Dégage Harper, Blackburn, Lebel et Néron

2011/03/29 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète. Il habite Arvida

C’est reparti. 37 jours de campagne électorale fédérale. 37 jours pour liquider le régime Harper en place depuis trop longtemps, cinq ans. 37 jours pour effacer notre dictateur à nous, d’une certaine manière.

Un effort s’il vous plaît, il faut se départir une fois pour toutes de ce «cou rouge», député de Calgary sud ouest depuis 2002, ex lieutenant du parti réformiste canadien, premier ministre du Canada par procuration depuis le coup de pouce de la lieutenante gouverneure en décembre 2008.

Lobbyiste déguisé en PM des pétrolières albertaines et des vendeurs de chars. Un effort s’il vous plaît. On (Vous méritez) mérite mieux comme premier ministre. C’est pas le mien. Mal pris, on fera diriger le Canada mon pays mes amours par une coalition Bloc/NPD, groupuscule socialiste/séparatiste.

Au moins, ceux-là, on est certain qu’ils partagent l’essentiel de nos valeurs. Au moins, sur la scène internationale le pays, leur pays ne passera pas pour le pire pays pollueur et pro-américano-israëlien du monde.

Le pire pays qui coupe l’aide aux ONG canadiens qui interviennent en Afrique et ailleurs où les femmes et les enfants se font souvent massacrés en toute impunité. Le pays qui cautionne la torture à Guantanamo et en Afghanistan. Le pays qui torpille notre ouverture pacifiste au monde.

Au moins.

Pourquoi je vote contre le pouvoir ? Des raisons en voulez-vous, en voilà.


Jean-Pierre Blackburn

Lui il aime ça le pouvoir. Il aime tellement ça que, pour lui, la politique se résume à gagner une élection et à tenter désespérément de coller au pouvoir

Ad vitam aeternam.

Comme d’autres politiciens qu’on connaît bien qui croient dur comme fer que la démocratie, c’est de se faire élire à tous les quatre ans. Je me souviens très bien des élections de 2008 où le beau Jean-Pierre s’est mis dans la tête de faire peur au monde après un sondage dévastateur le mettant second violon dans la campagne de Jonquière/Alma.

Qu’est-ce qu’il a fait, le beau Jean-Pierre ? Et bien il a ressorti ses vieux amis de la Chambre de commerce d’Alma et de Jonquière pour témoigner de sa grandeur d’âme, de sa compétence absolue dans les dossiers locaux et du danger, presque nucléaire, de se voir dans l’opposition, à cent milles lieux du pouvoir, de la fameuse table des décisions conservatrices.

Je me souviens de sa conférence de presse dans ses locaux situés dans l’ancienne Banque Royale, transformée depuis en mini bibliothèque de Kénogami.

Ses partisans voulaient casser la gueule aux journalistes présents qui posaient des questions trop pointues sur le budget militaire du Canada, sur l’avortement, sur les M$ accordés à l’industrie de l’automobile en Ontario, pendant que les travailleurs forestiers perdaient leur job, un après l’autre dans une crise qui n’en finissait plus.

Je suis convaincu que Jean-Pierre va ressortir sa vieille cassette de la nécessité absolue de coller au pouvoir – dans son cas le conservateur harpien – pour survivre en politique régionale fédérale.

Il va aussi recycler ses deux vielles promesses électorales usées à la corde qu’il se fait un plaisir de relancer depuis cinq ans, la prison fédérale et l’avenir radieux de la base militaire de Bagotville.

Peut-être aussi un nouveau pont vers Chicoutimi-Nord, si les candidats libéral et bloquiste ne le court-circuitent pas trop. Et ultimement, la stabilité économique avec un parti qui injecte des M$ dans des bombardiers et des peanuts dans le logement social.

Il va aussi sans doute nous dire qu’il a rénové le centre-ville de Kénogami et les alentours de son bureau de relations publiques pour mieux assurer ses vieux jours un soir de défaite.


Une autre raison de voter contre le pouvoir, Denis Lebel.

Lui, il continue la job de pedleur (orthographe de Léandre Bergeron que j’aime bien) de subventions ciblées de Blackburn relégué aux anciens combattants à cause de ses propos déplacés.

Mais, pour obtenir cette job-là sous Harper, il faut être docile et prêt à vendre et son âme et ses parents pour la garder. C’est ce que fait magistralement cet ancien maire de Roberval devenu en un temps record plus «cou rouge » que «le grand cou rouge » lui-même.

