La Bohème de Puccini à l’Opéra de Montréal: un charme irrésistible

2011/06/01 | Par Marie-Paule Grimaldi


Photo : Yves Renaud

Pour termines sa saison, l’Opéra de Montréal présente une grande œuvre populaire, La Bohème étant au 4ème rang des opéras les plus vus mondialement et Giacomo Puccini le compositeur le plus joué après Verdi, qui avait d’ailleurs ouvert à l’automne. Sans flafla, sans chercher l’originalité à tout prix, et plutôt avec une justesse qui désarme, la production s’avère une valeur sûre, et touchante.

Il y a une simplicité et une pureté inhérente à cette histoire d’amour et d’amitié, de générosité, de pauvreté, de maladie, d’entraide et de camaraderie. La tragédie de La Bohème s’inscrit dans un cadre joyeux, dans un amour de la vie, et ces éléments, nuancés et simultanés, sont tout à fait palpable dans la mise en scène et l’interprétation. Dans la mansarde logée par des amis artistes où l’on se réchauffe aux manuscrits brûlés, Rodolfo (Antoine Bélanger) rencontre Mimi (Marianne Fiset), sa voisine venue chercher du feu. Le poète et la petite couturière tombent amoureux, et la réjouissance est au rendez-vous lorsqu’ils retrouvent la bande d’amis, et que le peintre Marcello (Etienne Dupuis) est reconquit par son ancienne flamme, la coquette Musetta (Lara Ciekwicz). Or l’hiver arrive, la maladie dévore Mimi et Rodolfo cache derrière sa jalousie la culpabilité de lui offrir une vie si difficile. Les amants décident de se séparer le printemps venu, mais il est déjà trop tard pour Mimi, qui viendra retrouver son amour et ses amis pour s’éteindre dans un moment aussi doux que terrible.

Le décor vaste, presque inchangé tout au long du spectacle, évoque plus qu’il ne montre réellement une mansarde, mais aussi les toits de Paris, avec au fond un mur de vitres teintées, sales, qui laisse toute place à l’imagination. L’espace est ouvert et la mise en scène d’Alain Gauthier s’y déploie, respire, fait une place de choix à chacun, dans les échanges intimes comme dans l’enchantement de la foule parisienne, ou dans l’humour bouffon des camarades. Avec sensibilité et délicatesse, la direction artistique relève la partition vocale et théâtrale de chacun des protagonistes, ce qui nous permet d’apprécier pleinement l’interprétation sentie, soutenue et même dévouée de toute la production.

Si les rôles secondaires n’épatent pas toujours, ils demeurent en tout temps convaincants. La soprano Lara Ciekwick, exaspérante à souhait, et le puissant baryton Étienne Dupuis volent presque la vedette, chacun de leurs voix magnifiques et particulièrement riches. En Rodolfo, le ténor Antoine Bélanger ne séduit pas autant mais son intensité nous fait croire comme jamais au couple formé avec l’excellente soprano Marianne Fiset; leur amour et leurs tourments nous traversent littéralement. Marianne Fiset est la véritable étoile du spectacle, pas seulement par sa virtuosité, mais par l’incarnation complète de la jeune femme sensible, douce, amoureuse de poésie et de son poète qu’est Mimi. L’Orchestre métropolitain dirigé par Giuseppe Petraroia s’en tient à faire son travail, mais un travail impeccable, qui porte tout au long avec finesse le romantisme inéluctable de cet opéra.

« Ce n’est pas mon répertoire mais je pleure à chaque fois à la mort de Mimi » me disait un ami musicien. Cette pensée résume bien comment La Bohème connue dès sa création un succès plus populaire que critique. Puccini était aussi dramaturge que compositeur et il a réussi à insuffler une vérité sans pareil à son opéra. Suivant de près la partition, l’Opéra de Montréal nous fait sentir avec exactitude la jeunesse, la joie, le rire et la liberté qui sont aussi l’apanage d’une vie de misère somme toute si tragique. Une production presque entièrement canadienne, idéale pour s’initier à l’opéra et qui, par son authenticité, ne pourra que plaire finalement aux amateurs les plus exigeants.

La Bohème de Puccini, Opéra de Montréal, du 21 mai au 4 juin, Salle Wilfird-Pelletier de la Place des Arts, 175 Sainte-Catherine Ouest.