L’auteur est coordonnateur pour la Coalition SOS-Pronovost
L’agriculture au Québec est en crise et son effondrement risque d’avoir des conséquences aussi désastreuses que celui de l’effondrement de l’industrie forestière.
Personne ne conteste plus les constats du rapport de la Commission Pronovost et du rapport Saint-Pierre. La plupart des productions (porc, bœuf, agneau, céréales, productions émergentes) sont déficitaires année après année et ne survivent que par l’aide financière des gouvernements ou par des revenus d’appoint.
La Financière agricole a versé l’an dernier près de 800 millions $ pour la stabilisation du revenu de ces productions, dont 433 millions pour les producteurs de porcs seulement, et 85% de ces montants sont allés à 15% des producteurs, les plus gros naturellement, alors que des milliers d’autres, souvent les plus méritants, n’ont rien reçu.
Quant aux productions sous gestion de l’offre (lait, volaille, œufs), qui totalisent 40% de la production totale, le prix spéculatif des quotas (présentement autour de 25,000 $ pour une vache et 2$ pour une volaille) pose un grave problème de transfert des fermes, qui passent rapidement aux mains de quelques grands intégrateurs. Au total, le soutien annuel des deux gouvernements aux agriculteurs québécois se situe autour de 2 milliards.
L’Union des producteurs agricoles réclame que le gouvernement québécois, en plus d’absorber le déficit actuel de la Financière agricole (plus d’un milliard $), double, et même triple, son budget, qui était de 305 millions par année depuis 5 ans, de façon à maintenir et même étendre les programmes de stabilisation des revenus actuels.
S’appuyant sur une recherche qu’elle a commandée, l’UPA fait valoir qu’une diminution du soutien financier à l’agriculture entraînerait des pertes d’emplois et des fermetures d’entreprises et de villages aussi considérables que la crise forestière ou la crise automobile, et que les fonds consentis pour maintenir nos entreprises agricoles sont «un investissement dans l’économie et dans l’occupation dynamique du territoire », puisque l’ensemble de l’industrie agro-alimentaire génère, selon cette étude, 175,000 emplois directs, indirects et induits, 13 milliards $ en valeur et 2 milliards $ en impôts québécois, ce qui serait supérieur aux retombées de secteurs comme la forêt, la construction et même l’hôtellerie et la restauration.
Nous sommes en général d’accord pour aider des secteurs industriels en crise qui, comme les secteurs forestier ou automobile, sont vitaux pour des centaines de communautés, mais dans une mesure raisonnable et à condition que cet argent serve à corriger les erreurs passées et à réorienter et restructurer ces industries de façon à restaurer leur rentabilité.
C’est ce que le discours de l’UPA ne dit pas: soutenir oui, mais pour réorienter, pas pour continuer à produire à perte.
Le rapport Pronovost et le rapport Saint-Pierre ont clairement démontré que «les problèmes de la plupart des productions agricoles sont structuraux et qu’il est illusoire d’espérer les résoudre par la simple reconduction des programmes d’aide financière actuels ou par l’accroissement des budgets qu’on y consacre. »
Ils ont démontré que les programmes actuels, basés sur les volumes illimités de production à prix garanti, incitent les producteurs à surproduire, même lorsque les conditions du marché sont défavorables et même lorsque la capacité de support de l’environnement est dépassée. C’est exactement ce qui se passe présentement dans l’industrie porcine et le maïs.
Les programmes de soutien que proposent Pronovost et Saint-Pierre et que le gouvernement semble disposé à implanter sans délai visent précisément à réorienter notre agriculture pour lui redonner vie partout au Québec.
Ils privilégient des mesures qui visent à stabiliser le revenu global des entreprises sans égard au type de production, à augmenter la responsabilité de l’agriculteur et la capacité concurrentielle de son entreprise, à reconquérir nos marchés intérieurs, à favoriser le développement d’une agriculture et d’une alimentation de proximité et de plus-value, profitable à l’environnement, aux communautés locales et aux consommateurs.
La transition ne pourra se faire sans turbulences. Mais dans le débat qui risque de s’envenimer au cours des prochaines semaines, le public ne doit pas être dupe de la complainte des dirigeants de l’UPA et le gouvernement doit résister à leurs pressions.
Le statu quo est insoutenable. La réforme est dans l’intérêt de tous, y compris des agriculteurs et des consommateurs, qui sont depuis trop longtemps captifs d’un modèle dépassé.
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