Si les révélations de l'avocat Marc Bellemare à l'effet que les grands financiers du PLQ ont leur mot à dire dans la nomination des juges au Québec s'avèrent fondées, il faudra en conclure que Jean Charest n'apprend pas de ses erreurs.
Il faut savoir que ça fait au moins 20 ans que Jean Charest joue avec le feu en entretenant des relations fort particulières avec le judiciaire. Dès 1990, ce dernier a dû abandonner le poste de ministre de la Jeunesse et du Sport amateur qu'il occupait dans le cabinet conservateur de Brian Mulroney, et ce, parce qu'il s'était permis de téléphoner au juge Macerola pour défendre l'entraîneur Marc St-Hilaire, dont il jugeait injuste l'exclusion de l'équipe canadienne aux Jeux du Commonwealth. L'avocat Charest devenu ministre ne semblait alors pas comprendre l'importance de l'indépendance du judiciaire eu égard au politique. Malheureusement pour lui, il est tombé sur un juge plus zélé que les autres, juge qui ne tolérait absolument pas les pressions politiques et qui a, à cause de cela, dénoncé publiquement Charest. De ce fait, ce dernier a dû démissionner.
Le chroniqueur Yves Boisvert indiquait, à la suite de la plus récente sortie de Marc Bellemare, que la pratique voulait que les gouvernements ne choisissent pas nécessairement les meilleurs candidats pour occuper les fonctions de juge. L'important étant de choisir des candidats compétents, certes, mais provenant de l'intérieur du même camp politique. Pratique qui a toujours semblé plaire à la gang à Charest.
En 1991, Léo Daigle et Paul-Marcel Bellavance ont été nommés juges à la Cour supérieure. Jusque-là, rien d'anormal. Mais le dossier devient plus inquiétant dès que l'on souligne le fait que Daigle a été des années durant (avant de devenir juge, bien sûr) un organisateur politique de Jean Charest. Bellavance, quant à lui, avait jusque-là occupé le poste de président de circonscription pour les conservateurs à Sherbrooke. Il s'agit ici de deux hommes qui étaient des militants de Jean Charest.
Dans le livre qu'il a consacré en 1998 à Jean Charest, l'éditorialiste actuel de La Presse, André Pratte, notait qu'un grand nombre de personnes affirmaient à l'époque que les deux hommes avaient été nommés juges grâce à Charest, lui qui voulait ainsi les remercier pour services rendus. Était-ce vrai ou pas que le système nommait de manière aussi grossière des amis du régime afin qu'ils le servent plus loyalement? Dans ce cas-ci, seul Charest et quelques initiés le savent vraiment. Mais une chose demeure et c'est que les apparences jouaient alors très durement contre Charest. Et cela, le juge Bellavance le saisissait très bien. Voici d'ailleurs ce qu'écrivait Pratte après avoir demandé au juge Bellavance s'il devait sa nomination à Charest : « Le malaise est palpable ». Si c'est Pratte qui le dit, ça doit être vrai. Car, comme on le sait tous, il n'y a que la vérité qui sort de la bouche des agents de Gesca.
Et en 2010, la malaise est tout aussi palpable. S'il fallait que Marc Bellemare soit à même de prouver ses dires et selon lesquels un odieux trafic d'influence serait organisé dans les plus hautes sphères du Parti libéral du Québec afin que certains amis du régime, par le truchement de divers stratagèmes tous plus condamnables les uns que les autres, mettent la main sur les fonctions les plus lucratives et prestigieuses, Jean Charest n'aurait alors d'autre choix que de rentrer enfin chez lui, la queue entre les jambes.
Afin de faire la lumière dans ce dossier, le premier ministre qu'il est doit dès maintenant permettre à Marc Bellemare - et aux autres qui ont des choses à dire - de s'exprimer dans le cadre d'une commission d'enquête dont le mandat doit concerner non pas seulement la nomination des juges au Québec ou l'industrie de la construction, mais bien le financement du Parti libéral du Québec dans son ensemble. Il n'y a qu'ainsi que les citoyens pourront retrouver un semblant de confiance en ceux qui gèrent présentement les affaires de l'État. Si Charest s'y refuse, il est fini. C'est aussi simple que ça.
Et après avoir gravité autour d'hommes qui usent de leur puissance financière pour influencer de manière néfaste le monde de la politique (les Desmarais, Sam Pollock et compagnie), après avoir participé à la grande tricherie fédéraliste de 1995, après les rumeurs de pont d'or ayant servi à le convaincre de s'en venir à Québec faire la lutte aux séparatistes en 1998, après l'histoire des résidences qu'il n'a pas les moyens de se payer sans le salaire secret d'au moins 75 000$ qu'il touche depuis 10 ans, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'après tout ça, le départ du politicien Charest en ferait sourire plusieurs.
À Jean Charest, donc, j'espère bientôt pouvoir dire : bon débarras !
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