Dans une note de recherche publiée par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), le chercheur Mathieu St-Onge constate une dérive inquiétante au sein des régimes complémentaires de retraite avec l’augmentation fulgurante des régimes de retraite à cotisations déterminées (RCD).
C’est d’autant plus préoccupant que les ministres fédéral et québécois des Finances ont annoncé la création d’un nouveau type de régime de retraite dont le fonctionnement s’apparentera à bien des égards à celui des RCD.
Pourtant, ces régimes complémentaires de retraite n’ont plus de rapport avec la protection sociale basée sur une solidarité entre les bénéficiaires grâce à une mutualisation des risques.
Au Canada, entre 1991 et 2008, le nombre de participants et de participantes à un régime de retraite à cotisations déterminées dans le secteur privé est passé de 14 % à 26 %. C’est une augmentation de plus de 420 000 personnes.
En faisant dépendre entièrement le financement de la retraite des rendements, l’organisation des RCD subordonne la logique de la protection sociale à la logique de la spéculation financière.
C’est à titre individuel que les salariés doivent faire face à des risques financiers très élevés.
« Ces régimes ne permettent pas aux salariés de se créer une rente de retraite en dehors de conditions spéculatives. Ils doivent assumer la totalité du risque associé à la fluctuation des marchés financiers », a poursuivi le chercheur de l’IRÉC.
Pas de dispositifs de sûreté
Au sein des RCD, la démarche collective est court-circuitée à plusieurs moments par des décisions individuelles que doivent prendre les participants et les participantes, ce qui démutualise de facto le risque financier auquel sont confrontés les salariés.
L’étude identifie notamment trois éléments de ces régimes qui pénalisent les salariés. D’abord, il n’existe pas de dispositifs de sécurité pour remédier aux mauvaises performances financières des fonds rattachés aux RCD. La gestion individuelle typique des RCD ne permet pas de bons rendements en plus d’être mal adaptée aux cheminements de carrière des salariés.
De plus, les modalités régulant le moment du décaissement du capital accumulé dans les comptes individuels n’atténuent pas les risques reliés à cette étape cruciale dans le processus de financement de la retraite.
À cet égard, le chercheur souligne qu’une chute des marchés financiers ou une baisse des taux d’intérêt à la veille du départ à la retraite peuvent affecter le revenu de retraite de manière permanente.
Enfin, avec les RCD, le risque financier lié à l’espérance de vie est assumé entièrement par les individus et non par le régime.
« Ainsi, à l’opposé des régimes de retraite à prestations déterminées (RPD) dont le risque de longévité est mutualisé par l’ensemble des bénéficiaires, les RCD ne disposent d’aucun mécanisme pour contrer cette dimension du risque », s’est inquiété Mathieu St-Onge.
Améliorer les régimes publics de retraite
Dans un premier temps, le chercheur considère qu’une amélioration et une consolidation des régimes complémentaires de retraite passent par une réforme du versant public du régime des retraites.
Une augmentation de la part des revenus qui proviennent du Régime de pension du Canada (RPC) et du Régime des rentes du Québec (RRQ) réduirait non seulement le poids financier des régimes complémentaires dans le financement direct des retraites, mais aussi les besoins de financement provenant de ces régimes ou de l’épargne retraite individuelle.
Pour sécuriser davantage les revenus de retraite, le RPC et le RRQ devraient viser un seuil de remplacement du revenu d’au moins 50 %. Actuellement, ils visent à remplacer 25 % du revenu des personnes dont le salaire est inférieur au maximum des gains admissibles pour une pension.
Cette amélioration des régimes publics pourrait être financée par une augmentation des gains admissibles donnant droit à une rente et par un transfert partiel des cotisations aux régimes privés vers les régimes publics.
Développer de nouveaux régimes complémentaires de retraite
Une réforme de la législation sur les régimes complémentaires doit être faite afin de favoriser le développement de nouveaux types de régime.
À priori, ces régimes collectifs seraient moins risqués puisqu’ils seraient de plus petite taille en raison de la réforme proposée du RPC et du RRQ. Ces régimes devraient offrir de nouvelles modalités de partage du risque entre les employeurs et les salariés.
Les régimes à financement salarial ainsi que les régimes de retraite sectoriels représentent des avenues intéressantes, car ils sont plus efficaces sur le plan de la protection sociale.
« Le pire choix politique serait de créer de nouveaux régimes de retraite dont le fonctionnement s’inspirerait des RCD, conclut le chercheur. Avec la montée des RCD, nous remplaçons un système de pension collectif par un système d’épargne salariale individuel dont la finalité est d’accumuler un capital ».
Cette note de recherche intitulée La montée des régimes de retraite à cotisations déterminées : vers la fragilisation des retraites ? est disponible à l’URL suivante : http://www.irec.net/index.jsp?p=67