones? Ou bien, devront-elles, pour suivre ce courant, se mettre à dispenser leur enseignement en langue anglaise, comme ce que vient de commencer à faire l’UQAM en sciences de la gestion?
Ainsi, c’est à partir de subventions provenant de nos taxes et impôts que les quartiers limitrophes de Mc Gill comme le Plateau Mont-Royal deviennent petit à petit des quartiers où la vie se passe principalement en anglais.
En tant que résidente de longue date du Plateau, je peux témoigner de cette évolution sur une vingtaine d’années à coup de publicité du service des résidences de l’Université Mc Gill nous demandant de loger leurs étudiants-es.
Et à plus forte raison, maintenant que le Plateau est devenu un des quartiers branchés de Montréal, les étudiants et étudiantes étrangers arrivent au service d’accueil de Mc Gill, guide touristique au poing, exigeant de loger sur le Plateau, m’a raconté une personne qui y a travaillé.
Et alors que le ghetto Mc Gill prend progressivement de l’expansion dans nos anciens quartiers francophones, les étudiants et étudiantes moins fortunés de l’UQAM sont poussés vers les quartiers moins chers que sont Hochelaga-Maisonneuve ou Rosemont.
Un autre court exemple dans le domaine des spectacles pour montrer comment nous subventionnons directement l’anglicisation de Montréal. À la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal se tient présentement une exposition d’œuvres de deux photographes ontariens dans le cadre du « Mois de la photo ».
Or, la présentation des œuvres en fond sonore est entièrement en anglais. Non, aucune traduction, seulement un court document de présentation sur deux pages en français. Plusieurs institutions francophones dont la Galerie de l’UQAM participent pourtant à cet évènement!
Pouvons-nous demander aux francophones de revenir sur l’île quand la vie s’y passe de plus en plus en anglais! Regardons donc plutôt ce problème bien réel de l’anglicisation de Montréal sous l’angle des politiques de subvention, que celles-ci proviennent du gouvernement provincial, des organismes municipaux ou d’organisations privées.
Ça n’est pas seulement le poids démographique des francophones qui est en péril à Montréal mais l’existence même de nos institutions francophones. Belle question de débat entre les partis pour la prochaine élection municipale!
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