« Finances publiques : Le Québec se dirige vers un mur », titre La Presse de ce matin (15 décembre 2009) en référence à une étude produite, à la demande du ministre des Finances Raymond Bachand, par les économistes Claude Montmarquette, Pierre Fortin, Robert Gagné et Luc Godbout.
Selon ces quatre cavaliers de l’Apocalypse, le Québec vivrait au-dessus de ses moyens parce qu’il offre 26% plus de services à ses citoyens que l’Ontario, même s’il est plus pauvre de 14%. À ce spectre de la dette, les économistes agitent celui de son frère jumeau : le vieillissement de la population.
Tout cela, bien entendu, est de la musique aux oreilles du gouvernement Charest, dans le cadre de ses négociations avec le Front commun.
Et on peut parier que les animateurs de lignes ouvertes, les chroniqueurs et les éditorialistes des grands médias vont s’en donner à cœur joie au cours des prochains jours pour l’enfoncer dans la gorge des dirigeants et des membres du Front commun.
Que ces quatre économistes « prestigieux » soient arrivés aux résultats attendus par le gouvernement ne devrait pas nous surprendre. Claude Montmarquette et Pierre Fortin viennent de recevoir un financement de 6 millions du gouvernement Charest pour leurs travaux dans le domaine des politiques publiques.
Robert Gagné, de l’Institut d’économie appliquée (IEA) des HEC Montréal sur la productivité a reçu du gouvernement 6 millions sur quatre ans. Enfin, Luc Godbout de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, vient de recevoir une contribution financière de 5 millions de dollars pour les cinq prochaines années.
Cependant, une simple lecture du compte-rendu publié aujourd’hui dans les médias du rapport de ces quatre « économistes-mercenaires » démontre le peu de sérieux de leurs études.
En même temps qu’ils affirment que le Québec est trop endetté parce qu’il offre 26% plus de services que l’Ontario, ils nous disent que les lits d’hébergement sont financés à 100% au Québec par le gouvernement provincial, alors que le gouvernement ontarien n’en finance aucun, ceux-ci étant à la charge des municipalités.
Alors, messieurs, si vous voulez effectuer une véritable comparaison Québec/Ontario, il vous faudrait comparer la dette combinée province/municipalités des deux provinces. Autrement dit, des pommes avec des pommes, des oranges avec des oranges.
On les invite aussi à lire, dans le même journal, la chronique de Claude Picher pour avoir l’heure juste sur la « richesse » de l’Ontario. Picher rappelle que l’Ontario prévoit un déficit de « 25 milliards, ce qui est énorme, même pour une province comme l’Ontario. Et ce n’est pas fini : au cours des deux exercices suivants, on prévoit de nouveaux déficits de 21 milliards et de 19 milliards, chiffres qui risquent eux aussi d’être dépassés ».
Enfin, on a quelques autres suggestions de lecture pour la période des vacances, pour nos économistes. Le dernier livre de Jacques Parizeau qui parle abondamment de la dette et du vieillissement de la population mériterait de se retrouver sous leur arbre de Noël.
Monsieur Parizeau rappelle que l’ampleur du déficit découle directement de la décision d’Ottawa de régler le sien en sabrant dans les transferts aux provinces avec comme résultat qu’Ottawa a nagé dans les surplus pendant de nombreuses années alors que le Québec se démenait pour équilibrer son budget.
Jacques Parizeau dénonce également la peur en l’avenir entretenue par le groupe des Lucides, dont font partie nos quatre « économistes ». À les écouter, écrit-il, l’État québécois n’aura bientôt plus les moyens de rien à cause du vieillissement de la population. « Selon eux, les huissiers frappent à la porte », écrit-il en se moquant.
L’ancien premier ministre démontre le peu de crédibilité que présentent leurs calculs qui reposent sur de fragiles hypothèses. Par exemple, leur scénario démographique se base sur une projection de 2003 qui estime la population jusqu’en 2051. Or, avec l’actuel mini baby-boom, largement expliqué par le programme de congé parental, la donne a complètement changé. Les récentes projections invalident leur scénario catastrophe.
Enfin, soulignons que les 17 millions accordés par le gouvernement à nos « économistes-mercenaires » auraient pu servir à bien meilleur escient. Pour ne donner qu’un exemple, la réduction de 32 à 27 élèves de la taille maximum des classes de 1re secondaire en milieux défavorisés coûterait un peu plus de 13 millions $.
Avec son effet sur le décrochage scolaire – que M. Fortin, un spécialiste de la question, pourrait facilement quantifier – la « productivité » d’une telle mesure serait encore plus considérable. Et nous sommes par mal sûrs que M. Parizeau– qui fait une priorité de la lutte contre le décrochage – applaudirait des deux mains.
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