Le document de travail produit par le Parti québécois pour le colloque Un gouvernement souverainiste au service des Québécois, qui se tiendra à Drummondville les 15 et 16 mai prochain, nécessite quelques observations afin de relativiser l’optimisme exprimé en ce qui concerne le domaine de la santé. Les difficultés rencontrées par les divers gouvernements au cours des dernières années nous incitent à la prudence.
On nous apprend, tout d’abord, qu’un éventuel gouvernement du Parti québécois misera sur la prévention pour assurer une meilleure qualité de vie aux Québécois mais aussi pour réduire les coûts de santé.
Ensuite, on affirme qu’il faudra « s’attaquer avec vigueur » au problème de l’accès aux soins de première ligne.
Pour ce qui est du financement, on nous dit qu’il faudra mieux utiliser les sommes déjà investies en réduisant les coûts et en trouvant de nouvelles sources de financements.
Enfin, pour compléter le futur programme du Parti, on revient avec l’ambition de « mener à terme un virage en déployant un réseau complet de soins à domiciles ».
Jusqu’ici, pas trop de surprises.
On nous rappelle également que le budget du ministère de la Santé pourrait, d’ici 2020, accaparer près de 50 % du budget québécois. L’explication fournie est que « la croissance des coûts en santé et en services sociaux est en effet plus rapide que la croissance des revenus de l’État. »
La conclusion tirée est que « la seule augmentation des budgets ne constitue donc pas la solution. » D’où la nécessité d’un virage, nous dit-on.
En terminant, on revient, à juste titre, sur le fait qu’une partie importante du financement de la santé provient des transferts du gouvernement fédéral et qu’en plus des empiètements dans ce champ de compétence provincial, les sommes obtenues ne sont jamais garanties.
Mais, le lecteur ne peut que se demander pourquoi les rédacteurs de ce document ont-ils omis de mentionner également les baisses d’impôts successives adoptées par le gouvernement Charest depuis 2003 et que certains économistes n’hésitent pas à évaluer à près de 7 milliards de dollars. Ajoutées aux transferts insuffisants du gouvernement fédéral ce pourrait être là un début de marge de manœuvre pour financer nos services de santé.
Mais, là où le voyant rouge s’allume, c’est à la page suivante où on peut lire : « La prévention est LA voie à privilégier pour améliorer la qualité de vie et, si possible, pour stabiliser la part du budget allouée à la santé. »
En ces temps de cynisme, toute découverte d’un Saint-Graal ne peut que susciter un certain mouvement de recul.
Selon les auteurs du document, la prévention doit s’effectuer selon trois axes : la lutte contre le tabagisme, la mauvaise alimentation et la sédentarité.
Concernant la lutte au tabagisme, le document nous apprend que le ministère de la Santé considère que chaque baisse de un point de pourcentage du taux de tabagisme, entraîne une économie de 114 millions de dollars. Ce n’est pas négligeable mais rappelons que nous parlons d’un budget de 28 milliards de dollars par année.
Au plan de la lutte à la mauvaise alimentation, on souligne le taux élevé d’obésité de la population adulte, 15,7 %, la faible consommation de fruits et légumes, particulièrement chez les enfants et la sédentarité qui sont tous des facteurs de risque pouvant conduire aux maladies chroniques.
On suggère aux militants deux avenues possibles : une grande campagne portant sur la bonne nutrition et des actions pour lutter contre la malbouffe. Rien, contre ceux qui la produisent cette malbouffe.
L’industrie alimentaire qui, pourtant, se voit de plus en plus montrée du doigt comme la principale responsable du piètre état de santé des populations dans les pays industrialisés, est complètement disculpée.
Alors qu’en plusieurs endroits on commence à réglementer la teneur en gras et en sucre dans les aliments, ici, on fera une « grande campagne de la bonne alimentation ».
Le slogan de la campagne pourrait bien être déjà tout trouvé. Il suffirait d’adapter le slogan des Libéraux en matière de défense du français. Sur les grandes affiches du métro de Montréal, le gouvernement du Québec pourra écrire : « Merci à l’industrie alimentaire de bien nous alimenter. »
Bien sûr, il ne faudra pas comprendre ce message au premier degré. Ce sera une campagne incitative, comme de raison.
Dans toute cette approche axée sur la prévention, il y a un sous-entendu non-exprimé qui fait illusion. C’est l’idée que la prévention ne coûte rien.
N’a-t-on jamais entendu parler qu’un des facteurs de l’allongement de l’espérance de vie est dû au développement des technologies de pointe qui permettent de déceler les maladies avant qu’il ne soit trop tard. L’imagerie par résonnance magnétique, ça vous dit quelque chose ? Et les coloscopies qui permettent de dépister les cancers du côlon ? Et les isotopes médicaux pour lutter contre le cancer, c’est pas gratuits les amis !
On est victime du syndrome de la thérapie au jus de carottes. La prévention, ça nous coûtera pas cher et ça nous tiendra en santé !
Il est étonnant que dans le domaine de la santé on n’ait pas encore accepté une réalité qui est tout à fait admise dans le domaine des communications. La technologie coûte cher mais contribue à améliorer nos vies. On raisonne comme si on déplorait que le budget des communications des familles ait explosé depuis 1970.
Il vaut la peine de faire le parallèle, car 1970 c’est l’année de la mise en place de notre régime d’assurance-maladie. À l’époque, une facture de téléphone, pour une famille, était d’environ de 12$. En dollars de 2010, cela équivaudrait aujourd’hui à une somme de 68$ pour appeler dans une région restreinte sans frais supplémentaires. Par exemple, sur l’île de Montréal on pourrait appeler jusqu’à Pointe-aux-Trembles tandis que les gens de Trois-Rivières devraient faire un « long distance » pour appeler à Shawinigan, à 35 kilomètres plus loin.
Le coût du téléphone a donc diminué grâce au développement de la technologie mais la facture totale a augmentée à cause de cette même technologie qui nous en a offert davantage. Aujourd’hui, une famille peut facilement débourser 130$ pour l’ensemble de ses dépenses de communications qui vont du téléphone avec forfaits d’interurbain illimité pour tout le Québec ou tout le Canada, câble télé qui nous permet de recevoir des dizaines de stations et le cellulaire qui nous rend accessible en tout temps. Y a-t-il quelqu’un pour soutenir que ça ne peux plus durer et qu’un virage s’impose ?
Non ? Alors, affirmer que « nous devons réduire la croissance des coûts de santé et explorer diverses avenues pour augmenter les revenus », revient à dire que nous devrions mettre fin au développement des technologies médicales de pointe qui, même si elles prolongent notre espérance de vie, nous coûte trop cher.
Ou bien, nous acceptons que pour prolonger notre espérance de vie cela nous coûtera plus cher et que, dans ce cas, la réponse au problème du financement de « diverses avenues pour augmenter les revenus » n’est pas difficile à trouver.
Comme la vie est tout aussi importante pour les pauvres que pour les riches, les mesures de financement progressives comme les impôts sont préférables aux mesures régressives comme les taxes et autres moyens bien connus de l’entreprise privée, la tarification.
Mais alors, dirons les sceptiques, nous allons consacrer une part de plus en plus importante de notre richesse collective pour allonger notre espérance de vie ?
Bien sûr que oui, sinon, elle nous sert à quoi cette richesse collective lorsque nous sommes en route pour le cimetière ?
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