« Drille, bebé, avant qu'y arrivent.
Dans pas long, il sera trop tard pour nous arrêter. »
Les bulls sont en marche un peu partout dans la Vallée du Saint-Laurent et en Gaspésie. On a trouvé du gaz ! Pas mal de gaz.
« Des impacts ? Quels impacts ? Non, non : tout est à 110% sécuritaire. Si ça pète ? Ben vous m'poursuivrez. Nos avocats nous représenteront pendant qu'on ira jouer au golf. »
Honnêtement, je pensais qu'on en n'était plus là comme société. Qu'à l'ère du développement durable et des beaux discours main sur le coeur, on ne ferait plus les choses de la même façon. Le Québec se couvre de puits de forage, de torchères et bientôt de pipelines de raccordement pour exploiter à toute vitesse le gaz de schiste qu'on retrouve un peu partout en Amérique du Nord, et particulièrement dans le Nord-Est.
Sans études d'impacts
La Loi sur l'évaluation environnementale n'oblige pas les projets d'exploration et d'exploitation gazière à faire l'objet d'études sur leurs différents aspects sociaux, économiques et environnementaux. Les directions régionales du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) sont donc à la merci des données techniques que leur fournissent les promoteurs.
« Pas de trouble, on a toute prévu ! »
Et c'est comme ça qu'on donne les permis.
On injecte sous terre des millions de litres d'eau mêlée à du sable et à des produits chimiques, on couvre le territoire de chemins d'accès et d'un labyrinthe de réseaux pipeliniers et on divise des populations qui voient arriver du jour au lendemain les promoteurs sur le territoire de leur municipalité. L'exploitation du gaz de schiste provoque déjà des problèmes importants (dont des cas de contamination des eaux souterraines) de l'autre côté de la frontière, au point où l'Agence de Protection de l'Environnement des États-Unis s'apprête à étudier la question pour mieux baliser - ex-post - ce secteur.
En bulldozant tout sur leur passage, le gouvernement et les promoteurs jouent un rôle très dangereux. Et montrent qu'ils n'ont rien appris de leurs déconfitures passées.
Le dossier du Suroît est mort, victime du soulèvement populaire, mais défendu jusqu'à la fin par le même André Caillé qui préside aujourd'hui l'Association pétrolière et gazière du Québec et qui parcourt le Québec pour faire la promotion du gaz et du pétrole. Dans l'aventure, Hydro-Québec a perdu de son capital de sympathie acquis lors de la crise du verglas. Le gouvernement du Québec a perdu des points politiques - et un ministre, Sam Hamad. Les promoteurs ont perdu du gros fric.
Même chose pour le dossier du Mont Orford. On tente de bulldozer un projet. La population s'oppose - dans ce cas-là, les libéraux provinciaux du coin. Crise politique, moratoire. Paralysie du dossier. Le gouvernement perd des appuis, les promoteurs perdent leur argent et la population est en beau maudit.
On tente de faire la même chose pour l'échangeur Turcot à Montréal.
Les écolos québécois ont pas mal changé. On ne rejette pas du revers de la main un projet de développement. On veut aller au fond des choses, étudier les différents aspects, se faire une tête. Dans développement durable, pour nous, il y a de la création d'emplois, de la qualité de vie et de l'accroissement de la richesse collective pour pouvoir payer le système de santé et les projets collectifs qu'on voudra bien se donner.
Et puis l'entrepreneuriat - l'idée de créer quelque chose, de bâtir un projet d'entreprise, de le mener à terme, de voir ses efforts récompensés par le marché - est un des ressorts les plus stimulants pour une société comme la nôtre. Ça aussi, on le reconnaît d'emblée avec fierté.
Ça ne veut par contre pas dire qu'il faille remettre les clés aux entrepreneurs et leur mettre les deux mains sur le volant. Dans une société, d'autres acteurs ont aussi leur mot à dire.
Dans le cas du gaz de schiste, le milieu environnemental (dont Équiterre) appuie la demande d'un moratoire demandant une étude approfondie des impacts - positifs comme négatifs - de l'exploitation de ce gaz au Québec. On verra alors plus clair. Soit pour ne pas aller plus en avant dans le développement de cette filière. Soit pour continuer l'exploitation de façon mieux balisée.
C'est comme ça qu'on devrait faire, à l'ère du développement durable.
Sinon, on revient au cauchemard dans lequel des promoteurs ont plongé le Québec dans le dossier du Suroît : bulldozage - opposition populaire - abandon du projet. Avec le gouvernement qui perd la face, la population son calme et les promoteurs leurs sous.
Pour un dossier plus complet sur la question du gaz de schiste.
Pour lire la série très fouillée du journal Le Devoir.
Source: Tiré du blog d'Équiterre
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