Des leaders syndicaux s'expriment
Propos recueillis par Maude Messier
Pour souligner le 1er mai, l’aut’journal propose une réflexion sur la situation des travailleuses et des travailleurs au Québec. Voici quelques commentaires et déclarations recueillis dans différents syndicats interrogés sur la question.
Teamsters Canada
«Chez-nous, le 1er mai, c’est agir. Agir localement pour trouver des solutions concrètes pour les travailleurs et les travailleuses qui se retrouvent sans emploi. Mais agir collectivement aussi, et sensibiliser la population québécoise à cette question fondamentale: quelle genre de société souhaite-on pour le Québec de demain?», déclare Stéphane Lacroix, directeur des communications pour les Teamsters. Rappelons que 150 travailleurs de l’Usine Olymel d’Iberville perdront leur emploi en juillet prochain.
«C’est bien beau de créer des emplois, mais de quel type d’emplois parle-t-on? Évidemment que les usines qui embauchent des travailleurs non syndiqués au salaire minimum, sans fonds de retraite et sans avantages sociaux sont plus compétitives. Voulons-nous vraiment de centaines de milliers d’emplois qui ne permettent pas aux travailleurs de vivre décemment?»
Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal (STIJM)
Après plus d’un an de lock-out, les travailleurs et travailleuses de l’information du Journal de Montréal ouvriront la marche du 1er mai à Montréal. «C’est triste au fond d’ouvrir cette marche parce que ça signifie que notre conflit de travail est le plus long de la région», commente Raynald Leblanc, président du STIJM, tout en rappelant que les travailleurs et les travailleuses du Journal de Montréal vivent des moments difficiles.
«Il est évident que la droite fait un net retour sur la scène politique du Québec. Il est grand temps de se mobiliser parce que les employeurs, eux, le sont. Tout porte à croire que mouvement syndical devra faire face à un renforcement de la position patronale et à une radicalisation des moyens d’action pour restreindre le champ d’influence et la capacité d’action des syndicats. Il est impératif de se mobiliser.»
Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Québec)
Jean-Pierre Fortin, directeur québécois des TCA, reproche au mouvement syndical d’être absent et passif alors qu’il devrait être l’initiateur d’une riposte aux affronts sociaux du gouvernement libéral: «Les Québécois se sentent bafoués. Le mouvement syndical doit prendre le lead de la grogne populaire.»
Pour Jean-Pierre Fortin, c’est sans équivoque: Charest est allé trop loin. «Le train passe et si on ne bouge pas, il va nous écraser.» Il ajoute que le budget ne contient qu’une partie des mesures prévues au programme du Parti libéral et que de laisser aller les choses revient à consentir, d’une certaine façon, à leurs idéaux. «Une menace pour les travailleurs, c’est ça le gouvernement libéral! Il ne faut surtout pas leur laisser la voie libre. Au contraire, c’est le moment de mettre de la pression et de revendiquer.»
Section locale 121 - SCEP
Jean-Claude Rocheleau, président du syndicat des travailleuses et des travailleurs de la raffinerie Shell dans l’Est de Montréal, est préoccupé par l’appauvrissement du Québec. «Les nombreuses pertes d’emplois à hauts salaires dans des industries qui requièrent expertise et main-d’œuvre spécialisée, telles que les pâtes et papiers, le raffinage et la pétrochimie, sont des pertes majeures pour l’économie québécoise. Sous le regard passif des gouvernements, on passe complètement à côté de ce qu’il faudrait faire pour maintenir un Québec fort et riche collectivement.»
Le fatalisme bien installé dans l’opinion publique comme chez les gouvernements est malsain. «Les gens semblent déjà résignés lorsqu’il y a une annonce de fermeture. Oui, d’autres emplois sont créés, mais ces jobs-là sont considérablement moins payantes et n’offrent pas les mêmes avantages et protections. Sur tous les plans, le Québec est perdant, économiquement et socialement.»
Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
«C’est un 1er mai particulier cette année. J’ai une pensée spéciale pour Michel Chartrand, comme militant et défenseur des droits des travailleuses et des travailleurs, mais aussi comme citoyen», répond sans détour Régine Laurent, présidente de la FIQ pour qui la Fête internationale des travailleuses et des travailleurs revêt un caractère plus large, plus social.
