Le festival a offert tune belle édition cette année, riche en couleur et en exploration, avec une sélection assez éclectique qui faisait aussi large place aux « anciens », pionniers, légendes et autres figures de proue du jazz, blues, soul, hip-hop, funk, rockabilly, world, pop, etc. Il y en avait pour tous les goûts, même pour ceux qui aiment la controverse, avec un certain don pour créer l’événement, le « j’y étais ». Voici un survol du paysage attrapé dans cette contrée aux frontières de plus en plus éclatées.
Gil Scott-Heron
Spectacle très attendu pour la première journée du festival et définitivement marqué du sceau de... l’attente. Avec deux heures de retard, Gil Scott-Heron offre une prestation authentique, choisissant de jouer sa musique soul directement issue des années 70 au lieu des pièces à saveur hip-hop de son dernier album. Il y a quelque chose de pur et de « rien à prouver » dans la démarche, il ne joue pas pour plaire, il fait de la musique, sa musique. Certains sont ravis, d’autres déçus, voir l’article pour savoir où vous situer.
Sonny Rollins
On y allait parce qu’à 80 ans, c’était peut-être le dernier tour de piste de Sonny Rollins à Montréal. On y allait pour la légende, sans trop d’attente sur la performance elle-même, vu qu’à son âge... Mais, délicieuse surprise, de la première à la dernière note un souffle vigoureux anime un Rollins en pleine maîtrise de son art. On en ressort émus, pas renversés, mais touchés d’avoir trouvé un artiste aussi accompli, aussi vivant. Voir les commentaires dithyrambiques de l’article.
Omar Souleyman
Vedette montante de la musique world, mais avant tout star des mariages et idole des chauffeurs de taxi, ouvriers et concierges, le chanteur syrien donne autant dans la transe que le kitsh avec son mélange de musiques traditionnelles et de pop. Les fans sont nombreux pour l’accueillir et ils sont surtout heureux : Omar Souleyman ne fait pas que faire danser jusqu’à plus soif, sa musique transporte de la joie. Pourtant sobre sur scène, nous invitant à bouger encore plus par quelques gestes de main, il est le roi de la fête et sait nous entraîner sur des rythmes simples et hypnotisants, et la fête est là, bien là, comme le soleil qui se pointait après l’orage.
John Zorn, Laurie Anderson et Lou Reed
Est-ce que le festival a voulu faire du name dropping avec ce spectacle, ou était-il conscient de son audace et de la commotion qu’il allait créer? Les trois fortes personnalités bien connues annonçaient une performance purement improvisée, mais peut-être le festival n’a-t-il pas assez prévenu son public que ni Laurie Anderson ni Lou Reed ne présenteraient rien de leur travail original? Ils devaient être environ trois cents à être mal renseigner, quittant après les pièces tout au long du spectacle (pour demander remboursement), huant, insultant, ce qui fait dire à Zorn après le deuxième morceau « Si vous croyez que ceci n’est pas de la musique, get the fuck out of here » à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Comme quoi l’avant-garde existe toujours et fait encore aussi réagir... Retour sur la réaction, et la musique, dans cet article.
Wanda Jackson
Wanda Jackson était droite, belle et fière du haut de ses 75 ans, tout en justesse et sans excès pour offrir son concert à l’Astral. Celle qui vient à Montréal à peu près aux deux ans était accueilli dans le cadre du festival comme la reine rockabilly qu’elle est, a great entertainer s’il en est, une femme heureuse d’avoir su poursuivre sa carrière à sa manière et de rencontrer un public toujours gourmand.
Le spectacle mérite la mention de « très bien », bien qu’un tout petit peu convenu. Entouré de musicien solides et vieux routiers, elle a tenu sa voix dans une portée à sa mesure, la puissance n’y étant plus tout à fait, mais toujours pleine de ressort.
Des vieux morceaux rock’n roll se sont mêlés à ses succès comme Funnel of love et à des pièces plus traditionnelles tel que I saw the light, entre country et gospel, le tout entrecoupé de nombreuses interventions. Wanda était venue nous voir, elle nous parlait, nous écoutions, comblés.
Digne, coquette, et rockeuse, elle a fait danser son public amoureux, fidèle et reconnaissant.
Mistress Barbara
La générosité et le plaisir de la performance ont toujours animé la dj montréalaise, et c’est ce qui l’a également poussé à prendre le micro et monter son groupe pour monter ses propres chansons. La saveur est très pop, et les pièces incluent plus d’une reprise, de Tears for Fears à Leonard Cohen et la réussie Dance me to the end of love.
Dimanche minuit au Club Soda, les invités se sont succédés, dont les filles-bêtes de scène de Random Recipe, ainsi que Sam Roberts pour la pièce populaire I’m Running. On danse sans débordement, préférant lorsqu’elle insuffle un techno-house qui la caractérise et difficilement résistible.
Mistress Barbara ne prend pas encore toute la place qu’elle devrait à titre de chanteuse et opte plutôt pour une complicité avec le public. Le résultat est un peu tiède, un spectacle de club sans plus, mais de plus en plus entraînant. La Mistress est rayonnante et enthousiaste, et étire la soirée avec de nombreux, typiques dans son cas, « on en fait une petite dernière ».
Joan Armatrading
L’auteure-compositeure-interprète britannique avait percée au milieu des années 70 et connu un beau succès dans les années 80 grâce à son folk ornée d’une magnifique voix soul qui chantait une poésie très simple et très authentique. Bien qu’un nouvel album soit sorti récemment et qu’elle entamait tout juste sa tournée américaine au festival, il faut croire que Joan Armatrading ne soit jamais complètement revenue de sa belle époque.
Si on peut encore excuser les paroles sentimentales à souhait, le synthétiseur et les arrangements au pathos pastel, quoique bluesés, le sont moins.
Elle s’inscrit comme une musicienne au milieu du groupe, ce qui n’est pas pour servir sa voix belle et toujours puissante qui s’y noie, bien qu’ayant perdu une partie de son registre comme nous l’avons entendu (ou pas) dans son succès Love and Affection.
Mais les classiques ont été peu nombreux, Armatrading se concentrant sur son nouvel album, offrant une version de son spectacle de tournée condensé à cause du cadre du festival. La salle plaine à craquer du Théâtre Maisonneuve ne semble pas se plaindre, au contraire, de ce surplus d’authenticité...
George Clinton & Parliement
Fini les lunettes en étoile, les bottes à talon haut en paillette (pour homme) et les décors extravagants, mais tout le reste du funk original y était, et c’était tout ce qu’on voulait.
En première partie, le groupe God made me funky a réchauffé la salle, mais avec un peu trop pop pour les assoiffées de groove prêts au « Free your mind and your ass will follow » de George Clinton.
Et celui qui a grandement influencé la musique des quarante dernières années n’a pas menti, et toute la famille Funkadelik était réunie sur scène, avec ses nouveaux et anciens éléments, jusqu’à être près d’une quinzaine.
Avec toute l’attitude souhaitée et un ton résolument hip-hop mais toujours profondément psychédélique, le Parliement a offert un spectacle démentiel de plus de deux heures. La balance de son n’était pas au point et la musique était saturée et saturait le corps pour en faire danser la moindre partielle, nous submergeant d’énergie délirante.
En bout de ligne, ce fut un spectacle exceptionnel jusqu’à la dernière note du guitariste Micheal Hampton dans un solo hallucinant d’une vingtaine de minute, alors que le reste du groupe était parti ou revenait ranger leurs instruments, seul et explosif devant un public en communion. À la fois essence et quintessence d’un nirvana funk, on ne remerciera jamais assez le festival pour cette invitation.
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