Les débardeurs ont une longue tradition de solidarité ouvrière. Ils en donnent présentement un nouvel exemple face au lock-out décrété par l’Association des employeurs maritimes en refusant la clause orphelin qu’on voulait leur imposer.
Rejoint par l’aut’journal, Sylvain Charron, trésorier du syndicat affilié à la FTQ (SCFP-375), explique les enjeux : « Le litige porte sur le nombre d’employés permanents. L’employeur veut pouvoir mettre à pied entre 50 et 70 travailleurs sans aucune compensation. Le syndicat favorise une solution axée sur les départs en préretraite des travailleurs les plus âgés. »
Les grands médias ont monté en épingle les salaires des débardeurs, mais souvent sans en souligner la contrepartie. « Nous avons un programme de sécurité d’emploi avec 40 heures payées par semaine en échange d’une disponibilité de 7 jours semaine, 24 heures par jour », d’expliquer Sylvain Charron. « Ça fait 35 ans que c’est comme ça. C’est ce qui a assuré la compétitivité du port de Montréal et de juteux profits aux entreprises maritimes. »
Sylvain nous explique que les entreprises maritimes se sont bien accommodés d’une telle mesure – au coût estimé à environ 7 millions de dollars par année – pendant les années de prospérité, mais qu’elles ont commencé à rechigner lors de la récession lorsque la facture a grimpé à 10 millions.
« Ils auraient pu faire face à la musique sans problème si l’Association des employeurs maritimes n’avait pas retourné à ses membres le surplus de 20 millions de dollars accumulé dans la caisse commune lors des quatre dernières années de croissance. Si, comme le soulignait l’arbitre devant lequel le syndicat a porté cette cause, ils avaient agi en bon père de famille. »
L’exécutif renvoyé à la table de négociation
Il faut souligner que l’assemblée générale des débardeurs a rejeté en deux occasions l’entente de principe conclue par l’exécutif du syndicat avec l’employeur qui rognait sur le régime de sécurité d’emploi.
« Les membres ont renvoyé l’exécutif à la table de négociations en invoquant la reprise économique en cours. Sur les 18% de baisse d’activité, nous en avons déjà repris 13%. Sans compter que les entreprises ont réalisé des profits records depuis 15 ans. »
Pour appuyer leur comité de négociation, les débardeurs avaient décidé de ne pas faire de temps supplémentaire, ce qui permettait de maintenir à l’emploi 169 travailleurs visés par les mesures patronales et embêtait l’employeur qui a besoin du temps supplémentaire pour des activités fonctionnant sur le principe du just-in-time. « C’était un beau geste de solidarité, déclare avec fierté Sylvain Charron. Les travailleurs ont fait don de leurs heures supplémentaires pour garder les plus jeunes au travail. »
Le lock-out a surpris le syndicat. « On était en train de discuter du protocole de retour au travail et les discussions achoppaient sur le calendrier des négociations. On voulait deux semaines de négociations intensives. L’employeur voulait étirer cela jusqu’au 4 septembre. On n’est pas fou. On sait qu’au début septembre, nous serons à la veille de la rentrée parlementaire à Ottawa. Ce serait alors plus facile de faire voter une loi spéciale », d’expliquer le trésorier du syndicat.
Le lock-out illustre, selon lui, l’incompétence des autorités portuaires. « Ils ont embauché une firme de relations publiques, Énigma Communications, deux semaines avant le conflit. On voit que le porte-parole de cette firme, Gilles Corriveau, ne connaît rien au dossier. Cela en est pathétique. »
L’employeur fait maintenant des sparages, selon Sylvain Charron, en menaçant de détourner des navires vers d’autres ports, comme Halifax, mais qui n’ont pas les mêmes capacités que celui de Montréal. « Il essaie de jouer une game politique qui ne mène à rien. Quant à nous, nous sommes prêts à retourner immédiatement à la table de négociations et à trouver avec l’employeur des économies organisationnelles. »
En attendant, les débardeurs font preuve d’une solidarité exemplaire sur les lignes de piquetage, de souligner Sylvain Charron. Nous ajouterions qu’ils peuvent à bon droit sourire en contemplant l’état de panique dans lequel leur mouvement a plongé le patronat. Sans le travail, invisible dans les grands médias des débardeurs, l’économie s’arrête !
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