La criminalisation des enseignants

2012/05/01 | Par Yves Claudé

L’auteur est enseignant, citoyen, et parent d’élèves

À travers un certain vacarme médiatique, on perçoit clairement que le gouvernement du Québec reste sourd aux revendications des étudiants, alternant fermeture, provocations, menaces et stratégie de division…, mais on entend peu la voix de tous les professeurs qui se trouvent dans des situations intenables du fait des injonctions et des menaces de criminalisation qui pèsent sur eux.

On assiste, de la part de juges apparemment peu au fait du monde scolaire et encore moins de la pédagogie, à la multiplication d’injonctions ordonnant le retour en classe sous peine de très lourdes sanctions (amendes, incarcération, destitution, etc.) associées à la notion d’« outrage au tribunal ».

Or le climat créé par ces coups de force juridiques contre la démocratie étudiante, sans égard à la réalité scolaire, rend justement impossible un climat de classe favorable à la reprise des cours.

Enjoints d’enseigner dans une situation intenable, antidémocratique et antipédagogique, de nombreux professeurs, dans toutes les institutions scolaires subissant des injonctions, sont à la fois en colère et au désespoir, non seulement parce qu’ils sont devenus des « criminels » potentiels, mais parce qu’ils sont à même de constater les dommages considérables que le gouvernement Charest a causé à leur école.

Ils comprennent bien qu’eux et leurs élèves, mais aussi les employés, cadres et directions, sont victimes d’un détournement des fonctions de l’État au profit d’un pouvoir qui a orchestré le dérapage de la crise étudiante dans une stratégie de tension aux visées électorales.

Le premier ministre doit agir sans délai pour éviter que des enseignants soient traités comme des « criminels », pour éviter que des élèves soient privés de cours du fait de l’incarcération ou de la destitution de leur professeur, ou pire que des remplaçants se trouvent dans l’odieuse situation de choisir entre se priver d’un emploi ou prendre la place d’un enseignant détenu ou destitué !

Dans ce contexte de crise étudiante instrumentalisée par un pouvoir en situation de faiblesse, on assiste à un dangereux divorce entre légalité et légitimité : la déplorable stratégie gouvernementale est-elle en train de transformer une crise sectorielle en une crise de l’État et des fondements d’une société démocratique ?

Le gouvernement doit savoir que les enseignants refusent d’être pris en otage d’une stratégie qui, sous les apparences de la légalité, se situe intégralement dans l’illégitimité.

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