Les chefs syndicaux suivent avec une inquiétude non dissimulée l’évolution d’une situation politique particulièrement agitée, avec les révélations sur la corruption endémique au Parti libéral, l’arrivée de la CAQ de Legault-Sirois et la crise au Parti Québécois.
Réjean Parent, le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), reconnaît que l’arrivée de François Legault avec son projet d’abolition des commissions scolaires, de décentralisation des pouvoirs aux écoles et de l’évaluation des enseignants sur la base des résultats de leurs élèves a provoqué une onde choc dans les milieux de l’enseignement.
« Nous ne nous sommes pas laissés berner par la promesse d’une augmentation de 20% des salaires des enseignants, car nous connaissons fort bien cette approche. C’est le modèle américain, qui est un échec total. Les enseignants sont évalués (et rémunérés) en fonction des résultats de leurs élèves. Ça ne tient pas compte de la composition des classes, du statut socio-économique et linguistique des élèves. Et du fait que, selon plusieurs études, l’impact de l’enseignant ne représente qu’entre 10% et 15% de la réussite des élèves. »
Quand le Parti Libéral copie la CAQ
La menace s’est amplifiée lorsque, au mois d’octobre 2011, la ministre de l’Éducation Line Beauchamp a accouché d’une proposition pour le Conseil général du Parti Libéral qui était ni plus ni moins qu’un copié-collé du programme de la CAQ.
La ministre proposait des compressions de 300 millions $ sur trois ans dans le budget de l’Éducation, une dévolution des pouvoirs vers les écoles et des bonis de performance pour les écoles les plus performantes.
Réjean Parent se rappelle très bien de la réaction des délégués de la CSQ, réunis en Conseil général, lors de cette annonce de la ministre. « Les gens sont montés au plafond. Ils n’excluaient aucun moyen, y compris la grève, pour s’opposer à ce programme ».
Finalement, ce sont les militants libéraux qui ont disposé de la proposition de Line Beauchamp, après avoir vivement critiqué le projet et, fait sans précédent, rabroué la ministre.
« Le projet a été tabletté, de dire Réjean Parent, mais nous craignons énormément qu’il revienne sous une forme ou une autre ».
Réaction troublante de Pauline Marois
Ce qui trouble tout autant le président de la CSQ est la réaction de Pauline Marois. « Dans un premier temps, elle a déclaré qu’elle prenait ‘‘avec un grain de sel’’ la proposition de Line Beauchamp. Puis, elle l’a critiquée du bout des lèvres en reprenant le mantra libéral-caquiste à l’effet qu’il y aurait ‘‘ trop de bureaucratie’’ dans le réseau scolaire ».
« En fait, résume Réjean Parent, les militants libéraux ont fait preuve d’un sens critique plus aiguisé que la cheffe de l’Opposition officielle! C’est drôlement inquiétant! »
Pour le dirigeant syndical, la faiblesse de la réaction de Mme Marois prend un sens encore plus dramatique lorsqu’on la met en lien avec d’autres prises de position récentes de la direction péquiste.
« On a été extrêmement étonné, déclare-t-il, de voir Mme Marois prendre ses distances avec le projet de loi anti-scab, d’autant plus qu’il avait été déposé par son propre parti! Faut le faire! »
On se rappellera de la déclaration de Mme Marois à l’effet que, si on modifiait la loi anti-scab, il faudrait donner une contrepartie au patronat pour maintenir « l’équilibre entre les parties ».
Les chefs syndicaux ont rapidement réagi par une lettre ouverte dans les journaux, précisant qu’au contraire, on pouvait « constater à quel point l'absence d'une telle modernisation de la loi maintient un déséquilibre inacceptable dans le rapport de force dans certaines négociations » (Le Devoir, 23 novembre 2011).
Enfin, Réjean Parent est abasourdi de constater que, dans le programme du Parti Québécois adopté en avril 2011, il n’y ait aucune section consacrée au monde du travail. Bien plus, les mots « travailleur » et « syndicat » sont totalement absents du document.
« Au cours de l’histoire, nous avons eu nos différends, voire d’importants affrontements avec le Parti Québécois. Mais, un tel déni du mouvement syndical, du monde du travail, c’est du jamais vu! », de nous dire le chef syndical qui, tout en affirmant « ne pas vouloir se mêler des affaires internes d’un parti politique », trouve la situation extrêmement déplorable.
« À la CSQ, on mène présentement une tournée nationale pour voir comment on peut influencer l’environnement politique pour avoir une société plus juste. C’est sûr que ces faits vont alimenter notre réflexion et notre questionnement et orienter notre recherche de solutions. »
Photo : Ledevoir.com
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