Faire de la place pour les étudiants étrangers fortunés
par Pierre Dubuc
Dans le discours du Trône prononcé le 8 mars, le gouvernement de l’Ontario fait reposer la reprise de l’économie de la province sur l’attraction d’étudiants étrangers. Le premier ministre Dalton McGuinty annonce l’intention de la province de créer les conditions pour attirer 20 000 étudiants de plus dès l’an prochain dans les collèges et les universités de la province.
Il ambitionne d’augmenter de 50 % le nombre des élèves étrangers au cours des cinq prochaines années. L’Ontario prend pour modèle l’Australie où l’éducation internationale est aujourd’hui la troisième industrie du pays.
La province compte déjà près de 38 000 étudiants internationaux inscrits dans les programmes post-secondaires. On calcule qu’ils dépensent un milliard de dollars par année pour se loger, se nourrir et se vêtir.
Selon The Globe and Mail, une étude du ministère des Affaires étrangères établit à 178 000 le nombre d’étudiants étrangers au Canada en 2008. Ils auraient dépensé 6,5 milliards de dollars.
Pour l’ensemble du Canada, on retrouve en tête de liste les étudiants chinois et coréens, suivis des Américains. Mais, ô surprise, s’installeraient en quatrième place les étudiants en provenance de l’Arabie saoudite. Autour de 10 000 d’entre eux seraient inscrits dans des institutions canadiennes.
Au cours des deux dernières années, le Canada est devenu la troisième destination la plus populaire pour les étudiants en provenance d’Arabie saoudite, après la Grande-Bretagne et les États-Unis. Le choix du Canada est en progression parce qu’il y est plus facile d’obtenir un visa qu’aux États-Unis.
Le gouvernement saoudien défraye les coûts des programmes d’études, les dépenses courantes et un voyage aller-retour en Arabie saoudite par année. Des montants supplémentaires sont prévus pour les femmes et les enfants. Quant aux étudiantes, régime islamique oblige, elles doivent être chaperonnées par un homme, souvent leur mari ou un frère.
Que l’« industrie » des étudiants étrangers soit la troisième industrie de l’Australie et que l’Ontario la considère comme le principal moyen de sortie de la crise économique, nous amènent à resituer dans un autre contexte l’extraordinaire pression exercée pour augmenter les frais de scolarité au Québec.
Qu’une telle décision réduise l’accessibilité aux études des enfants des classes populaires et même de la classe moyenne n’inquiète pas outre mesure les administrateurs de ces institutions si ceux-ci comptent sur une clientèle étrangère fortunée pour leurs inscriptions.
Au contraire même, la diminution de la clientèle indigène peu fortunée réduit leurs dépenses – et augmente donc leurs revenus – en ne les obligeant pas à agrandir les locaux mis à la disposition des étudiants.
On comprend mieux également la décision de l’Université McGill de contrevenir cavalièrement aux lois québécoises en exigeant des frais de scolarité de 30'000 $ par année pour un MBA.
Cela expliquerait également la volonté des universités francophones d’offrir de plus en plus de cours en anglais pour attirer une clientèle étrangère.
La question des frais de scolarité et de l’accessibilité aux études supérieures est à revoir dans une toute autre perspective. Mondialisation oblige.