Quand il était enfant, Danic Champoux n’avait pas besoin de la télévision pour se faire du cinéma. Il n’avait qu’à regarder par la fenêtre du salon pour avoir sous les yeux, grandeur nature, la plus belle brochette de criminels endurcis que sont les Hells Angels.
L’enfant curieux et rêveur était fasciné par ces durs à cuire coiffés d’une coupe Longueuil, sur leurs motos « shinées », leurs « pitounes » habillées sexées, assises à califourchon sur l’engin pétaradant.
Jour après jour, le petit observait la cour des grands qui portaient fièrement le « crest » de leur fraternité, ce qui avait l’heur d’en imposer aux citoyens de Sorel. Chose étrange, les Sorelois des années 1990 se sentaient en sécurité auprès de leurs voisins qu’ils considéraient comme des gars paisibles, capables de les défendre, si le besoin s’en faisait sentir.
Les Hells de Sorel avaient, à l’époque, nul autre que Maurice Mom Boucher comme président de leur chapitre. Danic a grandi sous l’aile du flamboyant gangster. Pas plus fréquentable que son père, mais, ô combien attirant, le fils de « Mom », Francis, était devenu son ami et, ensemble, ils tenaient un petit commerce de « dope » aux abords de l’école qu’ils fréquentaient. Consommation et vente de stupéfiants, admiration en sus, le chemin du crime semblait tout tracé.
Les Anges de l’enfer représentaient le paradis pour l’adolescent accroché à son rêve d’enfance. Comment Danic Champoux a-t-il pu résister à l’univers palpitant de la criminalité qui lui faisait d’insistants appels de phare? Un jour, un défi plus grand allait canaliser ses énergies débordantes.
QUÉBEC. 52 min.
Note :
Le gars de 20 ans a dégelé au printemps de 1996 et s’est inscrit à la Course Destination Monde. Aux côtés de Hugo Latulippe (République, un abécédaire populaire), participant au même titre, il a parcouru le monde, découvrant ainsi que l’univers était beaucoup plus vaste que celui d’un Mom Boucher, dorénavant sous les verrous.
Comme Danic Champoux se plaît à le dire, avoir Mom Boucher comme voisin immédiat n’est pas donné à tout le monde. L’idée de cette histoire peu commune s’est matérialisée sous une forme cinématographique aussi ingénieuse que surprenante. Genre à part, son documentaire est un mélange savant d’animations et d’entrevues.
L’animation, un peu grossière (certainement à cause d’un budget restreint – on parle ici d’un maigre 400 000 $) mais efficace, sert l’aspect narratif du film. À noter que le témoignage de la femme qui a tenu à cacher son identité a été puisé directement dans les documents juridiques déposés au cours du procès. Ses propos sont absolument hilarants.
Se juxtaposent à ces personnages animés, les entrevues des spécialistes connus du monde criminalisé (entre autres les journalistes Claude Poirier et Michel Auger aux démêlés multiples avec le célèbre motard et l’ex-policier Guy Ouellette, maintenant député du PLQ, qui, à l’époque de l’escouade Carcajou, a joué un rôle marquant dans la lutte contre les groupes de motards) et d’autres membres de la famille immédiate du cinéaste, ce qui ajoute à la compréhension des univers de chacun des protagonistes. La voix-off du réalisateur assure la narration.
Le charme de ce film est qu’il est aussi divertissant que captivant. En cela, le jeune et talentueux Champoux a parié sur la fascination des gens pour les criminels. Pari gagné!
Présenté en grande première vendredi le 11 novembre dernier à l’auditorium de la Grande Bibliothèque devant une salle comble de jeunes, passionnés de films d’animation, autant que de spectateurs de tous horizons, Danic Champoux était entouré de son équipe et de ses producteurs. Celui qui profitera des deux prochaines années en résidence à l’ONF a donné l’image d’un jeune homme déterminé, à la répartie vive et enjouée. Bravo Danic!
Mom et moi est présenté vendredi le 18 novembre à 19h45 à l’ONF en présence du réalisateur.
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