«Nous sommes d’abord toutes et tous citoyens. On se bat pour le type de société que l’on veut pour demain, pour protéger les acquis sociaux, les services publics et garantir des soins de santé de qualité universels.»
Mai 2010 marque aussi le premier anniversaire du Front commun. «Alors que plusieurs ne donnaient pas cher de la peau du Front commun, un an plus tard, nous représentons toujours les 475 000 salariés du secteur public!»
Syndicat des chargées et des chargés de cours de l’Université de Montréal (SCCCUM)
«Les gens ne se rendent pas compte que c’est une réelle chance qu’au Québec plus de 40% des travailleurs soient syndiqués», déclare Francis Lagacé, président du SCCCUM. Il poursuit en mentionnant que cet élément n’est pas étranger au fait que le Québec se soit relativement bien sorti de la crise financière. «Les travailleurs syndiqués contribuent pour beaucoup à l’économie québécoise et servent de locomotive économique pour d’autres secteurs notamment grâce à leurs salaires.»
Il souligne aussi l’importance de la solidarité entre les travailleuses et les travailleurs pour mener à bien une lutte. «En cette période où les employeurs ont le gros bout du bâton et où ils s’en servent allègrement, une journée comme la Fête internationale des travailleuses et des travailleurs doit être soulignée. À ce titre, la visibilité des syndicats est importante.»
Syndicat des Cols Bleus regroupés de Montréal – Section locale 301 SCFP
À la veille du 1er mai, Michel Parent, président des Cols Bleus de Montréal, constate un désabusement généralisé de la population pour les questions politiques. «Je comprends, mais la seule façon d’y remédier, c’est de se prendre en main, de s’impliquer et de revendiquer.»
«C’est un geste concret, un signal qu’on envoie à nos gouvernements pour leur montrer que nous ne sommes pas dupes, insiste-il. De nombreux peuples dans le monde qui se battent ardemment pour instaurer la démocratie. Ici, le droit de vote est tellement acquis que les gens ne s’en préoccupent plus.»
Tout en invitant la population à descendre dans la rue, Michel Parent résume sa pensée ainsi: «Les Québécois parlent beaucoup et agissent peu. J’ai envie de leur dire: Réveillez-vous! Occupez-vous de vos affaires!»
Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP-429)
En ce 1er mai, le message des Cols Blancs coïncide avec l’amorce d’une campagne publicitaire destinée au grand public. «Scandales, copinage, collusion, nominations partisanes, etc. La population ne doit pas rester indifférente et muette», déclare la présidente des Cols Blancs de Montréal, Monique Côté.
«À l’heure actuelle, c’est carrément à la vente des biens et des services publics à un groupuscule de privilégiés du secteur privé qu’on assiste.» Elle poursuit en soulignant que «la fonction publique, gouvernementale et municipale, a pour rôle de préserver sur les biens des citoyens et les services de qualité auxquels ils ont droit. Ce qu’on veut, c’est un Québec équitable pour tous.»
Alliance de la Fonction publique du Canada – Région du Québec
(AFPC-Québec)
«La bataille la plus importante qu’auront à livrer les syndicats dans les prochaines années sera davantage axée sur le maintien des acquis collectifs que sur la négociation locale», indique Jérôme Turcq, vice-président exécutif régional de l’AFPC, pour qui la mobilisation du mouvement syndical sera impérative pour traverser la vague de droite qui déferle sur le Québec.
«Les syndicats, et l’AFPC-Québec est de ceux-là, devront se mobiliser pour s’assurer qu’on résiste aux attaques multiples lancées contre le système de santé et d’éducation, qui sont une partie vitale du tissu social québécois. Nous devrons prendre la rue s’il le faut pour défendre l’accessibilité et la gratuité en santé et en éducation. L’avenir du Québec est en jeu et les syndicats doivent s’en mêler.»
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Entrevue avec Michel Chartrand, le Premier Mai 1985
par Pierre Dubuc
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