Dans son texte paru dans Le Devoir du 5 janvier, Dominique Boivin commente le nôtre dans Le Devoir du 30 décembre et l’aut’journal du 9 janvier sur la réforme des institutions démocratiques. Après avoir affirmé en avoir assez des avocasseries, l’auteur fait reposer son raisonnement sur deux affirmations d’ordre juridique qui sont sans fondement.
La première est que la Loi constitutionnelle de 1982 ne s’applique pas légalement au Québec. Cette question est réglée depuis trente ans et il serait temps d’en prendre acte. La non-signature du Québec n’a eu aucun effet juridique en droit canadien, ce qui explique pourquoi messieurs Charest et Harper ne s’en émeuvent guère et ne font aucun effort pour y remédier.
La Loi constitutionnelle de 1982 est mise en œuvre tous les jours par les tribunaux québécois et on ne peut plus sérieusement remettre cette réalité manifeste en question. Il n’y a là rien de bien surprenant, car la demi-douzaine de constitutions qui ont vu le jour depuis la Conquête ont toutes été imposées au peuple québécois et sont toutes légales dans l’ordre juridique qui leur a donné naissance.
La Loi constitutionnelle de 1982 est légale en droit canadien, mais illégitime sur le plan politique. Il faudra un jour opposer la volonté démocratique du peuple québécois à cette illégitimité, ce qui pourra déboucher sur une autre légalité, celle du droit québécois souverain.
Deuxièmement, l’auteur affirme que la clause dérogatoire peut être utile dans ce débat. Cette affirmation est totalement erronée.
D’abord, il est contradictoire d’invoquer une disposition d’une Constitution dont on dit qu’elle ne s’applique pas. La clause dérogatoire fait partie de la Loi constitutionnelle de 1982. Il est clair que l’utiliser pour limiter l’application d’autres dispositions de la Constitution, c’est déjà reconnaître que la Constitution s’applique. L’usage généralisé de la clause dérogatoire par le gouvernement Lévesque était à cet égard paradoxal.
Par ailleurs, la clause dérogatoire a une portée bien délimitée. Elle ne vise absolument pas les dispositions constitutionnelles principales relatives au parlementarisme ou à la monarchie, et elle ne peut certainement pas écarter l’ensemble de la Loi constitutionnelle de 1982.
Il faut peut-être ajouter ici une autre réalité. La souveraineté du Québec est inconstitutionnelle. A moins d’une modification constitutionnelle qu’on ne saurait présumer, elle sera illégale en droit canadien.
Encore une fois, il n’y a aucune raison de s’en étonner, puisque telle est la pratique quasi-universelle. Quel État voudra encourager la sécession en la reconnaissant d’avance dans sa Constitution? Très peu l’ont fait, et parmi eux l’hypocrisie a souvent régné, comme dans le cas de l’ex-URSS.
L’important est de savoir que la souveraineté du Québec sera légale en droit international qu’elle le soit ou non en droit canadien, comme l’a souligné la Cour internationale de Justice dans son Avis sur le Kosovo en 2010.
Le droit international n’exige pas de se conformer au droit canadien au moment du passage à la souveraineté. Le fait que des constitutions successives ont été imposées au Québec sera alors un facteur aggravant pour le Canada.
Il ne sert à rien de continuer à entretenir des mythes constitutionnels dépassés. La cause de la souveraineté du Québec n’en a pas besoin. Elle mérite beaucoup mieux, et elle sera servie de manière plus concrète et utile si elle s’appuie simplement sur la légitimité d’un peuple qui peut décider librement de son statut politique.
Le moment venu, la volonté politique du peuple québécois de choisir la souveraineté l’emportera sur toutes les considérations de légalité canadienne. C’est à cela qu’il faut travailler de façon urgente, sans se disperser dans des luttes secondaires pour des institutions plus démocratiques dont l’échec en droit canadien est assuré.
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