Endossant toutes les valeurs du parti conservateur fondées sur la réduction des services publics, le bien-être des entreprises privées, le militarisme, la lutte aux criminels toutes catégories et tous âges, la chasse aux artistes, aux immigrants clandestins ou non, aux écrivains, aux communistes, aux socialistes, aux terroristes, aux pacifistes et surtout aux maudits séparatistes.

Et, par-dessus tout, la non transparence de la gouvernance. Dans une région traditionnellement indépendante, il faut avouer que ce monsieur Lebel a du culot tout le tour de la tête.

Il graisse ses amis du Lac et du Saguenay (Une semaine avant le déclenchement des élections, il subventionne deux fois plutôt qu’une l’incubateur d’avions invisibles du maire de Saguenay à la grande satisfaction de celui-ci avouant candidement sa surprise de voir tomber du ciel conservateur autant d’argent sur ses lubies...).

Denis Lebel apprend par cœur les lignes traduites en québécois des attachés de presse du régime Harper et les restitue à répétition partout à qui est forcé de l’entendre. «Plus suiveux que ça tu meurs », comme le dirait le candidat bloquiste dans Roberval.


Et le petit nouveau «cou rouge», Carol Néron

C’est toujours un peu triste de voir un journaliste sur le tard, blindé de sa pension de vieux éditorialiste de droite, se lancer en politique fédérale dans un comté nationaliste.

Manque-t-il de jugement pour poser un tel geste surtout qu’il se présente conservateur après avoir flirté un temps avec les Libéraux ?

Il s’est sans doute dit que ses amis au pouvoir municipal (l’équipe du maire de Saguenay, Ghislain Harvey en tête), ses contacts dans le milieu des affaires (Les chambres de commerce) et de la religion (sic) (L’évêque de Chicoutimi) vont lui aider quelque peu et sans doute prier pour lui.

L’attrait du pouvoir fait tourner les têtes de bien du monde. Je rêve naïvement que les journalistes restent à leur place une fois pour toutes pour garder leur crédibilité.

Mais, dans ce cas précis, le journaliste en question avait déjà depuis longtemps franchi la frontière entre la neutralité et l’intérêt personnel d’un éditorialiste arriviste flirtant avec les grands de ce petit monde qu’est le nôtre.

Espérons que les relations de presse du petit nouveau candidat conservateur dans Chicoutimi seront plus transparentes que celles de son futur chef.


Citations de la semaine

«C’est quelque chose de particulier. Vous savez on passe beaucoup de temps ensemble. Aujourd’hui, avant de partir, j’ai pris quelques minutes pour regarder les gens avec qui je travaille ».

…ça frôle la nostalgie du député qui colle.


«La population canadienne va se rappeler du 25 mars 2011 comme étant la date où trois partis se sont réunis pour nuire aux ainés (sic) » en évoquant une aide aux personnes âgées dans le futur budget.

-Jean-Pierre Blackburn, après le vote des trois partis de l’opposition en faveur de la motion de censure, Le Quotidien, 26 mars


…comme si l’outrage au Parlement était secondaire. Jean-Pierre mise sur les vieux électeurs pour se faire réélire comme son parti d’ailleurs qui entretient le faux sentiment d’insécurité au pays. Le politicien populiste remonte rapidement à la surface. Et, du même souffle, il lance un appel aux pompiers volontaires à qui le budget fédéral éteint promettait un crédit d’impôt…


«Jean Tremblay veut faire de Saguenay une municipalité confessionnelle un peu comme les commissions scolaires catholiques et protestantes autrefois. »

-Luc Alarie, avocat du MLQ, Le Devoir, 26 mars

…la saga achève peut-être. Pendant que le maire sur les ondes de son télé-journal donne des leçons de conservation du patrimoine bâti…
Et vos églises, monsieur le maire ?


«La politique est un mécanisme qui consiste à empêcher les gens de prendre part à ce qui les concerne directement. »

-Paul Valery, poète français


…pour ceux et celles qui ne veulent pas aller voter contre le pouvoir. «Dégage Harper, Jean-Pierre, Lebel, Néron… ».Un slogan comme un autre qui se défend.


Pierre Demers, cinéaste et poète d’Arvida

À lire : notre dossier sur les élections canadiennes de 2011